dimanche 28 juin 2009

Dans le silence des prisons : que se passe-t-il à Evine ?

Voici un reportage de la prison de Evine à Téhéran. il est publié hier le 27 juin 2009 par le RSF

Des prisons iraniennes rien ni personne ne sort. Les Iraniens font la queue à la porte des prisons, pour y trouver le nom d’un parent, d’un proche dont ils n’ont plus de nouvelles. Les recherches désespérées se répètent dans toutes les villes du pays. La liste de 700 noms placardée à l’entrée de la prison d’Evine est bien incomplète. Les familles se voient refuser systématiquement le droit de voir leurs proches disparus. Les portes restent closes. Déjà le 22 juin, 150 avocats iraniens avaient lancé un appel aux autorités pour la libération des personnes arrêtées, demandant au moins l’accès des prisons pour les avocats.

Les proches des journalistes arrêtés sont trimballés d’un bout à l’autre de la ville par les différentes administrations : « Non, il n’est pas ici. Allez là-bas. » Et arrivés à l’endroit indiqué, on les renvoie à la case départ.

« Les familles des centaines d’Iraniens emprisonnés dans la prison d’Evine sont en droit de voir leurs proches et d’obtenir des informations sur les raisons de leur détention. Ceux détenus dans la section 209 sont particulièrement en danger. Nous demandons aux autorités de Téhéran d’autoriser les représentants de la presse étrangère et des représentants d’organisations de défense des droits de l’homme à visiter la prison comme cela avait été le cas en 2006 », a déclaré l’organisation.

« Plusieurs témoignages nous font craindre que la torture et les mauvais traitements soient systématiquement infligés aux détenus accusés d’avoir manifesté contre le régime. Plusieurs journalistes et blogueurs auraient été violentés par les gardiens et les hommes du procureur M. Mortazavi. Comme le stade de Santiago du Chili en 1973, la prison d’Evine est devenue un centre de détention sanglant où règne l’arbitraire. Nous appelons la communauté internationale à tout faire pour briser le silence qui s’est imposé autour des prisonniers d’opinion de la prison d’Evine », a ajouté l’organisation, qui rappelle que le 26 juin est la Journée internationale contre la torture.

Dans le passé, Reporters sans frontières a recueilli de nombreuses informations sur des cas de torture au sein de la prison d’Evine. Ainsi, la journaliste irano-canadienne Zara Kazemi y est morte sous la torture en 2003, et plus récemment le blogueur Omidreza Mirsayafi, décédé le 19 mars 2009.

Récemment libéré de la prison d’Evine, Roxana Saberi a déclaré : "Je suis inquiète pour les gens qui sont détenus, je pense qu’ils le sont dans des conditions plus difficiles que moi. Certains sont probablement torturés physiquement."

Par ailleurs, Reporters sans frontières a appris l’arrestation, le 20 juin, de Mehdi Zabouli, journaliste et photographe pour le quotidien Hamshahri. Blessé au cours des manifestations, il avait dû être hospitalisé. D’autres patients ont été arrêtés le même jour.

Amanolah Shojai et Mashalah Hidarzadeh, arrêtés à Bushehr le 16 juin, ont été libérés le 25 juin 2009. Et depuis le 20 juin 2009, l’organisation est sans nouvelles d’Ali Mazroui, président de l’Association des journalistes iraniens.

Depuis l’élection présidentielle contestée, au moins 25 journalistes arrêtés sont toujours emprisonnés. Avec un total de 33 journalistes en prison, l’Iran est la première prison du monde pour les journalistes, devant la Chine et Cuba.

Le 14 juin 2009 : • la cyberdissidente Somaieh Tohidlou (http://smto.ir) • Ahmad Zeydabadi, • Kivan Samimi Behbani, • Abdolreza Tajik, • Mahssa Amrabadi, • Behzad Basho, le caricaturiste • Khalil Mir Asharafi • Karim Arghandeh, journaliste pour les journaux réformateurs Salam, Vaghieh etafaghieh, et blogueur (http://www.futurama.ir/) a été arrêté à son domicile de Téhéran. • Shiva Nazar Ahari, cyberdissidente et activiste des droit de l’homme (voir son blog : http://azadiezan.blogspot.com), a été arrêtée à son domicile de la capitale

Le 15 juin 2009 : • Mohamad Atryanfar, directeur de plusieurs publications comme Hamshary, Shargh, Shahrvand Emrouz, aurait été transféré à la section de sécurité de la prison d’Evine. • Saïd Hajarian, ancien directeur du journal Sobh-e-Emrouz, a été arrêté par les forces de l’ordre dans la nuit du 15 au 16 juin à son domicile de Téhéran, alors même qu’il est handicapé. • Mojtaba Pormohssen, journaliste pour plusieurs journaux réformateurs, collaborateur à la radio Zamaneh et rédacteur en chef du journal Gilan Emroz, a été arrêté à Rashat (nord du pays).

Le 16 juin : • Mohammad Ali Abtahi, surnommé “Mollah blogueur“, a été arrêté à son domicile de Téhéran. Son blog : http://www.webneveshteha.com/. • Fariborez Srosh, journaliste indépendant, aurait également été arrêté ce jour-là. Dans le passé, il avait déjà arrêté et emprisonné du fait de sa collaboration avec Radio farda (Radio Free Europe).

Le 17 juin : • Saide Lylaz, journaliste au journal Sarmayeh, a été arrêté à son domicile de la capitale. Ce spécialiste des questions économiques s’est montré très critique envers la politique d’Ahmadinejad. • Rohollah Shavar, journaliste de la ville de Mashad, est détenu depuis la même date.

Le 18 juin : • Mohammad Ghochani, rédacteur en chef du quotidien Etemad Meli, propriété de Mehdi Karoubi, l’un des candidats d’opposition à Mahmoud Ahamadinejad, a été arrêté à Téhéran, à deux heures du matin.

Le 20 juin : • Pas de nouvelles d’Ali Mazroui, président de l’Association des journalistes iraniens. • Bahaman Ahamadi Amoee et son épouse Jila Baniyaghoob ont été arrêtés à leur domicile à minuit, suite à une perquisition d’agents en civil du ministère du Renseignement. Lauréate en 2009 du Prix du Courage en journalisme, décerné par la International Women’s Media Foundation, Jila Baniyaghoob dirige un site d’informations de tendance féministe, Canon Zeman Irani (http://irwomen.net). Son mari, Bahaman Ahamadi Amoee, collabore à plusieurs publications proches du courant réformateur. • Mehdi Zabouli, journaliste et photographe pour le quotidien Hamshahri. Blessé au cours des manifestations, il avait dû être hospitalisé.

Le 21 juin : • Le correspondant de l’hebdomadaire Newsweek, Maziar Bahari, a été arrêté par les forces de la Sécurité à son domicile à 7 heures du matin.

Le 22 juin : • Mostafa Ghavnlo Ghajar, collaborateur de plusieurs journaux et spécialiste des « médias étrangers » à la Radio Goftogo, a été arrêté à son domicile. Son blog est consultable sur : http://www.ghajar.ir/. • Iason Athanasiadis, journaliste gréco-britannique pour le Washington Times • 25 collaborateurs et professionnels des médias du Kalemeh Sabz arrêtés, dont Alireza Behshtipour Shirazi, le rédacteur



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Huit employés locaux de l'ambassade britannique à Téhéran arrêtés



Huit employés locaux de l'ambassade de Grande-Bretagne à Téhéran ont été arrêtés pour leur "rôle considérable dans les récents troubles" qui ont agité le pays après la réélection contestée du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, a annoncé dimanche 28 juin l'agence Fars. Peu après le ministre britannique des affaires étrangères David Miliband a réagi en dénonçant un mode de "harcèlement" et une mesure d'"intimidation" et a exigé que ces personnes "soient relâchés saines et sauves". Ce nouvel épisode risque de crisper plus encore les relations entre les deux pays, qui s'était déjà largement dégradées ces dernières semaines.

Londres et Téhéran ont expulsé en début de semaine deux diplomates chacun, les autorités iraniennes accusant la Grande-Bretagne de se mêler de ses affaires intérieures et de jouer un rôle dans la vague de contestation que connaît le pays. Le correspondant de la BBC en Iran, Jon Leyne, soupçonné par l'Iran de soutenir les manifestations contre le pouvoir, a reçu le week-end dernier l'ordre de quitter le pays.

David Miliband a estimé jeudi que le gouvernement iranien était confronté à une "crise de crédibilité" avec son propre peuple et non avec l'Occident et dénoncé la "répression lourde" des manifestations après l'élection.

Face aux pressions exercées par l'Occident, et aux récentes déclarations de Barack Obama sur le courage des manifestants iraniens, considérées comme autant d'ingérences, le président Ahmadinejad a adopté samedi un ton très menançant. "Sans aucun doute, le nouveau gouvernement iranien aura envers l'Occident une approche plus décisive et plus ferme", a dit le le chef de l'Etat, ajoutant : "Cette fois, la réaction de la nation iranienne sera dure et plus décisive" pour faire regretter à l'Occident son ingérence.




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L’organe suprême d'arbitrage tente de trouver une issue à la crise

TEHERAN - L'organe suprême d'arbitrage iranien a appelé samedi les candidats battus à la présidentielle à coopérer avec le Conseil des gardiens de la constitution pour trouver une issue au conflit sur la réélection de Mahmoud Ahmadinejad.

Sur le terrain diplomatique, M. Ahmadinejad a de nouveau répliqué au président Barack Obama tandis que les Affaires étrangères critiquaient les déclarations "hâtives" du G8, dont les chefs de diplomatie ont demandé la fin des violences après le scrutin aux résultats contestés.

Présidé par l'ex-président Akbar Hachémi Rafsandjani, le Conseil de discernement appelle "tous les candidats à coopérer au maximum avec le Conseil des gardiens de la constitution et à utiliser cette occasion (...) pour présenter leurs documents pour un examen complet et précis" du processus électoral, selon un communiqué cité par l'agence Isna.

Le Conseil des gardiens de la constitution a annoncé vendredi la création d'une commission spéciale comprenant des représentants des candidats qui devra préparer un rapport sur le scrutin, tout en affirmant qu'il n'y avait pas eu de fraude lors de la réélection du président Ahmadinejad.
Le principal rival de M. Ahmadinejad à la présidentielle et chef du mouvement de contestation, Mir Hossein Moussavi, ainsi que le candidat réformateur Mehdi Karoubi réclament toujours l'annulation du scrutin pour fraude.

Le Conseil de discernement semble tenter de trouver une issue pacifique à la contestation qui a fait au moins 20 morts depuis deux semaines.

MM. Moussavi et Karoubi n'avaient pas répondu samedi après-midi à l'invitation à participer à la commission spéciale, ni nommé de représentants, selon le Conseil des gardiens.

Le Conseil de discernement est chargé de régler les disputes entre le Parlement et le Conseil des gardiens. Il conseille également le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei.
L'organe d'arbitrage a également demandé au Conseil des gardiens "un examen précis de toutes les plaintes et protestations et de répondre aux ambiguïtés" entourant le scrutin.

Dix pour cent des bulletins de vote doivent être recomptés par la commission spéciale.

Par ailleurs, M. Ahmadinejad s'en est de nouveau pris samedi au président américain Barack Obama, qui s'était dit la veille "outré" par la répression des manifestations.

"Il a parlé de réformes et de changement, pourquoi alors intervient-il (dans les affaires intérieures iraniennes) et fait-il des commentaires contraires (...) à la politesse", a-t-il dit.

Le président iranien a également dénoncé les "propos insultants de certains responsables occidentaux" envers l'Iran, en affirmant qu'il allait désormais profiter de sa présence "dans toutes les instances internationales pour faire le procès" de ces dirigeants.

Réunis à Trieste en Italie, les chefs de diplomatie du G8 avaient demandé vendredi la fin des violences et invité le pouvoir iranien à respecter en particulier "le droit d'expression".

Ces déclarations sont "hâtives" et constituent "une ingérence", a dit le porte-parole de la diplomatie iranienne, Hassan Ghashghavi.

Deux semaines après la proclamation de la victoire de M. Ahmadinejad avec 63% des voix, le mouvement de contestation contre le résultat du scrutin s'essoufle et Téhéran était calme samedi.

Mais les autorités ne relâchent pas la pression et ont perquisitionné les locaux d'un parti politique ayant soutenu M. Moussavi pendant la campagne.

"Des agents (des forces de sécurité) se sont rendus au siège du parti Kargozaran et ont emporté des documents et des ordinateurs", a rapporté le quotidien réformateur Etemad Melli sans préciser de date. Le parti a été fondé en 1995 par des technocrates et des proches de M. Rafsandjani.

Par ailleurs, le rédacteur en chef d'un journal de campagne de M. Moussavi l'a accusé d'avoir "causé" la mort d'Iraniens lors des manifestations.

"Maintenant que les communiqués provocants ont causé la mort de compatriotes, il est pris au piège" de son erreur de jugement, a déclaré Amir Hossein Mahdavi, le rédacteur en chef de Andisheh No, à l'agence Isna.



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Barack Obama : la diplomatie sera affectée par les violences

Il précise que les discussions multilatérales se poursuivront. Le président américain a également affirmé qu'il ne prenait pas "au sérieux" les demandes d'excuses du président iranien Mahmoud Ahmadinejad.

Le président américain Barack Obama a estimé vendredi 26 juin que les efforts de diplomatie directe avec l'Iran seront affectés par les violences à l'encontre des manifestants. Cependant, les discussions multilatérales se poursuivront, a-t-il indiqué lors d'une conférence de presse commune avec la chancelière allemande Angela Merkel. Le président américain a également affirmé qu'il ne prenait pas "au sérieux" les demandes d'excuses du président iranien Mahmoud Ahmadinejad.

"Obligations envers son peuple"

"Je ne prends pas les déclarations de M. Ahmadinejad au sérieux à propos des excuses (demandées par le président iranien), concernant en particulier le fait que les Etats-Unis se seraient écartés (de leur objectif) de ne pas s'ingérer dans le processus électoral en Iran", a-t-il expliqué. "Je suggèrerais que M. Ahmadinejad réfléchisse avec attention aux obligations qu'il a envers son peuple", a ajouté Barack Obama.
Jeudi, la Maison Blanche avait regeté les accusations d'ingérences lancées par le président iranien. "J'espère que vous (M. Obama) éviterez de vous ingérer dans les affaires de l'Iran et exprimerez des regrets de manière à ce que le peuple iranien en soit informé", a affirmé Mahmoud Ahmadinejad.
(Nouvelobs.com)



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samedi 27 juin 2009

"Huit millions de bassidjis" par Delphine Minoui

Les bassidjis, communément surnommés miliciens pro-Ahmadinejad, ont été au premier rang dans la répression des manifestations de l'opposition depuis l'annonce des résultats contestés de l'élection présidentielle.

Cette organisation paramilitaire - qui compte, selon les experts, entre plusieurs centaines de milliers et huit millions de membres - voue, avant tout, un culte sans limite au guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, leur «gourou» dont ils boivent les paroles comme du petit-lait.

Sa création, par feu l'imam Khomeyni, père fondateur de la République islamique, remonte aux premières années post- révolutionnaires. À l'époque, les bassidjis - parmi lesquels de nombreux jeunes adolescents - s'illustrèrent pendant la guerre contre l'Irak (1980-1988) en constituant des «vagues humaines» chargées d'ouvrir la route dans les champs de mines aux forces plus âgées. Placés sous les ordres des gardiens de la révolution (ou «pasdaran»), l'armée d'élite du régime, ils héritèrent rapidement d'une autre tâche : la répression contre les dissidents, les intellectuels et les jeunes dits trop «occidentalisés».

Aujourd'hui, la milice compte une majorité de membres en civil, mobilisables en cas de besoin, et des unités plus réduites, mais professionnelles et armées. Au nom du «maintien de l'ordre», les bassidjis sont aujourd'hui les «maîtres» de Téhéran, à la nuit tombée.

Ils installent des postes de contrôle, ils fouillent les voitures, ils arrêtent les passagers. «Un véritable état de siège», dit un manifestant.



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Les bassidjis règnent en maîtres sur Téhéran


La milice des bassidjis et les forces antiémeutes se sont unies pour mater la contestation après l'annonce de la réélection d'Ahmadinejad à la présidence de l'Iran. Crédits photo : AFP


Quand Ali est rentré un soir la chemise maculée de sang, son épouse Fatemeh n'a pas eu besoin de longues explications. Ainsi marche la milice des pro-Ahmadinejad.


La clé tourne dans la serrure. Une fois de plus, le dîner a eu le temps de refroidir. Sur le sofreh - la nappe sur laquelle on dispose le repas, à même le sol -, l'assiette d'Ali attend depuis quatre heures. La tête dans ses livres, Fatemeh prend à peine le temps de lui dire «bonsoir». À la faculté d'économie, les examens ont été maintenus, malgré les troubles de ces derniers jours. Mais là, ses yeux restent collés sur la che­mise de son mari : elle est rouge de sang. «Ça a encore bastonné. Je suis allé donner un coup de main pour emmener les blessés à l'hôpital…», marmonne-t-il en guise d'explication. Pas la peine d'en dire plus. Elle a compris. Chez les bassidjis, les ordres sont les ordres. Ça ne se discute pas. Fidèle à sa hiérarchie, Ali a dû troquer son tablier de cogérant d'un petit restaurant contre la matraque pour aller mater les opposants pro-Moussavi…

Ni uniforme, ni blason

En période de «crise», il en est ainsi pour les petits soldats volontaires de la République islamique. Il suffit d'un seul «signal» donné par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, et les voilà tous aux abois, prêts à en découdre contre les «émeutiers» qui mettent en danger «la sécurité nationale». Combien sont-ils ? Difficile à dire.

La journée, Ali et ses camarades sont quasi invisibles. Ils ne portent ni uniforme ni blason. Ils n'ont pas besoin de pointer à la caserne du coin. Ils travaillent comme épiciers, chauffeurs de taxi, petits fonctionnaires. Ils étudient, pour certains, à l'université - où un ­quota spécial leur est réservé. Mais en un coup de fil, ils sont capables de tout laisser tomber pour enfourcher leur moto et prêter main-forte à la police et aux forces antiémeutes. Ces dernières font plus peur que mal. Mais les membres du Bassidj (littéralement la «mobilisation»), eux, s'accordent tous les droits. Armés de bâtons et de poignards - parfois de pistolets, selon les témoins -, ils n'ont pas peur de tuer.

À première vue, Ali et Fatemeh ont pourtant tout du gentil couple iranien. Il a 34 ans. Elle en a 28. Unis, il y a sept ans, par un «mariage arrangé» - une coutume fréquente dans les milieux traditionnels -, ils habitent un appartement modeste, au nord de Téhéran. La semaine, il travaille d'arrache-pied dans une gargote, tandis qu'elle étudie avec assiduité, dans l'espoir de décrocher un poste de comptable. Le week-end, ils s'échappent à la montagne, où Ali a investi ses économies dans un petit lopin de terre. Héritiers d'une révolution qu'ils n'ont pas choisie, mais pour laquelle leurs parents ont tout sacrifié il y a trente ans, leur vie reste imprégnée d'une idéologie dans laquelle ils ont grandi. Malgré eux.

Quand la guerre Iran-Irak éclate, en 1980, leurs aînés font partie des premiers bassidjis de la toute jeune République islamique. Originaires des faubourgs populaires de Téhéran, ils foncent, les yeux fermés, vers les champs de bataille, au nom de la patrie et du chiisme. Mort «en martyr», un des oncles de Fatemeh repose aujourd'hui dans le grand cimetière Behecht-é Zahra, où les tombeaux des «héros» s'alignent à perte de vue. À l'époque, une de leur mission consiste également à traquer les «ennemis» de l'intérieur - c'est-à-dire les opposants au régime et les membres apolitiques d'une bourgeoisie considérée comme trop occidentalisée.

Au sortir de la guerre, en 1988, les survivants sont récompensés. Le père de Fatemeh est promu commandant de quartier. Celui d'Ali rejoint une petite usine semi-étatique. Leurs familles bénéficient de nombreux privilèges : coupons alimentaires, accès à certaines coopératives… En fonction de leurs grades - souvent tenus au plus grand secret -, les bassidjis suivent des entraînements au maniement des armes, où ils sont formés aux techniques de guerre asymétrique.

L'esprit «Scout toujours», à la sauce islamique

Bercé par le culte de la guerre et frustré d'avoir été trop jeune pour pouvoir en faire partie, Ali se rat­trape sur la lecture des Mémoires de martyrs. Il se les procure au passage Mahestan, la «Mecque» des jeunes bassidjis, au sud de Téhéran, où s'entassent CD coraniques, fouets pour la fête religieuse de l'Achoura et documentaires pro régime. Le vendredi, jour férié en Iran, il fait la chasse aux mal-voilées. En 1997, la tolérance prônée par le nouveau président réformateur, Khatami, le pousse à adoucir légèrement son discours. Comme de nombreux jeunes bassidjis, il s'investit alors dans des œuvres à caractère social, comme l'aide aux sinistrés du séisme de Bam. Fatemeh, elle, participe aux campagnes de vaccination.

Si elle prend progressivement goût aux nouvelles libertés sociales - au point de voter, en 2005, pour Rafsandjani et de troquer son tchador noir contre un simple foulard -, il reste fidèle aux «conseils du guide» et donne sa voix à Ahmadinejad, «un des nôtres», dit-il. Ce dernier a parfaitement su flatter l'ego de ces jeunes «volontaires», qui peinent à se trouver une place dans cet Iran réformiste des «fils à papa», selon l'expression d'Ali. Les manœuvres paramilitaires reprennent discrètement. Dans les mosquées, l'esprit «scout toujours» à la sauce islamique soude les troupes. Le 12 juin dernier, c'est donc en toute logique qu'Ali prête allégeance, les yeux fermés, à son politicien préféré. Si Fatemeh doute des résultats, il y voit, lui, «le signe d'une fidélité à la République islamique». «La défense du régime passe avant la famille», lâche-t-il sans détour.



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Moussavi dénonce les pressions pour le faire reculer


Le chef de la contestation en Iran Mir Hossein Moussavi s’est dit jeudi la cible de pressions du pouvoir pour renoncer à sa demande d’annulation de la présidentielle remportée par Mahmoud Ahmadinejad, mais a renouvelé son appel à poursuivre les manifestations dans le calme.

M. Ahmadinejad, pour sa part, a demandé au président américain Barack Obama de ne plus interférer dans les affaires iraniennes, une accusation rejetée par la Maison Blanche.

Entre-temps, le grand ayatollah dissident Hossein Ali Montazeri a mis en garde contre la répression des protestations après la réélection controversée de M. Ahmadinejad le 12 juin.

Par ailleurs, la Russie a mis en garde contre le risque d’«isoler» le régime de Téhéran alors que Rome et Paris appellent à une position «ferme» sur les violences post-électorales en Iran lors de la réunion du G8 qui s’est ouverte jeudi soir à Trieste (Italie).

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a estimé que «l’isolement de l’Iran» était «une approche erronée», à l’issue d’un entretien avec le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini.

Interrogé sur la volonté des ministres des Affaires étrangères du G8 de condamner les violences qui ont suivi l’élection présidentielle iranienne, M. Lavrov a répondu que «personne ne souhaite condamner» le processus électoral dans ce pays.

«Le mot-clé est l’implication» de l’Iran et non son isolement, a ajouté le chef de la diplomatie russe, dont l’approche se veut plus conciliante que celle de Washington et de Paris.

Le G8 réunit l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France, les Etats-Unis, le Canada, le Japon et la Russie.

M. Frattini s’est malgré tout dit convaincu que le document final «condamnera» les violences en Iran.

La contestation en Iran, sans précédent depuis 30 ans, a été durement réprimée et les manifestations qui avaient rassemblé jusqu’à plusieurs centaines de milliers de personnes la semaine dernière ont considérablement perdu de leur ampleur.

Les manifestations ont fait au total 20 morts, dont huit membres de la milice islamique Bassidj, a rapporté jeudi sur son site internet la chaîne de télévision publique en langue anglaise Press TV.

D’autres médias publics avaient fait état auparavant de 17 personnes tuées, un chiffre impossible à vérifier pour les médias étrangers, qui n’ont le droit de couvrir que les événements autorisés par le pouvoir.

M. Moussavi, soutenu par le camp réformateur, s’est dit soumis à des «pressions (qui) visent à (le) faire renoncer à (sa) demande d’annulation de l’élection», selon son site Kalemeh.

Il a expliqué que son «accès à la population est complètement limité» par les autorités. «Nos deux sites internet ont beaucoup de problèmes. La publication de (son journal de campagne) Kalameh Sabz a été interdite et les membres de la rédaction ont été arrêtés. D’autres journaux (réformateurs) sont aussi confrontés à de sévères restrictions».

Mais il a ajouté que «rien ne pourra (l’) empêcher d’obtenir des droits pour le peuple iranien» et renouvelé son appel à la poursuite de la contestation dans le calme.

Même son de cloche chez le dissident Montazeri, dont le rang est le plus élevé dans le clergé chiite en Iran.

«Si le peuple ne peut pas revendiquer ses droits légitimes dans des manifestations pacifiques et est réprimé, la montée de la frustration pourrait détruire les fondations de n’importe quel gouvernement, aussi fort soit-il», a-t-il dit.

Selon des médias, 140 universitaires, journalistes, intellectuels et étudiants ont été arrêtés, dont 70 membres d’associations islamiques d’étudiants ayant rencontré M. Moussavi.

Kalemeh, le site internet du journal de M. Moussavi, rapportait jeudi soir que seules quatre des personnes arrêtées pour avoir rencontré le candidat mercredi demeuraient en détention, et que les autres avaient été libérés dans la matinée.

Le pouvoir a exclu l’annulation du scrutin et annoncé que le nouveau président et son gouvernement seraient investis entre le 26 juillet et 19 août.

Le Conseil des gardiens, chargé de valider les résultats, s’est donné jusqu’à lundi pour examiner les plaintes mais a clairement indiqué que cela ne remettrait pas en cause le résultat final.

Le régime a renouvelé ses critiques à l’égard de l’Occident, en demandant à M. Obama de cesser d’interférer dans les affaires de l’Iran.

«J’espère que vous (M. Obama) éviterez de vous ingérer dans les affaires de l’Iran et exprimerez des regrets de manière à ce que le peuple iranien en soit informé», a dit M. Ahmadinejad.

Mardi, M. Obama avait condamné la répression des manifestations et estimé que la légitimité de la réélection de M. Ahmadinejad posait de «sérieuses questions».

Le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs a affirmé jeudi que M. Obama avait déjà précédemment remarqué que des dirigeants iraniens avaient tenté de faire jouer aux Etats-Unis un rôle dans la crise politique.

«J’ajouterai le président Ahmadinejad à la liste de ces personnes», a-t-il dit.

La Russie a elle mis en garde contre le risque d’«isoler» le régime de Téhéran lors de la réunion du G8 qui s’est ouverte jeudi soir à Trieste (Italie).

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a estimé que «l’isolement de l’Iran» était «une approche erronée».

Le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini s’est malgré tout dit convaincu que le document final du G8 «condamnera» la répression sanglante des manifestations en Iran, «mais rappellera dans le même temps que le processus électoral est une question iranienne».

(Source AFP)



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«Aucune fraude dans le scrutin», selon les gardiens de la constitution



Le Conseil des gardiens de la constitution iranien affirme qu'aucune fraude n'a été commise lors de l'élection présidentielle. Les deux autres candidats demandent toujours l'annulation du scrutin.

Le porte-parole du Conseil des Gardiens de la constitution a affirmé ce vendredi qu’aucune fraude électorale n’avait entaché la réélection du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, selon l’agence officielle Irna.

«Nous pouvons dire avec certitude qu’il n’y a eu aucune fraude dans le scrutin», a déclaré Abbasali Kadkhodai, alors que deux candidats malheureux, Mir Hossein Moussavi, le chef du mouvement de contestation qui a suivi l’élection controversée, et le réformateur Mehdi Karoubi, réclament toujours l’annulation du scrutin du 12 juin.

«Il n’y a eu aucune fraude dans l’élection présidentielle par le passé et la dernière élection a été la plus propre» de toutes, a ajouté Kadkhodai, dont l’institution est chargée de confirmer la validité des scrutins. «Les examens faits au cours des dix derniers jours montrent qu’en dehors d’irrégularités mineures qui existent dans toute élection, il n’y a pas eu d’irrégularités majeures (…) lors de la présidentielle», a-t-il ajouté.
«Des pressions pour renoncer»

Jeudi, Hossein Moussavi, soutenu par le camp réformateur, a dénoncé des «pressions (du pouvoir qui) visent à (le) faire renoncer à (sa) demande d’annulation de l’élection».
Il a ajouté que «rien ne pourra (l’) empêcher d’obtenir des droits pour le peuple iranien» et renouvelé son appel à la poursuite de la contestation dans le calme. Pour sa part, le candidat réformateur Karoubi refuse également de reconnaître les résultats du scrutin et demande l’organisation de nouvelles élections.

Le porte-parole du Conseil avait déjà exclu mardi que cet organe remette en cause la réélection du président sortant. Il avait concédé la veille que des cas d’irrégularité avaient bien été constatés avant d’ajouter qu’ils ne remettraient pas en cause le résultat. Des manifestations sans précédent dans la République islamique ont suivi l’annonce de la victoire du président Ahmadinejad avec plus de 63% des suffrages. Mais le pouvoir a ensuite lourdement réprimé la contestation dans la rue.



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70 universitaires placés en détention après une rencontre avec le réformateur Moussavi

Soixante-dix professeurs d'université ont été placés en détention en Iran, selon un site proche du réformateur Mir Hossein Moussavi qui conteste la victoire du président sortant Mahmoud Ahmadinejad lors du scrutin du 12 juin dernier.

Selon le site Kalemeh, ces universitaires ont été interpellés mercredi peu après avoir rencontré Moussavi. On ignore encore où ces enseignants ont été emmenés.

Mercredi, des témoins ont rapporté que des affrontements entre manifestants et policiers anti-émeutes ont éclaté à Téhéran près du Parlement, quelques heures seulement après un nouvel avertissement lancé par le guide suprême. L'ayatollah Ali Khamenei a souligné que le régime "ne céderait pas aux pressions" en faveur de l'annulation de la présidentielle du 12 juin.

La télévision publique a annoncé un peu plus tard que les forces de sécurité avaient dispersé quelque 200 manifestants. "Une forte présence de la police a empêché les violences dans le secteur", a précisé le commentateur, qualifiant le rassemblement de "manifestation illégale".

Une vidéo amateur mise en ligne dans la journée sur YouTube a montré des jeunes gens dans la rue, dont des femmes, lançant des pierres et repoussant des barrières, dont une en flammes. "Mort au dictateur!", criaient d'autres manifestants. L'heure et le lieu où ces images ont été tournées n'ont pu être vérifiées dans l'immédiat.

Un peu plus tôt, le site Internet de Mir Hossein Moussavi avait fait état d'une manifestation prévue dans l'après-midi devant le Parlement. Il avait affirmé que ce rassemblement n'était pas organisé par Moussavi.

Depuis le début des violences nées de l'annonce des résultats de la présidentielle sur fond d'accusations de fraude, au poins 17 personnes ont été tuées alors que le régime intensifiait graduellement sa répression.

Dans son édition de jeudi, le quotidien officiel "Iran" précise qu'outre ces 17 morts, sept membres de la milice pro-gouvernementale des Bassidji ont été tués dans des violences post-électorales, et des dizaines d'autres miliciens ont été blessés par balles ou armes blanches. Cette information n'a pu être vérifiée de manière indépendante. AP



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Par peur de la répression, la contestation iranienne s'essouffle

Alors que les premières manifestations de contestation en réaction à l'élection présidentielle du 12 juin avaient rassemblé des centaines de milliers de participants, aucun grand rassemblement n'a eu lieu jeudi 25 juin à Téhéran. Celui de mercredi, qui ne comptait que quelques centaines de manifestants, a été violemment réprimé par les forces de sécurité.

Des Iraniens résidant en France rapportent que leurs proches ont désormais très peur de leur parler de la situation. "Quand je demande à ma sœur comment se déroulent les événements, ce qui se passe dans la rue, elle me demande comment vont mes enfants pour évacuer la question", explique une Iranienne habitant à Paris. Tous imaginent que les communications sont très surveillées, tant par téléphone que par courriel. Amnesty International confirme que nombre de ses informateurs ont reçu des menaces et des interdictions de parler de la situation à des étrangers.

DURCISSEMENT DU RÉGIME

Dans son discours vendredi 19 juin, l'ayatollah Khamenei avait déclaré que les opposants seraient "tenus pour responsables du chaos" s'ils n'arrêtaient pas de manifester. Depuis, le pouvoir iranien a intensifié la répression des opposants. La manifestation du samedi 20 juin a ainsi donné lieu à de sévères affrontements ; même la télévision d'Etat a fini par parler d'une dizaine de morts et de plus de cent blessés. "Il apparaît clairement que tous les outils de la répression sont mis en place", explique Hassiba Hadj Sahraoui, responsable d'Amnesty International pour l'Iran. "Petit à petit, toute possibilité de prise de parole critique est arrêtée", ajoute-t-elle, en estimant à plus de mille le nombre d'arrestations depuis le 12 juin. Autre signe de durcissement du régime : la nomination officielle du procureur de la cour révolutionnaire, désormais chargé des procès des manifestants. Manifestants dont bon nombre sont accusés de "travail avec l'ennemi", et pourraient risquer la peine de mort.

De nombreux témoins expliquent que les rues de Téhéran sont étroitement quadrillées par les forces de sécurité. Selon eux, des hommes des forces de sécurité sont stationnés dans les grandes places de la ville et empêchent tout rassemblement. Une situation qui explique en partie la participation moins importante lors des dernières manifestations. "Les gens se cachent et ne veulent pas sortir de chez eux", explique un Iranien résidant en France. "Nous sommes désespérés parce qu'on sent qu'ils arrivent à faire s'essouffler le mouvement et en même temps nous attendons un miracle ou une surprise venant de l'intérieur du régime", explique S., qui habite dans la capitale iranienne, jointe par mail.

Depuis les premières manifestations les arrestations se sont multipliées. "D'abord dirigées sur les leaders de l'opposition, puis vers les universitaires et les étudiants", explique Hassiba Hadj Sahraoui, d'Amnesty International. Les journalistes iraniens ont aussi été réduits au silence. Selon Reporters sans frontières, trente-cinq d'entre eux seraient actuellement emprisonnés en Iran. Mercredi, vingt-cinq employés du journal de Mir Hussein Musavi, Kalemeh Sabz, ont été arrêtés alors que le journal avait déjà cessé de paraître.

NOUVEAUX MODES DE PROTESTATION

"Ils vont changer de mode de protestation", veut croire un Iranien résidant en France. L'idée d'une grève a été lancée, mais il est difficile de savoir à quelle point elle est suivie. Certains témoins parlent de "nombreux magasins fermés" mais sans plus de précisions. Chaque nouvel appel à manifester est désormais sujet à caution. Des messages circulent sur Internet disant qu'il s'agit de faux appels destinés à emprisonner les manifestants.

Le magazine américain Time a fait valoir que les hommages aux personnes tuées pendant les manifestation "pourraient nourrir l'agenda du combat politique", en fonction du calendrier du deuil dans la tradition chiite. Mais jeudi, une marche de deuil en mémoire de ces personnes – au moins dix-sept selon le décompte officiel –, a dû être annulée par peur de la répression.

Certains habitants de Téhéran veulent encore y croire, qui procèdent symboliquement à des lâchers de ballons verts. "Tous les soirs, autour de 22 heures, les gens montent sur les toits et crient 'Allah o Akbar' ou 'mort au dictateur' pendant 40 minutes", témoigne S., de Téhéran. Un mode de protestation qui avait déjà été utilisé lors de la chute du shah.

Antonin Sabot




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vendredi 26 juin 2009

Le régime iranien accentue la pression sur Mir Hossein Moussavi

Téhéran, le bras de fer entre le pouvoir et l'opposition se poursuit. Mir Hossein Moussavi, le chef du mouvement de contestation de la réélection du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, a déclaré, jeudi 25 juin, qu'il est "sous pression" pour retirer sa demande d'annulation de la présidentielle du 12 juin, selon son site Internet. "Rien ne pourra m'empêcher d'obtenir des droits pour le peuple iranien, a ajouté M. Moussavi, à cause d'intérêts personnels ou de la peur des menaces. Je suis prêt à faire la démonstration que les délinquants de l'élection se sont tenus aux côtés des instigateurs des récentes émeutes et ont versé le sang".

M. Moussavi s'est retrouvé un peu plus isolé cette semaine car un autre candidat qui contestait jusqu'ici la régularité du scrutin, Mohsen Rezaï, a retiré sa plainte auprès du Conseil des gardiens. A cela s'ajoutent les arrestations de plusieurs de ses proches et de journalistes de son quotidien, Kalemeh Sabz.

Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées en Iran depuis le début des troubles, dont au moins 140 hommes politiques, universitaires, étudiants et journalistes, selon plusieurs sources. Aucun chiffre n'a été rendu public pour rendre compte de l'ampleur des arrestations à travers le pays, alors que des ONG implantées à l'étranger ont fait état de nombreuses interpellations dans des villes comme Tabriz ou Shiraz.

Le grand ayatollah Hossein Ali Montazeri, dont le rang est le plus élevé dans le clergé chiite iranien et l'influence importante, a pour sa part averti que si la répression des manifestations pacifiques se poursuit, elle pourrait faire tomber le gouvernement. "Si le peuple iranien ne peut pas revendiquer ses droits légitimes dans des manifestations pacifiques et est réprimé, la montée de la frustration pourrait éventuellement détruire les fondations de n'importe quel gouvernement, aussi fort soit-il", a-t-il déclaré. L'ayatollah Montazeri a déjà dénoncé la réélection du président Ahmadinejad et manifesté sa défiance envers le régime et le Guide suprême, Ali Khamenei. Il appelle désormais ses compatriotes à poursuivre leur mouvement. M. Ahmadinejad demande, quant à lui, au président américain Barack Obama de cesser de "s'ingérer" dans les affaires de l'Iran, a indiqué l'agence de presse Fars.

AFFRONTEMENTS MERCREDI À TÉHÉRAN

A Téhéran, la journée de mercredi a été marquée par de nouveaux affrontements. La situation reste toutefois assez confuse car l'information ne parvient aux rédactions occidentales que via des témoins. Selon ces derniers, quelques centaines d'Iraniens se sont réunis dans la capitale, près du Parlement. Selon des sources citées par le Guardian, la ville a même été le théâtre de "scènes de guerre" : la police, appuyée par des hélicoptères, a chargé les manifestants et usé de gaz lacrymogènes et de matraques pour les frapper. Des témoins affirment avoir entendu des détonations et indiquent que plusieurs personnes ont été arrêtées. Le New York Times rapporte qu'une jeune fille aurait été tuée lors de cette journée de répression.




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Twitter, la crise iranienne et les mobilisations citoyennes, par Yves Mamou

Toutes les foules ne se ressemblent pas. Ainsi, dans les mondes musulmans, les émeutes contre les caricatures danoises de Mahomet ont cédé la place à ce que Howard Rheingold a appelé les "foules intelligentes". A Téhéran, elles contestent les résultats de l'élection présidentielle. Le concept de "smart mob" a été développé au début des années 2000 par ce professeur de l'université Stanford, dans Foules intelligentes : la prochaine révolution sociale (M2 Editions, 2005). Il montrait, dès 2002, comment les nouvelles technologies autorisaient l'émergence de communautés d'intérêts ponctuelles capables de peser sur le cours de l'Histoire, avec un grand H.

Mir Hossein Moussavi, qui a conquis son électorat dans les grandes villes par une utilisation massive de Facebook en plus des meetings et des rencontres de rue, voit aujourd'hui ses partisans organiser des manifestations à l'aide de Twitter, une messagerie instantanée inventée en Californie et lancée il y a trois ans.

A l'évidence, les nouvelles technologies modifient les rapports de force entre l'Etat et les citoyens. Depuis une quinzaine d'années, les sites Web, les blogs dotent chacun d'une puissance informative qui a été longtemps l'apanage des grands groupes de communication ou des monopoles d'Etat. Chacun aujourd'hui peut créer un média sur Internet sans avoir à investir des centaines de millions d'euros. Depuis cinq ou six ans, de nouveaux outils, comme Facebook ou Twitter, donnent à chacun le moyen d'informer en temps réel son entourage - ou la planète - sur la marque de céréales consommée le matin ou la nécessité de se retrouver à 14 heures pour renverser le gouvernement.

Début 2001, aux Philippines, des millions de SMS ont contribué à l'organisation de manifestations monstres qui ont abouti au renversement du président Estrada. En Corée du Sud, en 2004, la mobilisation des citoyens à travers l'Internet et le site d'information OhmyNews a permis l'élection du président Roh. En Colombie, en février 2008, la diffusion sur Facebook de vidéos d'otages enchaînés a provoqué la colère contre les Forces armées révolutionnaires (FARC), entraînant une manifestation spontanée de plus d'un million de personnes à Bogota. Aux Etats-Unis, ce n'est pas le moindre miracle de l'Internet, de Facebook et des SMS que d'avoir contribué à l'élection à la présidence de Barack Obama.

La crise de régime que vit l'Iran éclate au grand jour grâce à Twitter. Cette messagerie permet à n'importe qui, à partir d'un ordinateur ou d'un téléphone portable, d'organiser des manifestations pour réclamer de nouvelles élections. L'importance diplomatique de cet outil est apparue, le 15 juin, quand un conseiller de M. Obama a souhaité que Twitter remette à plus tard une opération de maintenance afin de ne pas priver les Iraniens du seul outil de communication que le régime des mollahs semble incapable de réduire.

Twitter ou YouTube montrent que la censure totale est devenue impossible dans toute société dont les citoyens sont équipés d'outils de communication individuels. Les chercheurs et sociologues Dominique Cardon, Maxime Crepel, Bertil Hatt, Nicolas Pissard et Christophe Prieur, dans une étude intitulée La Force des coopérations faibles, estiment que ces nouveaux outils attirent, dans les sociétés démocratiques, des personnes qui cherchent à se mettre en valeur. Ces individualistes se retrouvent hors des espaces sociaux déjà balisés, dans une zone virtuelle où ils entrent en relation avant de se séparer pour nouer d'autres coopérations avec d'autres individus. On devient "ami" sur Facebook sans que toutes les valeurs de l'amitié au sens traditionnel du terme soient présentes.

Ces "coopérations faibles" peuvent être jugées subversives dans les sociétés oppressives. En Indonésie, des religieux musulmans ont réclamé, fin mai, l'interdiction de Facebook, une plate-forme qui incite les hommes et les femmes à entrer en contact et à flirter hors mariage. En Jordanie et en Arabie saoudite, Facebook permet aux homosexuels - réprimés - de se retrouver et de discuter sur des forums que les Frères musulmans ont pris l'habitude de vilipender. En Syrie, une société virtuelle indépendante du pouvoir politique ou religieux a commencé de s'organiser à travers Facebook.

La subversion ne naît pas de l'outil mais de la manière dont il favorise l'émergence de l'individu. La possibilité donnée à chacun de retrouver autrui en dehors de la mosquée ou de la famille ébranle l'ordre établi. Les "coopérations faibles" sont un apprentissage de la tolérance. En permettant à des personnes de s'exposer publiquement, ces outils "proposent une articulation originale entre individualisme et solidarité. Elles favorisent une dynamique de bien commun à partir de logiques d'intérêt personnel", écrivent les chercheurs de l'étude précitée.

En Iran, la jeunesse dorée des villes s'est montrée friande de ces outils généralement utilisés à l'insu des mollahs. "C'est parce qu'on a pris l'habitude de parler de soi qu'on donne aux autres la possibilité de se regrouper. Cette agrégation facilite l'action", analyse Dominique Cardon, chercheur d'Orange Labs. La religion de soi peut apparaître futile et agaçante, mais elle est la plus pacifique de toutes.



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Les femmes en première ligne de la contestation en Iran

Longtemps cantonnées à des actes de rébellion vestimentaires symboliques, les femmes iraniennes sont aujourd'hui au premier rang de la contestation dans les rues de Téhéran. Un rôle beaucoup plus visible que peu semblent aujourd'hui disposées à abandonner et que devra gérer le gouvernement conservateur de Mahmoud Ahmadinejad à l'avenir.

Contraintes de porter le voile et des tenues amples depuis l'avènement de la République islamique en 1979, les femmes d'Iran n'ont pu, pendant des années, témoigner de leur rébellion que par des artifices: faire dépasser une mèche de cheveux sous leur voile serré ou un pan de vêtement à la mode sous la robe ample ou le manteau, porter maquillage et ongles vernis...

Mais depuis le début des manifestations déclenchées après la présidentielle contestée du 12 juin, on les voit défiler aux côtés des hommes, crier leur opposition à Ahmadinejad, et même mourir dans la rue sous les balles, comme Neda Agha Soltan, dont les images amateur ont fait le tour du monde grâce à Internet.

"Les Iraniennes sont très puissantes et veulent leur liberté", a expliqué par téléphone à l'Associated Press une femme ayant participé aux manifestations de Téhéran et qui a demandé à ne pas être nommée, par peur de représailles. "Elles sont vraiment réprimées et veulent en parler".

La contestation des résultats du scrutin du 12 juin par le réformateur Mir Hossein Moussavi a été le catalyseur de la vague de protestation qui a envahi Téhéran.

Mais le ressentiment et la colère sont plus profondément enracinés chez beaucoup parmi les 35 millions d'Iraniennes, qui redoutent qu'un deuxième mandat d'Ahmadinejad, élu en 2005 sur un programme de "valeurs islamiques", ne soit encore pire que le premier.

"A la racine des troubles actuels, il y a le mécontentement et la frustration face à une détresse qui date d'avant l'élection", estime la prix Nobel de la paix et avocate Shirin Ebadi. "La présence des femmes est proéminente (dans les manifestations, NDLR) parce qu'elles sont la catégorie la plus mécontente de la société".

Si les femmes au Proche-Orient ont déjà rejoint les hommes dans des manifestations -comme au Koweit après l'invasion irakienne en 1990, ou dans les Territoires palestiniens après des opérations israéliennes- les rares images venues d'Iran n'ont rien de comparable.

Face aux violences et à la répression, les Iraniennes sont aujourd'hui sur un pied d'égalité avec les hommes et ont donné au mouvement son arrestation la plus médiatique -la fille de l'ancien président Hashemi Rasfanjani- et son premier martyr -Neda Agha Soltan-, rôle souvent dévolu aux hommes dans la culture musulmane.

"Elle (Neda, NDLR) représente cette jeunesse qui s'est déplacée avec espoir et idéalisme", analyse Ziba Mir-Hosseini, spécialiste des droits de la femme en Iran à l'université de Londres. "D'une certaine manière, elle est la première femme-martyr. C'est un martyr pour la démocratie".

Reste maintenant à savoir quelles seront les conséquences du mouvement pour les Iraniennes dans un pays où leur condition, malgré les restrictions de liberté, n'est pas comparable à celle des femmes dans d'autres pays musulmans tels que l'Arabie saoudite. Car, si la présidence et les fonctions religieuses leurs sont interdites, beaucoup d'entre elles sont élues au Parlement et occupent des postes politiques, et environ 65% des étudiants sont des femmes.

Sous le premier mandat d'Ahmadinejad, le gouvernement a mis en place des lois limitant les horaires de travail des femmes et la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires, et qui ont poussé beaucoup d'entre elles vers des postes à temps partiel. Une loi facilitant la polygamie a également été proposée, et les restrictions vestimentaires ont été fermement appliquées.

Autant d'éléments qui font craindre aux femmes iraniennes un deuxième mandat du président conservateurs, et qui motivent leur soutien à Mir Hossein Moussavi, lequel -fait rare en Iran- a fait campagne avec son épouse, Zahra Rahnavard, à ses côtés. AP



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jeudi 25 juin 2009

Neda, un symbole médiatique pour l'opposition iranienne

Elle est devenue, à la vitesse éclair de l'Internet, une icône, incarnant le mouvement de révolte en cours contre le régime de Téhéran: Neda, dont le visage ensanglanté et l'agonie présumée ont été filmés par un vidéaste amateur quelque part dans une rue d'Iran.

La vidéo, qui dure moins d'une minute, saisit le moment où la jeune femme s'effondre après avoir été semble-t-il frappée par une balle, le sang coulant de son nez et de sa bouche. Des images extrêmement violentes.

Des gens tentent désespérement d'arrêter le sang qui se met à couler, les yeux de la jeune fille se révulsent. Pendant tout ce temps, un homme aux cheveux blancs, vêtu d'une chemise à rayures, présenté comme son père sur Internet, a répété, en farsi: "n'aie pas peur, n'aie pas peur, Neda ma chérie, n'aie pas peur".

Savoir qui elle était, confirmer ce qui s'est exactement passé, si la jeune fille est bien morte, vérifier une quelconque information de manière indépendante est extrêmement difficile, la presse étant interdite de séjour dans les rues par le régime.

Mais samedi, deux vidéos distinctes de la même scène, filmées semble-t-il par des amateurs, ont été diffusées sur YouTube et Facebook. Selon les personnes qui ont posté cette vidéo, la jeune fille aurait été abattue par un bassidji, membre de la milice gouvernementale.

Et depuis, relais Internet aidant, ces images ont été vues sur la Toile ou à la télévision par un nombre incalculable de personnes sur la planète. Des milliers de personnes rendent hommage à la jeune fille sur le Net, ont créé des sites à sa mémoire, dénoncent le régime des mollahs à qui ils reprochent son martyre et, telle une icône, sa photo est brandie dans les manifestations de soutien aux Iraniens.

A en croire une connaissance de la famille s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, Neda travaillait à mi-temps dans une agence de voyages et sa famille se serait vue interdire de funérailles en public lundi.

Malgré les brouillages et autres blocages de sites Web, les images de Neda circulent dans le pays aussi, notamment téléchargées sur les portables et envoyées via Bluetooth.

Ces images sanglantes peuvent avoir un impact important auprès de l'opinion publique, dans un pays où le concept du martyre a de profondes résonances, la foi chiite accordant un rôle de premier plan au sacrifice au nom de la justice.

Pendant la révolution islamique de 1979, la mort de manifestants et les défilés de deuil qui les ont suivies ont eu une place importante dans la montée en puissance du mouvement qui renversa le Chah.

Interrogé par l'agence APTN à Paris, Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), a noté que la jeune fille était en train de devenir "une sorte de symbole de la répression". Mais "nous ne savons pas grand-chose sur les conditions dans lesquelles cette vidéo a été filmée", a-t-il ajouté, avant de mettre en garde contre l'"espèce de guerre de l'image" en cours en Iran: "tout le monde essaye d'utiliser Internet que soit les pro-Moussavi ou les pro-Ahmadinejad". AP



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En Iran, la République islamique vire à la dictature

L’Iran est-elle encore une république islamique ? La décision prise hier par le Conseil des gardiens de la Constitution de valider les élections du 12 juin, en dépit d’une fraude massive organisée de longue date, permet de répondre non. La question se posait déjà depuis que le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, avait annoncé la victoire du président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, avant la fin du dépouillement des urnes. Elle s’était reposé vendredi lorsque le même dignitaire avait écarté, dans son prêche, toute possibilité de trucage du scrutin.

A la soviétique. Jusqu’à présent, les élections - présidentielles, législatives, municipales… - permettaient aux différentes factions du régime de se mesurer et de se partager le pouvoir sous le regard du Guide, théoriquement neutre. Avec ce coup de force, un quasi-coup d’Etat, la faction la plus radicale a montré qu’elle ne voulait plus de ces scrutins qui avaient tout de même permis, en 1997 et 2001, l’élection de Mohammad Khatami, un Président plus ouvert et plus libéral que ses prédécesseurs.

Cette fois, elle n’a même pas cherché à donner une apparence de crédibilité à l’élection du 12 juin, où Ahmadinejad triomphe avec un score à la soviétique. Désormais, la faction ultra a exclu du jeu politique toutes les autres tendances du système. Elle règne sans partage sur tout l’Iran.

Pourtant, c’est sans doute à tort que le Guide suprême apparaît comme le mentor d’Ahmadinejad. En fait, tout oppose les deux hommes. Le premier est un religieux docte, un doctrinaire, l’autre est un laïc plutôt anticlérical, un illuminé qui prétend être en communication avec l’imam caché, disparu il y a onze siècles, et avoir été nimbé de «lumière céleste» lors de son fameux discours aux Nations unies en septembre 2005. Ali Khamenei l’a d’ailleurs plusieurs fois remis à sa place. «Entre eux, c’est un mariage de convenance. Ils sont condamnés à divorcer un jour à l’autre, c’est inscrit dans leurs chromosomes», estime le chercheur Michel Makinski. «Ce qui les sépare, c’est d’abord une question de générations. La réélection d’Ahmadinejad participe de cette poursuite de la prise du pouvoir engagée par les pasdaran [les gardiens de la révolution, ndlr] et les bassidji [miliciens]. On dirait que le Guide s’est laissé imprudemment ficeler par lui.»

L’homme idéal. Derrière Ahmadinejad, il y a bien un religieux : c’est l’ayatollah Mohammed Mesbah-Yazdi. C’est lui son mentor et son référent religieux. Il est tellement extrémiste qu’il n’était guère aimé de l’imam Khomeiny, ce qui ne l’empêche pas d’ailleurs de diriger, dans la ville sainte de Qom, la fondation qui porte son nom. Mesbah-Yazdi veut remplacer le concept de république islamique par celui de oukoumat islami, soit un gouvernement islamique pur et dur, où toute autorité émanerait de Dieu. On les accuse dès lors de vouloir «dékhomeiniser» le régime. Pour atteindre ce but, Ahmadinejad est l’homme idéal : il est à la fois convaincu par les idées de Mesbah-Yazdi et un ancien Gardien de la révolution.

Ces ultraradicaux - que l’on appelle les hodjatieh - pensaient déjà s’emparer du pouvoir à la faveur des élections à l’Assemblée des experts (l’organe qui supervise les activités du Guide), en décembre 2007. Mais Yesbah-Yazdi et ses partisans ne sont pas arrivés à l’emporter. Ils semblent depuis avoir juré de ne pas voir cet échec se répéter. D’où la fraude massive à la présidentielle.

Cette offensive de Mesbah-Yazdi et Ahmadinejad, avec le soutien du Guide, les autres factions l’ont ressentie comme une menace pour leur propre existence. D’où leur alliance : elle rassemble en fait des personnalités très différentes, allant de l’ancienne gauche islamiste à l’ex-président Hachemi-Rafsandjani, un religieux conservateur très proche des milieux d’affaires. Tous se proclament les héritiers de l’imam Khomeiny, devenu une référence quasi permanente dans les déclarations de Mir Hussein Moussavi. Les tactiques d’une partie des manifestants s’inspirent d’ailleurs de la révolution islamique de 1979, notamment les slogans «Allah o Akbar» (Dieu est grand) ou «Mort aux dictateurs», utilisés hier contre le Shah. Ou les appels à commémorer les «martyrs» lors de manifestations de deuil - l’une d’elle est prévue aujourd’hui -, qui permettent de relancer la contestation.



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Les marges de manœuvre limitées de Barack Obama

Après avoir essuyé de nombreuses critiques d'élus républicains à propos de l'Iran, Barack Obama a réajusté mardi 23 juin sa position vis-à-vis du régime islamique et de la répression des manifestations. "Je condamne fermement les actions violentes et je m'associe aux Américains dans le deuil pour pleurer chaque vie innocente perdue", a déclaré mardi le président américain, ajoutant que la légitimité de la réélection de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, que le pouvoir iranien a exclu mardi d'annuler, posait de "sérieuses questions". La presse américaine y voit le début d'un changement, qui reste encore prudent.

La crise en cours nécessite un "changement fondamental de la posture américaine (…). A son crédit, le président Obama a entamé ce changement hier", estime mardi le Washington Post. La première inflexion du discours d'Obama, selon le journal, a été de se ranger "sans ambiguïté du côté de ceux qui se lèvent pour la justice". Nombre de médias américains, comme le site Internet Politico, font d'ailleurs remarquer que le président américain a bien montré "vers quel côté penche sa sympathie" et que ce dernier a été touché par la vidéo amateur, diffusée sur le Net, de la jeune Neda, apparemment tuée lors d'un rassemblement pro-Mousssavi, et aujourd'hui présentée comme une martyre par les manifestants.

Le quotidien conservateur Washington Post, de son côté, se félicite du "recul en ce qui concerne la volonté de dialogue avec Khamenei". Ce que le Wall Street Journal analyse comme le début d'un "changement significatif de l'approche de la Maison Blanche dans tout le Proche-Orient", dont la stratégie de dialogue avec l'Iran était la pierre angulaire. Le quotidien estime d'ailleurs que ces déclarations du président Obama constituent à ce jour sa "critique la plus acerbe des élections iraniennes".

UN PRÉSIDENT QUI RESTE PRUDENT

Au contraire, le Christian Science Monitor estime qu'Obama se ménage des "portes ouvertes" pour pouvoir ensuite engager des discussions avec le pouvoir qui "émergera du tumulte, quel qu'il soit". L'hebdomadaire explique d'ailleurs que la position nuancée d'Obama et son refus d'afficher ouvertement son soutien aux opposants est calculée de manière à "empêcher le régime iranien de faire porter la responsabilité des troubles sur la CIA ou la Maison Blanche". Ce qui n'a pourtant pas empêché le ministre de l'intérieur iranien d'accuser mercredi la CIA d'avoir financé les émeutiers. L'hebdomadaire Time va plus loin en affirmant que la "position circonspecte" d'Obama répond à une volonté de donner une image de fermeté à ses propres concitoyens.

La presse américaine souligne la difficile position dans laquelle se trouve le président américain, condamné à rester un spectateur impuissant devant les événements en Iran, tout en risquant d'être tenu pour responsable de la situation par les conservateurs américains. "Même sans intervention américaine, les mollahs ont essayé de faire porter le chapeau à Obama ; alors imaginez s'il avait suivi les propositions des conseillers de Bush et avait essayé de joindre Moussavi", relève Time. Dans le même temps, une éventuelle aggravation de la situation en Iran pourrait être imputée à son relatif désengagement et nuirait également à son image : "Il apparaîtrait alors fébrile et inexpérimenté."

D'où une rhétorique "s'adaptant aux événements" tout en veillant "à ne pas modifier la stratégie". Le New York Times fait d'ailleurs valoir que "derrière un discours tout en muscles, M. Obama dispose de bien peu de moyens de pression sur le gouvernement iranien".

Antonin Sabot



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mercredi 24 juin 2009

Le pouvoir iranien fait planer des menaces d'occupation de l'ambassade britannique

Téhéran accentue sa pression sur Londres. Le premier ministre, Gordon Brown, a annoncé, mardi 23 juin, l'expulsion de deux diplomates iraniens, en réponse à une décision de Téhéran d'expulser deux diplomates britanniques d'Iran. "Je dois informer la Chambre [des communes] que l'Iran a pris hier la décision injustifiée d'expulser deux diplomates britanniques en s'appuyant sur des accusations qui sont totalement infondées", a déclaré M. Brown devant les députés britanniques. "En réponse à cette action, nous avons informé l'ambassadeur iranien plus tôt dans la journée que nous allons expulser deux diplomates iraniens de leur ambassade de Londres", a poursuivi M. Brown.

Plus tôt dans la journée, quatre associations d'étudiants iraniens proches des conservateurs de Mahmoud Ahmadinejad, dont celle du bassidj (milice islamique), avaient menacé de manifester devant l'ambassade de Grande-Bretagne à Téhéran. Selon l'agence Fars, elles voulaient protester contre "le gouvernement pervers de Grande-Bretagne pour son ingérence dans les affaires intérieures de l'Iran, son rôle dans les troubles à Téhéran et son soutien aux émeutes". Menaçants, les organisateurs de l'événement avaient insisté : l'ambassade britannique pourrait connaître le même sort que celle des Etats-Unis occupée en 1979. Finalement, le mot d'ordre a été annulé.

Lundi, la Commission des affaires étrangères du Parlement iranien a, pour sa part, demandé à son ministère des affaires étrangères de "rabaisser le niveau de ses relations avec la Grande-Bretagne". Et le Foreign Office organise actuellement le rapatriement des familles de ses employés, alors que les manifestations et les violences se multiplient.

Depuis un peu moins d'une semaine, Téhéran accuse Londres de tous les maux. L'ayatollah Khamenei a lancé la charge vendredi, au cours d'un prêche dans lequel il appelait à la fin des manifestations contre la réélection, le 12 juin, du président. Il avait violemment attaqué les pays occidentaux, "en premier lieu le gouvernement britannique", qui mettaient en doute la légitimité des résultats du scrutin.

Dimanche, Mahmoud Ahmadinejad a demandé à Londres, comme à Washington, de cesser ses "ingérences" dans les affaires intérieures de Téhéran. Le même jour, son ministre des affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, a accusé le Royaume-Uni d'avoir "comploté contre l'élection présidentielle depuis plus de deux ans". "Nous avons observé un afflux (de Britanniques) avant les élections", a-t-il poursuivi, évoquant la présence d'"éléments plus ou moins liés aux services secrets britanniques". Pour M. Mottaki, cela ne fait aucun doute : Londres "voulait que personne n'aille voter" et les médias britanniques sont sur la même position.

Dans ce contexte, Jon Leyne, le correspondant permanent de la BBC à Téhéran, accusé d'avoir "soutenu" les émeutiers, a reçu l'ordre, dimanche, de quitter le pays dans les 24 heures. "Si les différents réseaux radios et télévisions britanniques continuent d'interférer dans les affaires intérieures de notre pays en diffusant des informations mensongères ou inexactes sur l'Iran, ou d'ignorer l'éthique internationale en matière de journalisme, il y aura d'autres mesures de rétorsion", a prévenu le ministre de la culture et de la guidance islamique, Mohammad Hossein Safar Harandi. Seuls le Financial Times et l'agence Reuters ont encore des correspondants.

David Miliband, le ministre des affaires étrangères britanniques, n'a cessé de répéter qu'il revenait au peuple iranien de "choisir son gouvernement" et que les accusations d'ingérence et de complot qui étaient faites à la Grande-Bretagne étaient dénuées de tout fondement. Mais il n'est pas parvenu à calmer la hargne iranienne.

Londres et Téhéran entretiennent des relations houleuses depuis longtemps. Les élites iraniennes voient la main britannique derrière les secousses politiques qui agitent leur pays. Depuis le XIXe siècle. L'influence du Royaume-Uni a grandi avec la première guerre mondiale et son intérêt pour le pétrole de la région. L'occupation russo-britannique en 1941, alors que l'Iran s'est rapproché de l'Allemagne nazie, a forcé le souverain de l'époque, Reza Chah Pahlavi, à abdiquer en faveur de son fils. En 1953, Londres, qui n'a pas digéré la nationalisation deux ans auparavant de l'Anglo-Iranian Oil Company, soutient, avec les Etats-Unis, le putsch qui coûtera son poste au premier ministre Mohammad Mossadegh.

Dans ce contexte, les crises diplomatiques entre les deux pays se sont succédé à intervalle régulier depuis près de trente ans. Entre 1979 et 1988, l'ambassade britannique à Téhéran est fermée. Elle reprend du service quelques mois avant l'affaire Salman Rushdie en 1989, à la suite de laquelle les deux pays rompent de nouveau toute relation diplomatique pendant près de dix ans. Depuis le début de la guerre en Irak en 2003 et l'intensification du programme nucléaire iranien, les tensions entre Londres et Téhéran se sont ravivées. Les événements des derniers jours en attestent.

Virginie Malingre



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lundi 22 juin 2009

L'Iran se préparerait à une grève générale mardi


Des tracts (en photo) appelant à la grève circulent et les Iraniens commencent à stocker denrées alimentaires et médicaments. Mir Hussein Moussavi avait laissé entendre samedi que ce pourrait être une option face à la répression.

L'Iran semble se préparer à une grève générale mardi. Le mot d'ordre circule, lundi 22 juin, à Téhéran.
Ainsi, un tract signé des "manifestants de Téhéran, des partisans de Mir Hossein Moussavi, des partisans de Mehdi Karoubi" appelle à la grève mardi. Un autre (en photo) appelle les commerçants du bazar de Téhéran à fermer leurs boutiques le même jour. "La seule voie de résistance face à la dictature et pour montrer l'opposition à la fraude généralisée est la fermeture du bazar", indique le tract.
Sur twitter, le bruit court que les Iraniens commencent à stocker produits alimentaires et médicaments, une information confirmée entre autre par le correspondant à Téhéran du quotidien américain Huffington Post.
Si Mir Hossein Moussavi, le principal opposant à Mahmoud Ahmadinejad et candidat malheureux de la présidentielle du 12 juin, ne semble pas avoir appelé officiellement à la grève mardi, il a tout du moins laissé entendre samedi que ce pourrait être une option face à la répression : se disant "toujours aux côtés des Iraniens" pour défendre leurs droits, il a jouté qu'il était "prêt au martyr", et a appelé les Iraniens à faire grève s'il est arrêté.
En 1979, c’est la grève des travailleurs du pétrole qui a avait eu raison du Shah.
(Nouvelobs.com)



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Iran, le défi

Tout l'appareil de répression de la République islamique d'Iran avait été mobilisé : police, unité spéciale des Gardiens de la révolution, groupes de nervis armés appartenant aux milices du régime, les bassidji, chargées des plus basses besognes. Rien n'y a fait. Des Iraniens de tous âges et de toutes conditions sont descendus samedi 20 juin dans la rue. Certains l'ont payé de leur vie : au moins dix morts à Téhéran, la capitale. Ils ont défié le "Guide", l'autorité suprême du régime, l'ayatollah Ali Khamenei, qui, la veille, avait interdit toute manifestation.


Ils n'ont pas seulement réclamé ce pourquoi ils manifestent depuis une semaine : un nouveau décompte des suffrages, ou un autre scrutin, après l'élection présidentielle du vendredi 12 juin. Plus grand monde ne conteste que celle-ci a très vraisemblablement été volée par le président sortant, le fondamentaliste Mahmoud Ahmadinejad, avec l'accord et l'appui de l'ayatollah Khamenei. Descendant dans la rue, ces courageux Iraniens ont aussi brisé un tabou : ils se sont opposés à celui qui, dans l'usine à gaz institutionnelle iranienne, est censé incarner la révolution islamique.

Mais, précisément, M. Khamenei est sorti de son rôle d'arbitre des diverses factions qui composent le pouvoir iranien. Il s'est "factionnalisé" : il a pris le parti d'un des camps en présence. Il a mis toute sa légitimité, le poids de l'institution qu'il représente, au service du mouvement amorcé par M. Ahmadinejad au lendemain de son élection, en 2005 : la militarisation d'un régime s'appuyant de plus en plus sur un petit groupe des Gardiens de la révolution, cette deuxième armée nationale qui se veut le bras armé de la République islamique.

Le politologue français Frédéric Tellier a détaillé le détonnant cocktail idéologique qui anime ce groupe : romantisme et prosélytisme révolutionnaires, rationalité technique (l'obsession du nucléaire militaire), fanatisme froid, dévouement inconditionné. Comment nommer ce mélange d'hypernationalisme et de populisme, de quête de "pureté révolutionnaire" et d'anti-intellectualisme, de mépris de la démocratie, de rejet du compromis ? Islamo-fascisme ? Les similitudes avec les partis fascistes européens des années 1930 sont troublantes.

En face, l'opposition s'est résolument située dans le légalisme, dans le jeu institutionnel de la République islamique. Que veut-elle ? Un peu d'Etat de droit, nous disait une Iranienne : "Un peu de loi, une vie normale, la sécurité dans la rue, des droits parmi les plus élémentaires." Pas le règne de l'arbitraire.



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Le ton monte entre l'Iran et les capitales européennes

La journée a été relativement calme, dimanche 21 juin, en Iran après celle de samedi marquée des manifestations à Téhéran, interdites par les autorités et violemment réprimées par la police. La télévision d'Etat a affirmé dimanche que 10 personnes avaient été tuées et plus de 100 blessées lors de ces manifestations. La présence des médias étrangers étant interdites, plusieurs vidéos-amateur ont circulé, dimanche, sur le Net, témoignant de la violence de ces manifestations. (Voir les vidéos diffusées par la BBC).

En Iran. S'il n'y a pas eu de rassemblements d'opposants dans la capitale dimanche, des tirs ont été entendus dans la soirée dans deux quartiers du nord de Téhéran, selon des témoins. Le candidat malheureux à la présidentielle, Mir Hossein Moussavi, a déclaré que protester contre la "fraude" était un "droit du peuple" tout en appelant ses partisans à la "retenue", dans un communiqué publié dimanche sur son site Internet. L'ancien président réformateur Mohammad Khatami a lui averti les autorités des conséquences "dangereuses" qu'il y a à interdire les manifestations de l'opposition.

Le ton monte entre l'Iran et les pays occidentaux. Si la rue est demeurée relativement calme, dimanche, la bataille s'est jouée sur le terrain diplomatique. Plusieurs hauts responsables iraniens ont en effet à nouveau accusé les pays occidentaux "d'ingérence", critiquant les déclarations de différents pays sur la situation interne de l'Iran après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad. "Ce n'est pas en tenant des propos hâtifs que vous entrerez dans le cercle des amis de la nation iranienne", a déclaré le président iranien sur son site Internet en s'adressant à Londres et Washington.

La chancelière allemande Angela Merkellui lui a répondu en appelant "fermement" Téhéran à procéder à un nouveau décompte du scrutin et à s'abstenir de toute violence contre les manifestants. Elle a été suivie par Nicolas Sarkozy qui a qualifié d'"inexcusable" l'attitude de l'Iran "face au désir légitime de vérité d'une grande partie de la population iranienne". Le ministre des affaires étrangères italien, Franco Frattini, a également appelé l'Iran à "favoriser la fin des violences" et à "vérifier la volonté exprimée par le peuple" lors de l'élection présidentielle. Samedi, Barack Obama avait aussi modifié sa position en demandant à Téhéran de "mettre fin à tous les actes de violence et d'injustice contre sa propre population".

La Grande-Bretagne accusée de "complot". C'est plus particulièrement la Grande-Bretagne qui a été la cible des attaques, dimanche, du régime iranien. Dimanche, le ministre des affaires étrangères iranien, Manouchehr Mottaki, a accusé directement Londres d'avoir "comploté contre l'élection présidentielle depuis plus de deux ans", selon la chaîne iranienne Press TV. De son côté, le ministre des affaires étrangères britannique, David Miliband, s'est empressé de démentir toute manipulation du mouvement de contestation.

Les journalistes dans la ligne de mire. Dans la foulée de ces déclarations, Téhéran a annoncé l'expulsion de Jon Leyne, le correspondant permanent de la BBC en Iran, accusé d'avoir "soutenu" les émeutiers (Voir l'article de la BBC). Avec les autres correspondants de la BBC, Leyne informait en temps réel sur la situation à Téhéran sur le site de la BBC. Le régime a également menacé de prendre d'autres mesures contre les médias britanniques. L'hebdomadaire américain Newsweek a également fait savoir qu'un de ses correspondants en Iran, le Canadien Maziar Bahari, a été arrêté dimanche par les autorités iraniennes (Voir l'article de Newsweek). La chaîne de télévision d'informations en continu à capitaux saoudiens, Al-Arabiya, a annoncé de son côté que la fermeture de son bureau de Téhéran, en vigueur depuis le 14 juin, avait été prolongée "jusqu'à nouvel ordre" par les autorités iraniennes.

Avant l'annonce de Newsweek, l'organisation Reporters sans frontières, elle, a affirmé que trois journalistes iraniens ont été arrêtés dimanche. Selon RSF, 33 journalistes et cyberdissidents iraniens sont désormais derrière les barreaux dans le pays. Quant aux médias étrangers, ils n'ont toujours pas l'autorisation de couvrir les événements en Iran. "Le travail des journalistes, iraniens ou étrangers, est gravement entravé. J'appelle les autorités iraniennes à respecter la liberté de la presse et de la communication", a déclaré le ministre des affaires étrangères français Bernard Kouchner.

De nouvelles manifestations de soutien en Europe. En Europe, des manifestations de soutien aux opposants iraniens se sont déroulées à Hambourg (plus de 2 000 personnes) et à Berlin (plusieurs centaines) en Allemagne. A Paris, ils étaient également plusieurs centaines (Voir le portfolio "Manifestation de soutien 'au peuple iranien' à Paris"), tandis qu'une centaine de personnes ont manifesté à La Haye, aux Pays-Bas.





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Google et Facebook se mettent à l'heure iranienne

Beaucoup a été dit sur la "révolution Twitter" qui se déroule en Iran. Par le biais de ce site Internet en forme de plate-forme d'échange de courts messages, les contestataires iraniens ont pu transmettre au monde les informations – et les rumeurs – sur la situation dans le pays. Twitter a été, à la demande du gouvernement américain, jusqu'à retarder une opération de maintenance prévue de longue date pour ne pas priver les Iraniens de ce dernier outil de communication, plus difficile à censurer que les sites Web. C'est désormais au tour du moteur de recherche Google et du réseau social Facebook de se mettre au diapason de la crise iranienne.

Dès vendredi soir, Facebook proposera aux internautes une version en farsi. Très utilisé par les partisans de Mir Hossein Moussavi pendant la campagne, le site a été coupé par les autorités dès le lendemain de l'élection du 12 juin.

Quant à Google, il met son logiciel de traduction au service de ceux qui veulent suivre la crise iranienne. Le site Google Translate offre désormais à l'internaute la possibilité de traduire des textes du farsi à l'anglais et de l'anglais au farsi. La société explique qu'il s'agit d'un "nouvel outil que les locuteurs farsis pourront utiliser pour communiquer avec le monde, et vice-versa". Le dispositif doit permettre d'"améliorer l'accès de tous à l'information" à un "moment particulièrement important".



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samedi 20 juin 2009

Twitter, l'Iran et les limites de la révolution en direct

Gordon Brown, le Premier ministre britannique, a sorti une énormité cette semaine, en estimant qu'à l'heure de Twitter et d'Internet, il ne pouvait plus y avoir de nouveau massacre comme celui qu'a connu le Rwanda en 1994, grâce à la circulation immédiate de l'information. Je crains qu'il se trompe lourdement, comme le montre l'exemple actuel de l'Iran, et que cette illusion soit partagée par beaucoup.

Gordon Brown a déclaré dans une interview au Guardian :

« Vous ne pouvez pas avoir de nouveau Rwanda, car l'information sur ces événements sortirait beaucoup plus rapidement sur ce qui s'y passe, et l'opinion publique se mobiliserait jusqu'au point où une action devrait être entreprise. »

Il est étrange qu'un homme aussi informé que le Premier ministre britannique puisse défendre une position aussi éloignée de la réalité. Paradoxalement, elle était plus vraisemblable lorsque le génocide rwandais s'est produit, il y a quinze ans, qu'aujourd'hui.

Dans les années 90, le monde vivait encore avec l'illusion de l'« ingérence humanitaire » chère à Bernard Kouchner, et celle-ci était directement proportionnée à l'impact des images véhiculées par CNN et les chaînes d'info continue à la télévision, pas encore d'Internet.

Le Rwanda, de ce point de vue, était « hors champs », et donc hermétique à cette mobilisation de l'opinion. Les gouvernements étaient parfaitement informés, mais il y avait peu d'images à la télé, donc pas de pression pour une intervention. Des centaines de milliers de Rwandais sont morts de cette indifférence, mais d'abord des coups de machette de leurs propres compatriotes.
La fin de l'ingérence humanitaire

En irait-il différemment aujourd'hui ? Pas si sûr. Ce moment de la vie internationale qu'a représenté la montée en puissance de cette « ingérence humanitaire », en gros à la fin de la Guerre froide, fin des années 80, début des années 90, s'est assurément refermé. A la fois à cause de la catastrophe de l'intervention américaine en Irak, et de l'émergence d'un monde multipolaire dans lequel la souveraineté est redevenue centrale sous l'influence de la Chine ou d'une Russie redevenue puissante.

On s'en est rendu compte lors du cyclone Nargis, en Birmanie, lorsque la junte militaire a préféré laisser souffrir son peuple plutôt que d'accepter de l'aide extérieure. Les appels à l'intervention militaire « humanitaire » étaient restés lettre morte.

On vient d'en avoir un autre exemple éclatant, avec le Sri Lanka, où l'armée gouvernementale a finalement écrasé la rébellion des Tigres tamouls au prix d'une catastrophe humanitaire, sans que les opinions publiques ne se mobilisent réellement - sans doute parce que les Tamouls utilisent mal Twitter…

Dans cette guerre impitoyable entre deux camps qui ont violé toutes les règles humanitaires, l'information n'a rien changé : l'impuissance était dictée par un désespérant réalisme.

Et que dire de l'Iran ? Depuis une semaine, le monde vibre au rythme des tweets iraniens, au point que le Département d'Etat américain a demandé à Twitter de repousser une opération de maintenance des réseaux pour ne pas fermer ce canal privilégié d'expression des Iraniens qui protestent contre la fraude éléctorale. Pas un média au monde qui n'ait fait son désormais incontournable « marronnier » sur la « révolution Twitter »…
Twitter n'empêcherait pas un Tiananmen

Et pourtant, comment ne pas voir les limites de ce phénomène. Oui, nous en savons beaucoup plus qu'avant, et, malgré le confinement des journalistes étrangers dans leurs hôtels, Twitter a continué à bruisser d'informations pas toujours vérifiées ni fiables, mais donnant quand même la mesure de ce qui se produisait à Téhéran.

Mais qui peut douter que si le pouvoir iranien décidait de réprimer plus sévèrment encore les manifestations hostiles a résultat officiel du scrutin, il n'hésiterait pas à le faire ? Sans peur de Twitter, sans peur des réactions d'un monde extérieur qu'il sait à la fois hostile, et impuissant.

Téhéran n'est pas encore Tiananmen, mais tout comme en Chine il y a vingt ans, la présence des caméras de CNN n'a pas empêché le massacre, l'existence de Twitter ne suffirait pas aujourd'hui à retenir la main d'un régime déterminé à garder le contrôle de la rue.

Cela ne signifie pas que Twitter ne soit pas un instrument formidable -je l'utilise moi-même abondamment et avec enthousiasme (suivez-moi ! )- mais il participe d'un monde complexe dans lequel la circulation de l'information n'est qu'un des paramètres.

La Chine elle-même a d'ailleurs pris la mesure du phénomène, prenant soin de bloquer l'accès à Twitter et aux autres réseaux sociaux à l'approche du vingtième anniversaire de Tiananmen, au début du mois.
Les réseaux sociaux changent tout dans les pays fermés

Paradoxalement, et contrairement à ce que dit Gordon Brown, les nouvelles technologies, et en particulier les réseaux sociaux, ont beaucoup plus d'impact en interne, dans des sociétés autrefois fermées et dans lesquelles la circulation de l'information se faisait avec beaucoup de mal, à l'image de la Chine ou de l'Iran, que dans les relations internationales.

En Chine, une véritable cyber-opinion publique a vu le jour, comme on a pu le voir cette semaine avec la libération d'une jeune fille jugée pour le meurtre d'un cadre du parti communiste qui avait voulu abuser d'elle. Devenue l'héroine du web chinois, elle a échappé à la peine de mort qui l'aurait assurément frappée quelques années plus tôt pour un tel crime, quelles qu'en soient les circonstances.

Dans un tel cas, la censure n'y fait rien : les émotions se répandent sur la toîle comme une trainée de poudre, hors de tout contrôle ou de toute organisation.

Twitter et les réseaux sociaux jouent assurément un grand rôle dans l'équation iranienne. Mais Gordon Brown a tort de répandre l'illusion qu'il suffirait de faire beaucoup de bruit sur Twitter pour provoquer une intervention internationale pour sauver les Iraniens victimes du pouvoir islamique. Une illusion qui risquerait d'être mortelle.


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après le prêche de Khamenei, l’inquiétude des Occidentaux

L’Occident a appelé Téhéran à faire preuve de retenue après les déclarations du guide suprême iranien, Ali Khamenei, qui avait mis en garde contre la poursuite des manifestations et apporté son soutien à la réélection controversée du président Mahmoud Ahmadinejad.

A Washington, Barack Obama a averti l'Iran que «le monde observe» son comportement dans la crise consécutive à ce scrutin contesté. La façon dont les dirigeants iraniens «traiteront des gens qui tentent d'être entendus par des moyens pacifiques donnera, je pense, à la communauté internationale une bonne idée de ce qu'est ou n'est pas l'Iran», a ajouté le Président américain.
«Ni repoussoir ni punching ball»

Auparavant, le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs, répondant aux critiques sur le ton jugée, par certains, trop mou d’Obama, avait souligné que les Etats-Unis n'entendaient «pas servir de repoussoir ni de punching ball dans un débat qui se déroule en Iran entre les Iraniens».

Gibbs a aussi fait remarquer qu'on assistait «à quelque chose d'extraordinaire» à travers les événements actuels en Iran, «quelque chose que peu de gens auraient imaginé il y a encore quelques semaines ou quelques jours».

Réunis en sommet à Bruxelles, les 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont appelé les autorités iraniennes à garantir «le droit de tous les Iraniens à se rassembler et à s'exprimer pacifiquement» et «à s'abstenir de recourir à la force contre les manifestations pacifiques».

«L'Union européenne observe avec une grande inquiétude les réponses aux manifestations à travers l'Iran. Elle condamne fermement le recours à la violence contre les manifestants qui a conduit à la mort de plusieurs personnes», ont-ils affirmé, dans un texte adopté vendredi.

Les vingt-sept ont mis en doute les propos d'Ali Khamenei qui a exclu la fraude, réclamant à nouveau une enquête et estimant que les résultats de la présidentielle «devraient refléter les aspirations et les choix du peuple d'Iran».
«Les occidentaux ont montré leur vrai visage»

Particulièrement visé dans le prêche d'Ali Khamenei, Londres a, pour sa part, convoqué le chargé d'affaires iranien: «Nous avons clairement dit au chargé d'affaires iranien que les propos du guide suprême étaient inacceptables et non fondés sur des faits», a déclaré un porte-parole du Foreign Office.

Les pays occidentaux «ont montré leur vrai visage, en premier lieu le gouvernement britannique», avait lancé dans son prêche Ali Khamenei alors que la foule criait «A bas la Grande-Bretagne!»

Le Premier ministre britannique, Gordon Brown, a tenu à faire savoir que Londres n'était pas isolée dans ses critiques: «Le monde entier regarde l'Iran» et «le monde entier s'exprime.»

Evoquant des «résultats incohérents», Nicolas Sarkozy a appelé Téhéran à «ne pas commettre l'irréparable» tandis que le Bernard Kouchner déclarait appuyer «le droit et le souhait des Iraniens à une transparence et à la vérité».

Les partisans de Mir Hossein Moussavi, principal rival d'Ahmadinejad, qui réclament l'annulation de la présidentielle du 12 juin, ont prévu de manifester une nouvelle fois à Téhéran samedi. Leur manifestation a été interdite.

Selon Amnesty International, dont le siège est à Londres, dix personnes ont été tuées au cours des manifestations de l'opposition à Téhéran.

L'avocate iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix, a appelé «la communauté internationale à empêcher (le gouvernement iranien) de tirer sur le peuple» : «J'attends de la communauté internationale qu'elle empêche la poursuite de la violence de la part du gouvernement. J'attends qu'elle empêche de tirer sur le peuple».


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vendredi 19 juin 2009

le pouvoir défié dans la rue

Par petits groupes, ils se déplaçaient déjà dans les rues de Téhéran, mardi matin 16 juin. Le point de ralliement a été fixé à 17 heures sur la place Vali-ye Asr, là même où il y a deux jours Mahmoud Ahmadinejad a fêté sa victoire à l'élection présidentielle avec un score écrasant (63 % des suffrages). Et, depuis deux jours, les partisans de l'ancien premier ministre, Mir Hossein Moussavi, soutenu par les réformateurs, qui dénoncent une "fraude" flagrante, manifestent et demandent une nouvelle élection. A défaut, peut-être, ont-ils obtenu mardi un recomptage des voix. Sept personnes, des civils, sont déjà mortes, selon la radio officielle Payam, en marge des manifestations.


Un photographe de l'AFP a vu un mort à terre. Une vidéo tournée par une équipe de la BBC est plus éloquente : on y voit, lundi, à la fin de la manifestation - interdite, bien que pacifique -, la foule qui est massée devant une caserne de bassidji, ces miliciens islamiques qui assurent l'ordre pour le régime. Les manifestants circulent, mais, depuis une fenêtre, un bassidj tire. Une femme, un homme, puis un autre, tombent. Blessés ? Ensuite, lancé depuis la foule, un cocktail Molotov embrase la fenêtre où est posté le tireur. Et vite, tout dégénère.

Pourtant, lundi, la manifestation - une marche, en fait - était impressionnante de retenue. Combien étaient-ils ? Six cent mille ? Un million ? Plus encore ? Impossible de compter cette foule révoltée par le résultat du scrutin et qui a bravé l'interdiction officielle pour marcher entre la place Enguelab (de la Révolution) et la place Azadi (de la Liberté). Pour une fois, les avenues de la capitale iranienne paraissaient trop petites, pour cette marée humaine.

Une foule composée de mères de famille, d'employés tout juste sortis du bureau, d'étudiants, de grands-parents, de couples, main dans la main. Qui étaient-ils ? Des ingénieurs, des médecins, des commerçants du bazar, des blessés de guerre en chaise roulante, des jeunes filles aux cheveux décolorés et aux grosses lunettes de soleil, foulard presque sur la nuque, ou des jeunes portant un masque pour ne pas être reconnus sur les vidéos des agents de renseignement.

"C'est la première fois que je marche ainsi depuis la révolution de 1979", s'exclamait un homme d'âge mur, en costume sombre et chemise blanche. Et de brandir le poing en hurlant "Allah akbar", comme lorsqu'il s'agissait de renverser le chah. C'est d'ailleurs le cri que poussent chaque soir du toit de leur maison de nombreux Téhéranais, en mémoire au mot d'ordre lancé par l'ayatollah Khomeiny, depuis son exil de Neauphle-le-Château, près de Paris.

Dès le début de l'après-midi, ils ont déferlé en direction de la place Enguelab. A pied pour la plupart en raison de la circulation - sans qu'aucun média iranien n'ait osé annoncer la marche et sans savoir que leur candidat, Mir-Hossein Moussavi, était là lui aussi. Depuis plusieurs jours, l'envoi de Texto est bloqué en Iran alors que c'était le moyen privilégié par l'opposition pour mobiliser ses troupes. Les réseaux de téléphones portables ont été coupés presque toute la journée et l'Internet, depuis samedi, est plus censuré que jamais.

LE V DE LA VICTOIRE

Tous connaissaient la consigne : marcher en silence, bras levé pour afficher le V de la victoire. Certains brandissaient des pancartes : "Où est passé notre vote ?" A peine l'un d'eux haussait-il la voix que les autres soufflaient "chuuut, chuuut". Histoire de n'offrir aucun prétexte à une intervention des forces de l'ordre, lesquelles n'ont ménagé ni gourdins ni gaz lacrymogènes pour éteindre les innombrables foyers de colère allumés dans la capitale par l'annonce, samedi matin, de la réélection triomphale du président Ahmadinejad. Un hélicoptère de la police passait et repassait au-dessus de la marée humaine, provoquant à chaque fois un grondement dans la foule.

Une des techniques de la police antiémeute en Iran consiste à laisser circuler les voitures au milieu des manifestations, afin de réduire l'espace disponible dans la rue, de serrer les protestataires sur les trottoirs et de créer une agitation permanente de véhicules cherchant à s'extraire de la masse pour empêcher les regroupements. Tous les cortèges pro-Moussavi de la semaine dernière ont eu droit à ce traitement, alors que les rassemblements en faveur de M. Ahmadinejad ont pu se tenir dans des rues fermées par la police. Mais ce lundi, la foule était si dense qu'elle a bouché d'elle-même la circulation.

A mesure que la marche approchait de la place Azadi, elle se densifiait, se ralentissait. Enivrée par sa multitude, qui semblait lui donner un sentiment d'invincibilité, elle oubliait ses consignes de silence. Des deux côtés, des habitants agitaient des drapeaux verts (couleur de la campagne Moussavi) aux fenêtres. Des ouvriers, casque de chantier sur la tête, grimpés sur un mur fraternisaient à grands coups de "Mort à la dictature !".

Bientôt, la foule a entonné des hymnes révolutionnaires à tue-tête, avant de conspuer le président si étrangement réélu. Les slogans politiques, en Iran, mériteraient une anthologie. Ils sont parfois aussi bien ciselés en rimes qu'un vers de Hafez, s'inventent du jour au lendemain pour réagir à l'actualité et surtout sont instantanément assimilés par des centaines de milliers d'Iraniens, qui les chantent à l'unisson : "Ahmadi, tu as volé notre vote, tu es l'ennemi du pays !" ; "Alors, petit dictateur, où sont tes 24 millions d'électeurs ?" ; "Qui a voté pour ce singe ?"

Au coucher du soleil, le flot humain s'était répandu dans les quatre avenues qui s'élancent de la place Azadi, chacun espérant s'agripper à un bus ou trouver un taxi collectif pour rentrer. Les visages étaient radieux. "Il y avait trente, cinquante fois plus de monde que pour le meeting d'Ahmadinejad hier, alors que le gouvernement lui avait affrété des autobus", disait une femme en tchador fleuri.

Et pourtant, la question que tout le monde se posait, c'était : que va-t-il se passer ? Une première réponse n'allait pas tarder. Les forces antiémeute, massées à deux kilomètres, avaient attendu la tombée de la nuit pour fondre sur les protestataires. La stratégie consistant à frapper fort les plus excités dans l'espoir d'intimider la grande majorité des autres. Mais cette fois, elle n'a pas fait ses preuves.

En écho à Téhéran, des manifestations de protestation ont eu lieu dans plusieurs villes du pays dont Machhad, Tabriz, Ispahan, Khoramabad, Chiraz et Ouroumieh.





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Iran, le choix

Spécialistes et experts s'interrogent sur les événements d'Iran : crise de régime profonde menaçant la République islamique ou simple bataille de clans qui se partagent le pouvoir ? Pourtant, il y a une certitude, une vérité sur laquelle on n'insistera jamais assez et qui, elle, ne prête pas à discussion : le courage des manifestants qui, à Téhéran et dans d'autres villes de province, osent braver un pouvoir à la brutalité hélas tristement avérée. Pour qui connaît la haine de classe et la violence animant les bassidji, ces milices des bas quartiers au service du président sortant, Mahmoud Ahmadinejad ; pour qui connaît le maillage serré de services secrets et de polices surveillant la population dans un pays où l'Etat de droit est inexistant, le courage de ces Iraniens de tous âges et de toutes conditions doit être salué. Ils risquent, leur intégrité physique, leur vie même, la prison et la torture.


Et la bataille qu'ils mènent va bien au-delà de l'Iran. Elle va peser sur la situation au Proche-Orient dans les mois à venir. Quelque chose d'important se joue dans les rues de Téhéran, encore impalpable, imprécis, mais sans doute déterminant. Les experts, là encore, n'ont pas tort de nous expliquer que les deux hommes qui s'affrontaient lors du scrutin contesté du vendredi 12 juin, Mahmoud Ahmadinejad et son principal adversaire, Mir Hossein Moussavi, sont du "sérail". Ils sont de cette nomenklatura révolutionnaire attachée à la survie de la République islamique et dont les différentes personnalités se partagent le pouvoir dans un jeu d'influences complexes où se mêlent intérêts matériels, rivalités personnelles et différences idéologiques - le tout sous le regard inquiet de celui qui a le dernier mot, le Guide, l'ayatollah Ali Khamenei.

Et pourtant, Ahmadinejad et Moussavi, ce n'est pas pareil. Dû côté du premier, un groupe obsédé de "pureté révolutionnaire", hypernationaliste, plus attaché que tous les autres au programme nucléaire militaire, qui s'est forgé son identité dans l'antiaméricanisme forcené (pour ne pas parler de la haine d'Israël qui anime son chef) et le soutien aux radicaux du Proche-Orient (Hamas palestinien et Hezbollah libanais) ; de l'autre, un groupe plus proche du clergé traditionnel, tout aussi attaché à la survie du régime islamique, mais qui pense que l'avenir d'un pays en situation économique et sociale catastrophique passe par une certaine ouverture à l'Ouest. D'un côté, un groupe que l'offre de dialogue du président Barack Obama déstabilise ; de l'autre, des gens tentés de la saisir. Ces différences-là comptent.



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