samedi 1 mars 2008

Le pied de nez de Ahmadinejad en Irak

Chaque fois que George W. Bush se rend en Irak - la dernière fois, en septembre 2007 -, sa visite est tenue secrète et n’est annoncée qu’après son départ du pays. Et il se garde bien aussi de passer ne serait-ce qu’une seule nuit à Bagdad. Rien de semblable avec Mahmoud Ahmadinejad qui arrive en grande pompe, dimanche, dans la capitale irakienne pour une visite annoncée de longue date, qualifiée d’«historique» et qui promet d’être spectaculaire. Une visite de deux jours qui accaparera tous les regards, à commencer par ceux de Washington, obligé de surcroît de veiller à la sécurité d’un homme présenté comme un ennemi de l’Amérique.

Perspectives. Paradoxalement, ce n’est pas pour rencontrer les dirigeants irakiens que le président iranien vient en Irak. Ceux-ci connaissent bien le chemin de Téhéran où nombre d’entre eux - le président Jalal Talabani (qu’Ahmadinejad qualifie de «frère d’arme»), le Premier ministre Nouri al-Maliki, les dirigeants de plusieurs partis chiites - ont passé de longues années en exil lorsque Saddam Hussein était au pouvoir. Depuis sa chute, ils y sont revenus à plusieurs reprises, notamment pour signer des accords commerciaux.

Hautement symbolique, la visite de Ahmadinejad s’inscrit d’abord dans la contre-offensive menée par Téhéran pour desserrer l’étau américain dans la région. Les Etats-Unis font ouvertement campagne pour isoler l’Iran en raison de son programme nucléaire mais aussi du fait de son implication dans les affaires arabes. Elle vise à témoigner que l’Iran est un partenaire incontournable dans la région, d’où l’éclat que Téhéran veut lui donner. En dernier ressort, elle s’inscrit dans la perspective toute proche des élections législatives iraniennes (14 mars) que les partisans du Président devraient perdre si le scrutin n’est pas truqué.

C’était déjà avec la volonté de contrer l’influence américaine que Ahmadinejad s’était rendu aux Emirats arabes unis l’an dernier, malgré le contentieux territorial entre les deux pays, avant de participer - une première pour Téhéran - à un sommet du Conseil de coopération du Golfe, une institution créée pour contrer «l’hégémonisme iranien» dans la région. En décembre, il se trouvait en Arabie Saoudite, fort d’une invitation personnelle du roi Abdallah à participer au pélerinage de La Mecque.

En fait, les dirigeants arabes ont deux discours : l’un qui assure Téhéran de leur amitié et l’autre qui s’alarme des visées iraniennes dans le Golfe, en Palestine, au Liban et en Irak. Aussi, la visite de Ahmadinejad dans l’ancienne Mésopotamie ne sera sans doute pas aussi appréciée que celles dans les capitales arabes. Celles-ci suivent à la loupe les développements en Irak, où l’action de Téhéran est jugée déstabilisatrice. Tout rapprochement irano-irakien est également jugé préoccupant.

«Influence». Selon un rapport de l’institut de recherches Chatham House de Londres, publié en 2006, Téhéran a désormais plus d’influence en Irak que Washington, pas seulement dans les cercles du pouvoir mais aussi dans la rue. Un dirigeant chiite, Hassan al-Shimmari, la résume ainsi : «L’Iran a la capacité de déstabiliser la situation politique en provoquant la violence, en soutenant et en armant des milices et à travers son influence au sein du gouvernement. Le système politique irakien n’est pas encore assez mature. Cela permet à l’Iran d’intervenir dans les affaires irakiennes.» Parfois au bénéfice de Washington qui profite actuellement de la trêve décidée par le trublion chiite Moqtada al-Sadr, chef de l’Armée du Mahdi, qui est tombé dans le giron iranien. Une trêve qui a forcément reçu l’aval de l’Iran et qui vient d’être renouvelée peu avant la visite iranienne.

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