samedi 29 août 2009

Nucléaire : l'AIEA accable l'Iran


L'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a publié vendredi un rapport confidentiel accablant pour l'Iran, soupçonné de vouloir se doter de la bombe sous couvert d'un programme nucléaire civil officiellement destiné à produire de l'électricité. Le document de six pages, qu'a pu se procurer Le Figaro, constitue par ses conclusions un véritable dossier à charge, celui qu'espéraient les grandes puissances, France et États-Unis en tête. Depuis plusieurs semaines, Washington, Paris et les autres capitales occidentales faisaient pression sur le directeur général de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, pour qu'il révèle l'étendue des découvertes faites par ses inspecteurs. Selon des rumeurs persistantes, ces données seraient restées consignées depuis près d'un an dans les tiroirs de l'agence, afin de ne pas donner à Israël un prétexte pour lancer des frappes aériennes contre le territoire iranien.

Refus de coopérer

Le rapport n'avance aucune révélation sur de nouvelles trouvailles faites par les inspecteurs onusiens lors de leurs visites sur les principaux sites nucléaires iraniens. Le document résume cependant la frustration de l'AIEA après six ans d'investigations globalement infructueuses, marquées par le refus manifeste du régime islamique de coopérer. Depuis un an, «Téhéran n'a pas daigné répondre aux nombreuses questions en suspens» qui lui avaient été adressées par l'agence, souligne le rapport. Aucune explication n'a été fournie depuis février 2008 sur des renseignements troublants faisant état d'expériences de «militarisation» du programme nucléaire iranien, connues sous le nom de programmes «110» et «111» et dirigées par un scientifique, Mohsen Fakrizadeh. Une personnalité que l'AIEA n'a encore jamais été autorisée à interroger.

Le 2 septembre, les directeurs politiques des Affaires étrangères de France, Russie, Chine, Allemagne, Grande-Bretagne et des États-Unis se retrouveront à Francfort, en Allemagne, pour décider de l'opportunité d'imposer un nouveau volet de sanctions internationales au Conseil de sécurité, le quatrième à l'encontre de l'Iran depuis février 2006. Après toute une série de mesures visant les entreprises et institutions financières impliquées dans le programme nucléaire iranien, il s'agirait cette fois d'imposer un embargo sur les importations de pétrole raffiné. Mais il sera difficile de rallier à une telle décision la Russie et la Chine, principaux partenaires commerciaux de l'Iran.



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Dans la prison d'Evin à Téhéran, "la nuit, j'entendais des cris"


Après deux mois et demi d'incarcération, l'avocat Abdolfattah Soltani, pilier à Téhéran du Centre de défense des droits de l'homme auquel collabore le prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, a été libéré mercredi 26 août. Cet homme droit et discret, dont le courage n'est plus à démontrer, a été plusieurs fois emprisonné pour son combat en faveur des droits de l'homme. Joint par téléphone à Téhéran à sa sortie de prison, il a raconté son arrestation au Monde. " Le 16 juin (quatre jours après l'élection contestée du président Ahmadinejad), quatre agents en civil se sont présentés dans mon cabinet au nom du parquet révolutionnaire, sans explication, ni mandat d'amener." Les yeux bandés il est emmené dans ce qu'il croit être la prison d'Evin. Il devra attendre vingt-sept heures avant qu'un juge lui signifie qu'il est là pour "activités contre la sûreté de l'Etat et propagande contre le régime".

Ensuite, c'est l'enfer : "Je suis resté dans une cellule minuscule pendant 17 jours, sans voir personne, sans livre, sans nouvelle, sans même la permission de prendre une douche." Les interrogatoires se succèdent. On le menace beaucoup mais on ne le brutalise pas physiquement "Les juges voulaient que je m'engage à renoncer à travailler avec Shirin Ebadi et que je cesse de parler aux médias étrangers, notamment la BBC."

Abdolfattah Soltani ne cède pas. On finit par le transférer à la fameuse "section 209" d'Evin, prison dans la prison aux mains des services secrets des gardiens de la révolution. Pour lui, épuisé par la solitude, c'est "déjà un progrès". "Je partageais ma cellule avec deux, parfois trois détenus. Des jeunes manifestants pour la plupart. J'avais de quoi lire, me laver. J'ai pu téléphoner enfin chez moi."

Les pressions et les interrogations reprennent de plus belle. "J'ai fait valoir que mon arrestation était sans fondement. Qu'ai-je à voir avec les partis politiques ? Je n'appartiens à aucun, je ne milite que pour les droits de l'homme."

Il se rend vite compte que les détenus n'ont pas le droit d'être assistés par un avocat lors des interrogatoires. "Ils ont modifié la procédure pénale en ce sens, si bien que durant l'instruction, règne l'arbitraire le plus total. Moi, je me sentais privilégié en tant qu'avocat, je pouvais répondre, argumenter. Les jeunes ne connaissaient pas leurs droits, ils étaient plus vulnérables aux pressions." D'autant que ces "pressions" sont brutales.

A Evin, à la section 209, il entend tout : "Au coeur de la nuit, il n'était pas rare que ces jeunes soient réveillés et interrogés. A plusieurs reprises, j'ai entendu des cris. "je n'en peux plus ! Arrêtez !"" Ses codétenus le lui confirmeront, plusieurs ont été sévèrement battus et torturés. Certains, venus d'autres prisons, lui expliqueront "qu'ils ont vu des milliers de personnes arrêtées dans des centres de détention semi-secrets comme Kahrizak (fermé depuis par le régime pour "abus"), Shapour ou Pasargad".

Finalement - effet de la campagne internationale en sa faveur ? -, il est libéré, mais doit payer une caution. "L'équivalent de 70 000 euros, ce n'est pas négligeable pour un avocat comme moi qui défend gratuitement des centaines de détenus politiques."

Et l'avenir ? M. Soltani est catégorique. "Les autorités ont fermé notre Centre il y a déjà quelques mois, mais je reprends le travail." Au passage, juriste jusqu'au bout, il porte plainte contre Matin Rasek, le vice-procureur révolutionnaire qui l'a fait arrêter "car je n'ai rien fait d'illégal".

Ce nouveau témoignage s'inscrit dans la polémique en cours au sein du régime sur le traitement des quelque 4 000 personnes arrêtées durant les manifestations post-électorales. Le candidat réformateur Mehdi Karoubi en dénonçant des "viols systématiques" en prison avait provoqué la création d'une commission d'enquête parlementaire à ce sujet. La commission dit pour l'instant ne pas avoir de preuve. Mais l'un de ses membres - s'exprimant toutefois de façon anonyme - a confirmé sur Internet les accusations, précisant mercredi que des viols à l'aide "de bouteilles et de bâton" avaient été pratiqués. Un nouveau sujet d'embarras pour le gouvernement de M. Ahmadinejad qui affronte en fin de semaine le vote de confiance d'un Parlement divisé.

Marie-Claude Decamps



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Ahmadinejad menace de punir les chefs de l'opposition


Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a appelé, dans son prêche lors de la prière du vendredi 28 août, à punir les chefs de l'opposition pour les troubles qui ont suivi sa réélection contestée à la présidentielle du 12 juin. "De sérieuses actions devraient être entreprises contre les chefs [de l'opposition] et les principaux instigateurs des incidents. Ceux qui ont provoqué, organisé et mis en œuvre la doctrine ennemie devraient être affrontés avec fermeté", a-t-il dit dans ce prêche diffusé par la radio.

Il s'agit de la première requête en ce sens du président, dont la réélection a été longuement contestée par ses concurrents, principalement le conservateur modéré Mir Hossein Moussavi et le réformateur Mehdi Karoubi, qui ont dénoncé des fraudes. Des responsables ont précédemment appelé à sanctionner les opposants, tel le religieux Ahmad Khatami, dont les vues expriment généralement celles des ultraconservateurs, ou encore Yadwollah Javani, chef du bureau politique des Gardiens de la révolution, l'armée idéologique du régime.

"Quel est le rôle de [l'ancien président Mohammad] Khatami, [Mir Hossein] Moussavi et [Mehdi] Karoubi dans ce coup d'Etat ? S'ils en sont les instigateurs, et c'est le cas, les responsables de la justice et de la sécurité doivent les arrêter, les juger et les punir", a écrit M. Javani dans l'hebdomadaire Sobhe Sadegh. Des manifestations de rue, sans précédent depuis l'avènement de la République islamique en 1979, ont été organisées pour protester contre la victoire de M. Ahmadinejad validée par le numéro un du régime, Ali Khamenei.

L'OPPOSITION DÉNONCE DES "PROCÈS SPECTACLES"

"Ceux dont le rôle a été moindre et ceux qui ont été trompés devraient être traités avec compassion islamique", a en revanche estimé le chef de l'Etat. "Les leaders des émeutes devraient être exécutés", a rétorqué la foule. Les manifestations de masse ont été sévèrement réprimées par les autorités. Sur quelque quatre mille personnes arrêtées, trois censt sont toujours derrière les barreaux, selon des sources officielles, qui ont fait état de trente morts. L'opposition a de son côté dressé une liste de soixante-neuf personnes tuées.

Depuis le 1er août, quelque cent quarante personnes, dont des responsables du camp réformateur, ont comparu devant le Tribunal révolutionnaire pour leur implication dans la contestation. Parmi elles un ex-ministre, des personnalités politiques de premier plan, des journalistes et des universitaires. Ces procès, toujours en cours, ont été dénoncés par l'opposition et la communauté internationale comme des "procès spectacles".

M. Karoubi a aussi dénoncé des viols et des cas de torture sur des manifestants emprisonnés. Il a soumis le 24 août des preuves à des membres d'une commission parlementaire chargée d'évaluer la situation des manifestants arrêtés. Fin juillet, Téhéran avait été amené à fermer la prison de Kahrizak après la mort d'au moins deux détenus, des suites de blessures infligées pendant leur incarcération selon des médias. Dans son prêche de vendredi, M. Ahmadinejad a toutefois accusé les opposants d'être derrière ces sévices. "Ce qui est arrivé dans les (...) centres de détention faisait partie du plan de l'ennemi mis en application par les agents du mouvement de renversement" du régime.



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jeudi 27 août 2009

«Aucune preuve» d'un complot occidental selon Khamenei


Le guide suprême reconnaît qu'aucun lien ne peut être fait entre les troubles qui ont agité l'Iran et une quelconque intervention étrangère. Il indique aussi que certains membres de forces de sécurité ne sont pas à l'abri de poursuites.

C'est une première. Alors que de nombreux responsables iraniens ont accusé l'Occident, en premier lieu la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, d'être derrière le mouvement de contestation qui agite l'Iran depuis près de trois mois, le numéro un de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei reconnaît qu'aucune preuve de ces affirmations n'a pu être produite.

«Je n'accuse pas les responsables des récents incidents d'être les subordonnés des (pays) étrangers, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, car aucune preuve de ces affirmations n'a été produite devant moi», a déclaré le guide suprême dans un communiqué lu par un présentateur de la télévision d'Etat.

«Ce complot a été mis en échec», poursuit le présentateur, citant toujours le texte. «La nation iranienne a asséné une gifle à nos ennemis, mais (ces derniers) ont encore de l'espoir», a-t-il ajouté. La réélection du président Mahmoud Ahmadinejad le 12 juin a provoqué des manifestations monstres des partisans des candidats battus, qui dénoncent des fraudes massives pendant le scrutin.
Les bassidjis surveillés

Au moins 4.000 personnes ont été arrêtées au cours des manifestations et 300 sont toujours derrière les barreaux, selon des sources officielles, qui ont fait état de 30 morts. L'opposition a de son côté dressé une liste de 69 personnes tuées.

Ali Khamenei a indiqué à ce sujet que les membres des forces de sécurité qui avaient participé à la répression des manifestations n'étaient pas à l'abri de poursuites. «J'apprécie le travail de la police et du Bassidj (la milice islamique) (...) pendant les émeutes, mais cela ne signifie pas que certains des crimes qui ont eu lieu ne seront pas examinés et on s'occupera de tout membre de ces deux (organes) qui a commis une faute», a-t-il dit.

Quelque 140 personnes ont été présentées, depuis le 1er août, devant le Tribunal révolutionnaire pour leur implication dans les manifestations. Mardi, une vingtaine de personnes -dont un ancien ministre, plusieurs personnalités politiques de premier plan, des journalistes et des universitaires- étaient jugées.

(Source AFP)



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lundi 24 août 2009

Iran: un ministre recherché par Interpol

L'Argentine s'insurge contre la désignation d'Ahmad Vahidi au ministère de la Défense. Celui-ci est recherché depuis 2007 par Interpol pour son implication présumée dans un attentat antisémite qui avait fait 85 morts en 1994 à Buenos Aires.

Buenos Aires a qualifié vendredi «d'affront à la justice argentine» la désignation comme ministre de la Défense en Iran d'Ahmad Vahidi, recherché depuis 2007 par Interpol pour son implication présumée dans un attentat antisémite meurtrier en Argentine en 1994.

«La nomination de Ahmad Vahidi au poste de ministre de la Défense en Iran constitue un affront à la justice argentine et aux victimes du brutal attentat terroriste contre l'Association mutuelle israélite argentine (AMIA)», qui avait fait 85 morts et 300 blessés en 1994 à Buenos Aires, déclare le ministère argentin des Affaires étrangères dans un communiqué.

Le gouvernement argentin «condamne de la façon la plus énergique» cette désignation, qui doit encore être approuvée par le parlement iranien, et appelle l'Iran «à coopérer pleinement avec la justice argentine pour que les personnes accusées d'avoir participer à l'attentat soient jugées par les tribunaux compétents.»
Avis de recherche internationaux

Le communiqué indique que Vahidi a eu «un rôle clef dans la prise de décision et la planification de l'attentat» à la bombe contre l'AMIA. Plus tôt dans la journée, le procureur argentin Alberto Nisman avait rappelé que Vahidi faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international depuis deux ans.

Interpol avait annoncé dès mars 2007 qu'elle allait émettre des avis de recherche internationaux en vue de l'extradition de cinq dirigeants iraniens, dont Ahmad Vahidi, et un Libanais accusés par la justice argentine d'avoir joué un rôle dans l'attentat contre l'AMIA.

Un porte-parole du département d'Etat américain, Ian Kelly, a jugé vendredi «dérangeant» le fait qu'Ahmad Vahidi ait été désigné comme ministre de la Défense iranien.

(Source AFP)



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Mehdi Karoubi, un mollah atypique et réformateur, devenu le porte-parole de la contestation en Iran


Vendredi 21 août à la grande prière de Téhéran, un influent ayatollah fondamentaliste, Ahmad Jannati, a réclamé que soient "arrêtés et jugés" ceux qu'il appelle les "meneurs " du mouvement de protestation qui, depuis l'élection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad, le 12 juin, n'en finit pas de s'exprimer, en dépit des pressions et de plus de 4 000 arrestations. Et parmi ces "meneurs", il désigne en bonne place le candidat réformateur malheureux au scrutin de juin, Mehdi Karoubi.



Etrange destin que celui de ce religieux atypique, menacé par les ultras du pouvoir d'être jeté en prison à 72 ans, lui qui connut les geôles du chah, justement pour avoir été un précurseur de la révolution islamique de 1979, aux côtés du fondateur, l'ayatollah Khomeyni, qui lui vouait estime et amitié. Longtemps, il a incarné au sein du régime les fonctions les plus officielles (et parfois les plus rentables), comme celle de directeur de l'opulente Fondation des martyrs, et de l'Organisation des pèlerinages. Il sera député, président du Parlement (1989-1992 et 2000-2004) et fondera l'Association des clercs militants, des religieux "progressistes".

Rallié aux réformateurs de l'ancien président Mohammad Khatami, Mehdi Karoubi a plongé dans la contestation en se présentant à la présidentielle de 2005 remportée par un presque inconnu, le maire de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad. Il sera le premier à dénoncer (déjà !) une "fraude " et à clamer que les miliciens bassidjis, acquis à M. Ahmadinejad sorti de leurs rangs, ont "forcé" l'élection. Ce qui lui vaut une mise au pas.

Depuis, M. Karoubi est resté critique, attaquant les diatribes sur la "destruction d'Israël " du président iranien ou sa gestion économique. Mais à chaque fois, comme le dit un avocat iranien qui le connaît bien, "avec la conscience aiguë des lignes rouges à ne pas dépasser quand on est un personnage qui compte mais du deuxième cercle du pouvoir".

L'élection du 12 juin allait lui faire renoncer à ses dernières prudences. Populaire auprès des jeunes qu'il mena en campagne sur le thème "Changement !, assez du dictateur !" ; proche de ces familles de martyrs de la guerre Iran-Irak, souvent des gens modestes pour lequel il continue de s'entremettre ; volontiers bavard et populiste, il sait travailler les auditoires. Mais son ressort semble être devenu la colère et l'exigence de justice.

"ALLER JUSQU'AU BOUT"

Mir Hossein Moussavi, cet ex-premier ministre appuyé par les réformateurs à la présidentielle, est devenu malgré lui, poussé par la "vague verte" (couleur de la campagne), le symbole de la contestation. Obstiné comme les montagnards de son Lorestan natal Mehdi Karoubi, resté au second plan durant la campagne, s'est depuis imposé comme le porte-parole le plus pugnace de l'opposition.

Les mollahs ne sont plus très populaires en Iran, certains disaient que M. Karoubi aussi s'était laissé gagné par le goût de l'argent et du pouvoir. Ces critiques sont oubliées : avec MM. Moussavi et Khatami, il anime le mouvement civique lancé cette semaine, le "chemin vert de l'espoir".

A quelques semaines de l'élection, nous recevant dans son bureau à Téhéran, d'où l'on voyait les monts Alborz enneigés ("un peu d'air frais en politique"), cet homme soigné avec son turban blanc, sa barbe en pointe et ses fines lunettes, nous avait confié qu'il se considérait comme "l'aile gauche de la ligne de l'imam Khomeyni". Expliquant que M. Ahmadinejad " avait toutes les cartes en main, de la télévision aux milices" et que la "compétition serait dure et inégale", il avait ajouté : "En politique, il ne faut pas se presser. Mais quand on se décide, il faut aller jusqu'au bout." Depuis, il n'a pas lâché. "Il a un courage aussi incroyable qu'inattendu, dit un analyste iranien. Il a brûlé tous ses vaisseaux derrière lui."

Avant l'élection, il signait un texte, avec le prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, sur les exécutions de mineurs. Ensuite, lorsque le 30 juin, le Conseil des gardiens de la révolution valide l'élection de M. Ahmadinejad, il rétorque : "Ce président est illégitime, je poursuivrai mon combat par tous les moyens légaux." De fait, le 25 juillet, il dénonçait dans une lettre ouverte l'arbitraire des services secrets, "outil le plus opaque et terrifiant qui soit et les centres de détention illégaux". Une autre lettre révélera, cette fois, les tortures et les viols en prison. Ce qui entraînera la création de deux commissions d'enquête et la fermeture de la prison secrète Kahrizak. Dernière missive : il suggère au président du Parlement, Ali Larijani, de réunir les chefs du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire pour présenter "ses preuves". Traité de "traître" par la presse officielle qui demande sa tête, Mehdi Karoubi a vu son journal, Ettemad-e-Melli, fermé en début de semaine. "Je ne me tairais que mort " sera sa réponse.

Marie-Claude Decamps



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mardi 18 août 2009

Clotilde Reiss, une libération pas affranchie de questions

Elle a certes quitté dimanche soir sa cellule de la prison d’Evin, mais l’universitaire française Clotilde Reiss, 24 ans, reste sous contrôle judiciaire. Assignée à résidence à l’ambassade, elle attend le verdict de son procès devant le tribunal révolutionnaire pour «espionnage», des accusations jugées «totalement fantaisistes» par les autorités françaises comme par son entourage. L’affaire n’est donc pas finie et les proches du dossier préfèrent, à raison, rester discrets.

Quelle caution a été versée ?

Le procureur de Téhéran, Saïd Mortazavi, a déclaré hier à l’agence iranienne Mehr que la jeune femme avait été mise en liberté «après le dépôt d’une caution de 300 millions de tomans», soit près de 213 000 euros. Interrogée par l’AFP, l’ambassade de France à Téhéran s’est refusée à tout commentaire. Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, cité par le Monde, a reconnu le versement de la caution tout en précisant qu’elle n’avait «rien d’énorme et ne se montait pas à des centaines de milliers d’euros». Une caution a aussi été payée pour la Franco-Iranienne Nazak Afshar, employée depuis dix-huit ans aux services culturels de l’ambassade de France, remise en liberté le 11 août et assignée à résidence. De tels paiements n’ont a priori rien de honteux : il ne s’agit pas de rançons payées à des ravisseurs, même si ces prisonniers sont les otages d’un régime contesté après la réélection, le 12 juin, du président Ahmadinejad grâce à des fraudes massives. Le versement d’une caution par Paris signifie néanmoins la reconnaissance d’une procédure dénoncée comme un simulacre de justice par les principales organisations de défense des droits de l’homme et l’opposition iranienne. Nombre de ses représentants en exil regrettent en outre que «la focalisation sur ce cas fasse oublier le sort de centaines d’autres personnes arrêtées». L’activisme montré par les autorités françaises, y compris au plus haut niveau, a pu également avoir un effet contre-productif. «Le ton employé par Paris a donné aux Iraniens les arguments qu’ils recherchaient pour montrer à leur opinion publique qu’il y avait bien eu une intervention étrangère», soupire Yann Richard, spécialiste de l’Iran (1).

Quel a été le rôle de la Syrie ?

Des contacts directs entre Nicolas Sarkozy et le président syrien, Bachar al-Assad, ont eu lieu tout au long de l’affaire. Dès la libération conditionnelle de la jeune femme, Paris a tenu à adresser des remerciements appuyés à Damas pour son «influence». La réconciliation franco-syrienne avait été scellée par la présence d’Al-Assad au défilé du 14 juillet 2008. «C’est la rencontre de deux politiques qui ont besoin l’une de l’autre», souligne Dominique Moïsi de l’Institut français des relations internationales. Damas tente de sortir de l’isolement où l’a placé son alliance avec Téhéran. Paris, de son côté, veut maintenant démontrer à ses partenaires européens, comme à Washington, que la carte syrienne vaut la peine d’être jouée. Jusqu’ici ce pari n’avait guère donné de résultat concret. Relativement simple à régler, le dossier Reiss a représenté une occasion de faire entrer en jeu la Syrie.

Est-ce qu’il y a un marchandage avec Téhéran ?

Il est difficile de savoir si, au-delà du versement de la caution, d’autres engagements ont été pris. Beaucoup d’experts en doutent. «L’arrestation de Clotilde Reiss, et d’autres prétendus espions étrangers, était avant tout un fait de politique intérieure pour convaincre l’opinion iranienne de la réalité d’un complot et montrer la force du régime. Une coupable française, c’était encore mieux, parce que les dures critiques de Paris sur les élections et la répression - alors même que les Américains restaient discrets - avaient profondément irrité le pouvoir iranien», souligne Yann Richard. Ces objectifs atteints,Téhéran pourrait lâcher du lest comme dans de nombreuses précédentes affaires, notamment celle de 15 marines britanniques appréhendés en mars 2007 pour être rentrés par inadvertance dans les eaux territoriales iraniennes. Sur la question du nucléaire ou des sanctions, Paris ne peut pas faire grand-chose seul. La vraie partie se joue avec Washington. «Cet épisode masque peut-être des enjeux plus importants, et notamment la reconnaissance de la République islamique par les Etats-Unis», affirme Yann Richard. L’expert relève également «qu’un signe probant a été la fermeture en Irak du camp d’Achraf, sous la protection des Américains, qui hébergeait les Moujahidines du peuple [opposants armés au régime islamique, ndlr]. C’était l’une des conditions préliminaires fixées par les Iraniens pour la reprise du dialogue avec Washington».

(1) Auteur de L’Iran, naissance d’une République Islamique, La Martinière, 2006.



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Iran : le journal du réformateur Karoubi interdit de publication

La justice iranienne a suspendu, lundi 17 août, la publication du quotidien du candidat réformateur à la présidentielle Mehdi Karoubi, Etemad Melli, selon le site de M. Karoubi. Ce dernier avait affirmé samedi dans les colonnes de son journal que certains manifestants incarcérés après la réélection de Mahmoud Ahmadinejed étaient morts en prison après avoir été "battus et torturés".

Le procureur de Téhéran, Saïd Mortazavi, qui a fait fermer la publication, a démenti que la non-parution eut été due à une interdiction, laissant entendre ainsi que le journal pourrait reparaître très prochainement. Selon lui, "la raison de la non-parution vient de problèmes à l'imprimerie, le journal n'a pas été interdit". Un religieux ultraconservateur, Ahmad Khatami, a néanmoins demandé lundi que Mehdi Karoubi se voie infliger une peine de quatre-vingts coups de fouet au motif qu'il aurait menti au sujet des tortures qu'il dénonce.

La police a par ailleurs procédé à plusieurs arrestations lundi et empêché la tenue de tout rassemblement devant le siège du journal, ont rapporté des témoins. "Les gens se déplaçaient par groupe de vingt ou trente et scandaient des slogans et j'ai vu plusieurs arrestations", a déclaré l'un d'entre eux. Cette source a évoqué un important dispositif de police à proximité du quotidien alors que plusieurs dizaines de personnes protestaient contre la fermeture du titre.
De nombreux responsables conservateurs ont accusé M. Karoubi de mentir et de fournir des arguments aux gouvernements étrangers qui ont critiqué l'Iran à cause de son traitement des manifestants. Le candidat malheureux à la présidentielle du 12 juin a répété dimanche soir que ces accusations ne le feraient pas taire et a exigé à nouveau que les autorités enquêtent sur les incidents qu'il a rapportés.

Au moins 4 000 personnes ont été arrêtées lors des manifestations qui ont suivi l'annonce de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad et 300 sont toujours derrière les barreaux, selon des sources officielles. L'opposition a indiqué dans un rapport au Parlement que 69 personnes avaient péri dans les violences. Le bilan officiel est d'une trentaine de morts.



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samedi 15 août 2009

"Le temps des procès en Iran" par Vincent Hugeux


La parodie de justice infligée à Clotilde Reiss le prouve : les actions en cours visent à valider la théorie du complot et à fournir au régime une monnaie d'échange.

Telle est la vocation de tout procès stalinien: réécrire l'histoire immédiate. Plus de soixante-dix ans après la mascarade de Moscou, qui visait à liquider les vétérans bolcheviks de la révolution d'Octobre, la parodie de justice collective mise en scène depuis le 1er août à Téhéran se conforme aux canons du genre. Il convient avant tout d'extorquer par tous les moyens aveux et confessions aux félons de l'intérieur, coupables d'avoir contesté la validité de la réélection, le 12 juin, du sortant Mahmoud Ahmadinejad. Rôle ingrat, dévolu par exemple à l'ancien vice-président Mohammad Ali Abtahi, conseiller et confident du réformiste Mohammad Khatami. Repenti idéal, le fondateur de l'Institut pour le dialogue interreligieux a ainsi nié à la barre tout recours à la fraude électorale, et déploré la "trahison" de son mentor.

Car il convient de frapper haut et fort. Voilà pourquoi Yadwollah Javani, chef du bureau politique des Gardiens de la Révolution, la garde de fer du régime, appelle à "juger et punir" Khatami, ainsi que Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, rivaux malheureux d'Ahmadinejad et figures de proue d'une rébellion civique qui plie mais ne rompt pas. Le manuel du procureur aux ordres recommande ensuite, pour valider la théorie du complot, d'imputer le dévoiement des fils de la patrie à la funeste influence de l'"arrogance occidentale". En clair, de dénoncer leur complicité avec la Grande-Bretagne - épicentre de la conspiration planétaire - les Etats-Unis, la France et l'Allemagne.

Car la vaillante République islamique ne peut qu'être la cible d'une conspiration mondiale fomentée par les puissances coloniales, visant à imposer en terre persane une "révolution de velours". A ce stade intervient le mea culpa des agents de l'étranger, accusés de manipuler des Iraniens crédules et d'alimenter en renseignements les chancelleries diplomatiques, traditionnels "nids d'espions", ainsi que les sites Internet, vecteurs de la subversion.

D'où la décision de traduire devant le tribunal téhéranais la jeune chercheuse française Clotilde Reiss, la Franco-Iranienne Nazak Afshar, employée depuis dix-huit ans à l'ambassade de France, ou Hossein Rassam, analyste politique au sein de la représentation britannique. Loin de protéger ses détenteurs, le statut de binational aggrave la suspicion de déloyauté. Les "preuves" du crime de Clotilde, lectrice de français à l'université d'Ispahan? Un "rapport" fourni à son ambassade - en fait, une note d'une page adressée au directeur d'un institut de recherche - ainsi que les courriels et photos envoyés à ses amis. Nul doute qu'un détail de son parcours aura, en ces temps de bras de fer nucléaire, attisé la paranoïa de ses juges: le stage accompli en 2007 au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), où son père, Rémi, est ingénieur...

Au risque de pécher par optimisme, gageons que la jeune femme, éprise de culture persane, ne croupira pas longtemps dans sa cellule. Le régime a obtenu d'elle ce qu'il voulait: des aveux assortis d'excuses et d'une demande de grâce. Son maintien en détention lui conférerait un statut d'otage, voire de martyr. Le 1er mai, la journaliste américano-iranienne Roxana Saberi a ainsi été élargie moins de trois semaines après sa condamnation à huit ans de prison pour espionnage. Mais tout a un prix. Et l'on ignore la nature de la "rançon" attendue par Téhéran.



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Iran : la "guerre des services" aiguise la crise politique

Et maintenant ? Elu dans la contestation, le 12 juin, confirmé à son poste dans la répression, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad commence son deuxième mandat. En deux mois, les équilibres politiques du pays ont plus changé qu'en trente ans de République islamique. Intellectuels, étudiants, politiciens : des centaines d'Iraniens ont été arrêtés, certains tués, torturés ou "jugés" dans des parodies de procès.

Au sein même du pouvoir, les fils de la révolution se déchirent. Le Parlement, pourtant dominé par les conservateurs, est divisé. De hauts gradés des Gardiens de la révolution, l'armée idéologique, réclament le jugement de l'ancien président réformateur Mohammad Khatami et de son poulain, Mir Hossein Moussavi, candidat malheureux à la présidentielle mais créateur de cette "vague verte" de contestation qui tourne à la désobéissance civile. L'entourage du Guide suprême Ali Khamenei verrait, lui, d'un bon oeil la chute d'Hachemi Rafsandjani, "pilier" historique de la Révolution, jugé trop pragmatique envers l'étranger, trop "corrompu", ou tout simplement trop puissant à la tête de rouages tels que l'Assemblée des experts et le Conseil du discernement. Les limogeages font suite aux démissions, la crise de confiance est totale et les grands "Marjas" (source d'imitation chiite) de Qom, la ville sainte, multiplient les mises en garde : le régime est en danger.

Face à ce chaos, quels sont les atouts de M. Ahmadinejad ? Dans la rue, les manifestants crient "mort au dictateur" ; il n'a plus de crédibilité "démocratique" ; peu de crédit religieux à Qom ; pas de légitimité "révolutionnaire" auprès de familles symboliques comme celle du fondateur, l'ayatollah Khomeyni, dont les héritiers sont proches des réformateurs. Du crédit politique ? Celui qui jurait d'apporter "l'argent du pétrole à la table des Iraniens" a vidé les caisses, distribuant directement les pétrodollars dans ses tournées en province, et l'inflation flirte avec les 24 %. Son intransigeance sur le dossier nucléaire lui a valu trois séries de sanctions internationales. La main tendue de Barack Obama ne le restera pas longtemps.

La force de M. Ahmadinejad est ailleurs : dans cet entrelacs de réseaux secrets qui gangrènent l'Iran. Pour en comprendre l'ampleur, il faut remonter aux vagues d'assassinats d'opposants de la fin des années 1990. Les auteurs venaient des services secrets. Le président Khatami lança une purge et ces éléments incontrôlés trouvèrent refuge au quartier général de la coordination des miliciens bassidjis (le centre Sarallah, "Le sang de Dieu"). Un réseau de services secrets parallèle se développe alors, protégé, depuis le cabinet même du Guide suprême, par un membre du haut commandement des Gardiens de la révolution, Mohammed Hedjazi, homme de liaison avec les Bassidjis.

C'est l'époque où M. Ahmadinejad est actif chez ces miliciens. Il y fréquente des fondamentalistes venus des services secrets "purgés" qui rêvent de révolution permanente. Après avoir été chargé de la sécurité et de la poursuite des opposants en Azerbaïdjan occidental, il se rapproche de la division Ghods des Gardiens de la révolution, chargée de l'exportation de la révolution au Liban, au Soudan et ailleurs.

Ces réseaux parallèles opèrent des arrestations et ont leurs propres prisons secrètes et illégales (une trentaine à Téhéran, dont une dans les sous-sols du ministère de l'intérieur). L'élection de M. Ahmadinejad, avec leur aide, à la présidence en 2005 les renforce. Le nouveau chef de la police, Ahmad Moghadam (beau-frère du président), se rapproche des réseaux Bassidjis et de la base Sarallah sous le contrôle de l'homme de confiance du président, Hachemi Samareh, et la protection du bureau du Guide et de son fils Mojataba.

Aujourd'hui, la "guerre des services" a éclaté au grand jour. D'un côté le ministère officiel du renseignement dirigé par Gholam Hossein Mohseni Ejei qui tentait de reprendre la main et désapprouvait les "procès" et les prétendus "aveux" qu'il juge infondés et improductifs ; de l'autre ces réseaux, principaux acteurs de la répression. Ils sont sous la coupe de deux religieux venus des renseignements militaires, Hossein Taeb et Ahmad Salek, un des fondateurs de la division Ghods, lui même au cabinet du Guide.

Ce contexte explique le limogeage, ces derniers jours, du ministre des renseignements et de quatre de ses spécialistes. Du jamais vu en Iran. Promu cheval de Troie de cette nébuleuse secrète qui veut radicaliser et purger le régime, M. Ahmadinejad est-il en train de "noyauter" tous les organismes officiels du pouvoir ?

Des contre-feux sont là. A commencer par le Guide Khamenei. Sa récente passe d'armes avec M. Ahmadinejad pour obtenir avec peine qu'il se défasse d'un de ses vice-présidents, lui a-t-il montré qu'il risque de devenir l'otage de ces services parallèles ? De même, le Parlement vient d'adresser une nette mise en garde au président : le 11 août, 202 députés sur un total de 290 lui ont demandé par lettre de choisir des "ministres expérimentés" pour leur accorder leur nécessaire vote de confiance. La composition du nouveau gouvernement apportera le premier élément de réponse à ces questions.

Marie-Claude Decamps (Service International)



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Damas joue un rôle actif auprès de Téhéran pour tenter de faire libérer Clotilde Reiss

En intervenant auprès de Téhéran pour tenter de faire libérer Clotilde Reiss, la jeune universitaire française accusée d'avoir pris une part active aux manifestations contestant l'élection présidentielle iranienne, la Syrie scelle avec la France des retrouvailles amorcées de façon chaotique en 2007, mais qui n'ont cessé de s'intensifier.



Nicolas Sarkozy, a exprimé, mardi 11 août, sa "reconnaissance aux pays de l'Union européenne et aux autres pays amis, comme la Syrie, qui nous ont apporté leur soutien dans cette première phase". Le président français faisait allusion à la libération sous caution, le même jour, de Nazak Afshar, employée irano-française de l'ambassade de France à Téhéran, jugée en même temps que Clotilde Reiss.

La phase suivante souhaitée par l'Elysée est une libération rapide sous caution de Clotilde Reiss, puis une libération définitive. Damas semble déterminé à y prendre part activement.

Selon des sources syriennes, le président syrien, Bachar Al-Assad, devrait se rendre à Téhéran très prochainement afin de présenter ses vœux à son homologue Mahmoud Ahmadinejad. Il tentera alors, si la crise n'était pas dénouée, d'user de son influence auprès de son allié iranien. L'imminence d'une visite de M. Assad à Téhéran a été confirmée par une source diplomatique française en Syrie.

Interrogés sur la possibilité d'un scénario dans lequel M. Assad pourrait faire le voyage de retour accompagné de Clotilde Reiss, ces deux sources ont répondu que c'était "possible". "Il est certain que M. Assad agira là-bas dans ce sens", ajoutait-on du côté français. Si un tel scénario devait se produire, cette victoire diplomatique de Damas, serait, pour Paris, la concrétisation des espoirs placés dans l'"ami" syrien.

Pour l'instant, la France a accepté la proposition iranienne d'accueillir Clotilde Reiss à son ambassade de Téhéran jusqu'à l'énoncé du verdict, dont on ignorait encore, jeudi 13 août, quand il serait fixé. " La Syrie a servi de médiateur entre la France et l'Iran avec pour résultat la libération de Nazak Afshar. Tout n'a pas été encore réglé, car le régime iranien est puissant et il est difficile de l'influencer, mais Damas est parvenu à faciliter le processus. Le défi dans cette affaire est de trouver une solution sans que l'Iran ne perde la face, estime Ayman Abdel Nour, analyste politique syrien. Il est nécessaire, pour la Syrie, de démontrer à M. Sarkozy qu'elle a les moyens et la volonté d'agir. Et que plus on lui en sera reconnaissante plus elle agira."

A plusieurs reprises, Damas a déclaré à ses interlocuteurs européens être prêt à servir de médiateur entre l'Iran et l'Occident sur l'épineux dossier nucléaire sans rencontrer, jusqu'à présent, de réactions concrètes.

De manière générale, "M. Sarkozy est le seul dirigeant qui a osé parier sur la Syrie en estimant qu'elle était capable de bien se comporter. Aucun des gouvernements britannique, allemand ou hollandais ne pense comme lui", affirme M. Abdel Nour, qui estime ainsi que le président français représente "le seul espoir pour la Syrie d'améliorer son image auprès de l'Europe et, surtout, auprès des Etats-Unis".

En invitant Bachar Al-Assad au défilé militaire du 14 juillet 2008 en compagnie des autres dirigeants de l'Union pour la Méditerranée, la France avait inauguré le retour de la Syrie au sein des nations "respectables". Paris avait souhaité ainsi récompenser Damas pour son bon comportement dans le dossier libanais. "Le signal positif avait été pour nous l'attitude de la Syrie lors des accords de Doha [printemps 2008], au cours desquels elle a levé son veto sur l'élection du président libanais, Michel Sleiman, et accepté la formation d'un gouvernement d'union nationale au Liban, raconte une source française proche de ce dossier. Plus encore, Damas annonçait, le jour même de ces accords, l'existence de la reprise des négociations indirectes, via la Turquie, avec Israël."

En retour, la France s'est attelée à convaincre l'Union européenne de conclure avec la Syrie l'Accord d'association. Les négociations entre Bruxelles et Damas avaient été suspendues en 2005 après l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri, mettant fin aux espoirs syriens de recevoir une importante aide financière européenne. Aujourd'hui, précise cette même source, "l'article 2 de l'Accord renfermant une clause sur les droits de l'homme a été accepté par la Syrie" et les Etats membres de l'Union européenne ont tous accepté le principe de cet accord, "hormis les Pays-Bas". Si cet obstacle était levé, l'accord pourrait être signé en marge du Conseil de l'Europe, en septembre.

Les relations de la Syrie avec les Etats-Unis se sont également améliorées. Depuis juin, l'envoyé spécial de Washington au Moyen-Orient, George Mitchell, a rendu trois fois visite au président Assad mettant ainsi fin à cinq ans de rupture des relations diplomatiques.

Le président Obama a néanmoins prolongé pour un an les sanctions visant des personnalités syriennes ou pro-syriennes coupables d'ingérence ou de violences au Liban, mais les sanctions commerciales en vigueur depuis 2004 ont été allégées.

Cécile Hennion



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mardi 11 août 2009

«On ne sait plus qui gouverne et qui commande en Iran»

Des membres des Gardiens de la révolution crient des slogans anti-Israël, à Téhéran, le 24 juillet 2009. (Raheb Homavandi / Reuters)

Deux spécialistes de l'Iran reviennent sur les rivalités internes qui secouent en ce moment le pays, à travers le rôle des gardiens de la révolution.

A l'heure des procès qualifiés de «mascarades», d'appels à «l'arrestation» d'opposants, de «répression» contre les «ennemis de Dieu», l'Iran se débat en pleine crise politique intérieure entre gardiens de la révolution pro-Ahmadinejad et anciens Pasdaran (autre appellation des gardiens de la révolution) fidèles à la République mais pas au président. Bernard Hourcade et Azadeh Kian-Thiébault, deux spécialistes de l'Iran et chercheurs au CNRS expliquent à Libération.fr les enjeux de cette crise politique.

Bras de fer

La réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad a provoqué «la crise la plus importante du pays depuis la Révolution islamique» expliquent à l'unisson les deux experts de l'Iran. Le pouvoir est «si contesté et si complexe qu'on ne sait plus qui gouverne et qui commande en Iran», assure Azabeh Kian-Thiébaut.

Il est vrai que les différents clans qui dessinent le paysage politique iranien ne vont pas de soi. D'un côté, on retrouve les gardiens de la révolution, le bras armé du Guide, qualifiés de «minorité», selon Bernard Hourcade. Ils sont au pouvoir et tentent de «bunkeriser» le régime autour du président. «Ils font partie de la dernière génération de Pasdaran, celle qui n'a pas d'éclat parce qu'elle n'a pas combattu pendant la guerre Iran/Irak», affirme-t-il, «ils sont décriés par beaucoup de personnalités politiques».

De l'autre côté, la première génération de gardiens de la révolution, appelés les «vétérans» — dans lesquels on retrouve entre autres Moussavi le candidat malheureux de l'élection —, crient à l'usurpation. Ces fondateurs de la Révolution, aujourd'hui reconvertis dans la sphère politique et économique du pays, font partie de l'élite iranienne et s'opposent à la légitimité présidentielle. «Ils accusent les pasdarans pro-Ahmadinejad de mal gérer le dossier iranien tant sur le plan du nucléaire que sur le plan international», rappelle le spécialiste. «La minorité de Gardiens de la révolution autour du président appelle au durcissement du régime, à la répression, et à l'hostilité à l'étranger. Ce n'est pas le cas pour bon nombre des vétérans».

Bunkerisation

«Depuis 2004, les pasdaran en place tendent à contrôler le système politique dans son ensemble», explique la spécialiste du CNRS, «ce que j'appelle la militarisation du système. Enfermement des opposants, torture, liquidation». Les gardiens de la révolution, fidèles au président, souhaitent «faire disparaître la composante démocratique pour n'en garder que celle théocratique», rappelle-t-elle. Même son de cloche du côté de Bernard Hourcade: «Ces gens sont pour un état islamique, on y retrouve d'ailleurs certaines idées des talibans. Ils essaient de supprimer la légitimité du peuple pour faire de l'Iran, l'état de Dieu. Le régime se bunkerise». Leur but? «Ils sont convaincus que la survie de la République passe par une protection absolue. Ils refusent tout contact avec l'extérieur, toutes relations internationales», explique Bernard Hourcade.

Procès

«Ces procès, ces mascarades, font partie intégrante de la propagande du régime», explique Azadeh Kian-Thiébaut, «ils veulent montrer que la République est en danger, qu'ils font tout pour la sauver». Pourtant, une grande partie de la population rejette ces tribunaux. «Ils sont contre-productifs. Non seulement une partie de la population ne les reconnaît pas mais ils amènent les opposants à se radicaliser», assure-t-elle.

Petite pointe d'optimisme tout de même. Bernard Hourcade n'est pas inquiet quant au sort de Clotilde Reiss, la jeune française jugée actuellement pour sa participation aux manifestations anti-Ahmadinejad. «Je pense qu'elle sera graciée. Elle sert d'exemple aujourd'hui mais elle deviendra vite encombrante pour le régime. De plus, le président ne va pas tarder à entrer dans une phase d'ouverture pour s'assurer du soutien des députés. Ce sera une phase de relâchement.»

Sortie de crise

«L'Iran pourrit sur place» selon les mots de Bernard Hourcade. «Le pays est actuellement dans une impasse politique. Le Guide suprême a perdu sa crédibilité, en légitimant l'accession à la présidence d'Ahmadinejad malgré l'hostilité de 50% de la population, ajoute-t-il, le Guide n'a pas réussi à assurer l'unité du pays.»

Le spécialiste avance quelques scénarii pour l'avenir : «Le président pourrait être destitué par le Guide si le Parlement ne reconnaît pas le gouvernement qu'il s'apprête à présenter la semaine prochaine.»

Deuxième scénario: «Le Parlement reconnaît le gouvernement du président, mais je doute que ce soit probable».

Troisième option: «le président peut faire durer la situation et passer outre la décision du Parlement même si cette dernière ne valide pas le gouvernement.» Quelle qu'elle soit, la sortie de crise s'annonce «décisive pour la stabilité du régime», rappelle Azabeh Kian-Thiébaut.



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«Le crime de ma mère : avoir travaillé dix-huit ans à l’ambassade de France»

Etudiant en cinéma à Paris, Arash Naimian, dénonce les «aveux forcés» extorqués à sa mère Nazak Afshar, franco-iranienne, passée en procès samedi en même temps que Clotilde Reiss.

Pourquoi cette mise en scène ?
Ma mère est très liée à sa mère comme à moi et j’imagine qu’ils ont fait de très fortes pressions sur elle avec des menaces sur la famille. Elle n’est pas une militante, ni même une personne politisée, même si elle a participé, comme des millions d’autres Iraniens, aux manifestations. Son seul crime est d’avoir travaillé depuis dix-huit ans au service culturel de l’ambassade de France et d’être franco-iranienne. Elle a été arrêtée au seuil de sa porte jeudi soir, à la veille de son départ prévu pour la France, sans qu’on lui présente aucun mandat d’arrêt, puis emmenée dans un lieu inconnu. Vendredi nous avons reçu un coup de téléphone comme quoi elle était à la prison d’Evin. Le lendemain elle était dans le box, où on a exigé d’elle ces aveux absurdes. Les autorités accusent les pays occidentaux pour ne pas devoir reconnaître que la protestation vient du peuple iranien.
Avait-elle déjà eu des problèmes ?

Depuis un an, elle était interrogée régulièrement, comme, je crois, tous les autres employés locaux de l’ambassade de France, et probablement ceux des autres ambassades occidentales. La première fois, elle avait été convoquée dans un bâtiment officiel, mais ensuite les interrogatoires se tenaient dans des hôtels. On lui demandait de raconter ce qu’elle faisait, ses rencontres. Ses interrogateurs étaient toujours polis mais lui faisaient comprendre qu’ils savaient tout d’elle. Après les élections du 12 juin, la pression s’est encore accrue. Elle était interrogée sur les mails reçus ou renvoyé à des amis. Il y a quinze jours son ordinateur a été confisqué.
Qu’attendez-vous des autorités françaises ?

L’avocat de ma mère nous a appelés disant de ne pas donner d’interview qui ne ferait qu’aggraver les choses. Je ne veux pas rentrer dans ce jeu. Ma mère est une Française innocente, prise en otage par une justice injuste. J’entends encore le président de la République, Nicolas Sarkozy, déclarer qu’il irait chercher tous les Français otages. J’espère que les pays de l’Union européenne maintiendront la pression. Il y a aussi beaucoup de personnes inconnues qui ont été arrêtées.



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L'Iran propose une liberté surveillée pour Clotilde Reiss

La Française Clotilde Reiss devant le tribunal révolutionnaire iranien à Téhéran, le 9 août 2009 (AFP Ali Rafiei)

La jeune française, accusée d'espionnage, est jugée en ce moment devant un tribunal de Téhéran.


L'Iran a proposé que la jeune Française Clotilde Reiss bénéficie d'une mesure de liberté conditionnelle, à condition qu'elle réside à l'ambassade de France à Téhéran d'ici à la fin de son procès. Paris na pas encore répondu à cette offre, a déclaré mardi l'ambassadeur d'Iran en France.

«Notre ministère a donné un engagement au pouvoir judiciaire iranien pour que cette demoiselle, jusqu'à la fin de son procès et à condition qu'elle réside à l'ambassade de France à Téhéran puisse bénéficier d'une liberté conditionnelle», a affirmé Seyed Mehdi Miraboutalebi sur Radio France Internationale (RFI).

«Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de réponse de l'ambassadeur de France», a ajouté le diplomate, dont les propos étaient traduits du persan en français.
«Le début d'un espoir»

Plus tôt dans la matinée, le porte-parole du gouvernement Luc Chatel avait affirmé mardi sur RTL qu'il existait «le début d'un espoir» en vue d'«une solution rapide» pour la libération de Clotilde Reiss, emprisonnée en Iran depuis le 1er juillet.

Luc Chatel se fondait sur «les contacts diplomatiques et les contacts au plus haut niveau qu'a eus le président de la République» Nicolas Sarkozy. «La France par l'intermédiaire du président de la République multiplie les initiatives pour obtenir sa libération. Le président a eu encore jusqu'à hier soir des contacts avec des personnalités qui travaillent actuellement pour sa libération», a ajouté Luc Chatel sans autres détails.
Discussions en cours

«Il y a une évolution», a dit Luc Chatel mais «pour optimiser les chances de succès des négociations, des discussions qui sont en cours», il n'a pas souhaité en «dire davantage». «Clotilde Reiss est innocente» et elle «a été victime d'une parodie de procès», a-t-il répété. «Nous avons exigé, et nous continuons à le faire, cette libération.»

Lectrice à l'université d'Ispahan (centre de l'Iran), Clotilde Reiss, 24 ans, est apparue samedi sur le banc des accusés devant un tribunal de Téhéran au côté notamment d'une employée franco-iranienne de l'ambassade de France, Nazak Afshar, lors d'une audience fermée à la presse étrangère. Concernant cette dernière, aucune information sur son éventuelle libération n'a été délivrée.

(Source AFP)



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lundi 10 août 2009

Iran: Rafsandjani ne dirigera pas la prière

Le bureau d'Akbar Hachémi Rafsandjani a confirmé aujourd'hui que l'ex-président iranien ne dirigerait pas la prière collective de Téhéran vendredi afin d'éviter tout risque d'affrontement, selon un communiqué cité par l'agence Isna. Le bureau de M. Rafsandjani a affirmé que, "pour prévenir d'éventuels affrontements, l'ayatollah Hachémi Rafsandjani ne participera pas cette semaine à la prière du vendredi", selon Isna.

Le 17 juillet, M. Rafsandjani avait dirigé la prière collective de Téhéran après plusieurs semaines de silence. Il avait alors estimé que le pouvoir avait perdu partiellement la confiance des Iraniens après la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad du 12 juin et les manifestations de protestation qui avaient suivi.
Il avait aussi affirmé que le pouvoir devait prendre une série de mesures pour ramener le calme, notamment la "libération des personnes emprisonnées" et "la réouverture des journaux fermés".

Les partisans des candidats de l'opposition, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, avaient profité de l'occasion pour faire une démonstration de force en participant à la prière et en scandant des slogans hostiles au gouvernement.
Plusieurs manifestants avaient alors été arrêtés. M. Rafsandjani a décidé de ne pas diriger la prière du vendredi pour éviter "tout abus politique inacceptable", avait déclaré plus tôt lundi l'hodjatolislam Reza Taghavi, chef du Conseil politique des imams de prières du pays, selon l'agence Fars.



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L'actuel régime iranien tombera-t-il comme celui du chah, en 1979 ?

Deux mois se sont écoulés depuis le scrutin présidentiel en Iran, et le gouvernement de la république islamique apparaît publiquement divisé, discrédité, contesté, affaibli. Nous pouvons donc aujourd'hui analyser la situation et dresser plusieurs parallèles entre le régime actuel et la monarchie de l'Iran d'avant 1979, et entre ces deux périodes de troubles politiques.

Dans le passé, l'Etat iranien a bénéficié de quatre sources de légitimité : sa capacité à gérer les affaires publiques (avec l'approbation du peuple), son autorité religieuse officielle, son engagement en faveur de l'indépendance de l'Iran et une base de soutien stable dans la société. Autant de piliers aujourd'hui irrémédiablement abattus.

La fraude électorale massive du 12 juin expose à un examen approfondi de l'opinion la capacité du président Mahmoud Ahmadinejad à gérer les affaires publiques, et le soulèvement spontané des Iraniens qu'elle a entraîné a incontestablement privé son gouvernement de légitimité politique. Peu de temps après, lors de son discours à la prière du vendredi, l'ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême, a déclaré la guerre au peuple, le menaçant d'une violente répression s'il n'acceptait pas pleinement les résultats de l'élection. Il a ainsi balayé les derniers vestiges de la légitimité religieuse du régime.

Cette légitimité déclinait depuis quelque temps déjà, non seulement parce qu'elle est en opposition avec l'islam entendu comme un discours de liberté, mais aussi au sein du régime lui-même et chez les traditionalistes. L'ayatollah Ali Sistani (l'autorité suprême des chiites en Irak) s'opposait au principe du velayat-e faqih (littéralement "gouvernement du docte", des religieux ; théocratie), et l'ayatollah Hossein Ali Montazeri (qui fut l'héritier présumé de Khomeyni avant de devenir son détracteur) a soutenu que cette doctrine était un acte de shirk, autrement dit d'association fallacieuse à Allah.

Même la traditionnelle charia (loi coranique), que le gouvernement a invoquée pour justifier nombre de ses actes, s'est vue vidée de son contenu et réduite à une théorie de la violence généralisée. L'ayatollah Mohammad Mesbah Yazdi, qu'on peut considérer comme le gourou d'Ahmadinejad, est l'auteur d'un ouvrage intitulé "La guerre et le djihad dans l'islam", dans lequel il soutient que la violence appartient à la nature intrinsèque de l'homme et lui est nécessaire. Il a poussé la logique jusqu'à affirmer que, le Guide suprême étant désigné par Allah, son recours à la violence était légitime.

Pourtant, loin de renforcer l'autorité religieuse du régime, la théorie de la violence légitime selon l'ayatollah Yazdi l'a littéralement sapée. Elle était par ailleurs en violation d'un autre des grands fondements de la légitimité du régime, la Constitution, qui affirme en effet sans ambiguïté possible que le Guide suprême, le président et le Parlement doivent tirer leur autorité du vote populaire, et non d'Allah.

Ce que le velayat-e faqih remettait en cause dès le départ. Par ailleurs, le régime avait déjà perdu deux des trois piliers de son pouvoir, piliers qui, dans l'histoire iranienne, avaient rendu le despotisme possible : la monarchie, la domination économique du souk dans les villes et des gros propriétaires terriens à la campagne, et le clergé. De ces trois piliers ne reste que le clergé, et son pouvoir est désormais précaire. Il avait donc cherché à se renforcer grâce à un quatrième instrument du despotisme à l'iranienne : l'exploitation de la menace représentée par des puissances étrangères pour justifier d'incessants accords secrets et crises ouvertes avec d'autres Etats, à commencer par les Etats-Unis.

La présidence de George W. Bush fut donc une époque bénie pour le régime iranien, car la menace constante d'actions militaires et de sanctions économiques renforçait son emprise sur la population.

Or la ligne de conduite de Barack Obama avec l'Iran, non conflictuelle, place le régime dans une position délicate. Ce dernier ne peut plus se poser en défenseur de l'indépendance souveraine contre les intrusions étrangères. Au contraire, même, de nouveaux slogans populaires tels que "Mort à la Russie " montrent que les Iraniens sont en désaccord avec la politique étrangère de leur gouvernement. Là aussi, le régime de Téhéran a perdu sa légitimité.

Enfin, le premier et principal soutien du régime, le clergé, a cédé la place à une mafia militaro-financière. Les "gardiens de la révolution" ont noyauté tout l'Etat et estiment que l'unique mission du clergé n'est pas de diriger le pays, mais simplement de prêter leur légitimité à ceux qui s'en chargent.

Comme la monarchie qui l'a précédé, le pouvoir du régime actuel repose sur des fondements à la fois internes et externes, ce qui le rend vulnérable aux troubles populaires. Nous pouvons faire un parallèle entre l'élection de Jimmy Carter en 1976 et celle d'Obama en 2008. Les Iraniens voyaient dans l'élection de Carter une menace pour la principale source extérieure de pouvoir de la monarchie, à savoir le soutien des Etats-Unis au régime du chah. De même, si Obama abandonne bien les politiques va-t-en-guerre à l'égard de l'Iran et prive le régime du facteur "crise", le soulèvement de ces dernières semaines pourrait bien connaître le même destin que celui de 1979.

Il y a d'autres ressemblances. Ainsi, le chant populaire Le velayat-e faqih est mort rappelle des slogans qui résonnaient avant la révolution de 1979, et dénonçaient l'illégitimité du régime du chah. Et, comme en 1979, le soulèvement actuel est non violent.

Mais le mouvement de ces dernières semaines diffère aussi sur plusieurs points importants des troubles politiques qui ont conduit à la révolution islamique. Alors que les premières manifestations de mécontentement venaient, en 1979, de l'extérieur du régime, l'opposition d'aujourd'hui est partie du régime lui-même, avec le truquage des élections au détriment de Mir Hossein Moussavi.

Certes, des indicateurs forts montrent que le soulèvement s'est étendu au-delà du régime et est devenu profondément populaire. Mais il lui faudra encore du temps pour gagner le pays tout entier, du temps pour qu'il soit possible que "les fleurs l'emportent contre les balles" comme ce fut le cas en 1979.

La révolution de 1979 appartient à l'histoire, alors que ce soulèvement est en cours. Sur quoi peut-il déboucher ? L'avenir dépend notamment de l'issue d'un casse-tête politique créé par Khamenei lui-même. Le truquage des élections et la tentative de "coup d'Etat de velours" de Khamenei ont radicalisé les deux camps.

Pour les uns comme pour les autres, changer de position serait un suicide politique. Khamenei et Ahmadinejad ne peuvent pas reconnaître qu'ils ont truqué les élections, car ce serait anéantir ce qui leur reste de légitimité légale et politique. L'ancien président Ali Akbar Rafsandjani est aujourd'hui la cible d'attaques violentes de la part des partisans de Khamenei, tandis que Moussavi et Mehdi Karoubi, un autre candidat à la présidentielle, savent que, s'ils accèdent aux demandes de Khamenei, non seulement ils perdront le soutien de l'opinion, mais ils se trouveront aussi à la merci de ce régime impitoyable.

Plusieurs issues sont possibles. Historiquement, la tactique favorite du régime pour garder son emprise a consisté à diviser les élites iraniennes en deux groupes rivaux pour en éliminer un. Aujourd'hui que cette stratégie a cours au coeur même du régime, elle est devenue fatale. Les cadres du régime contestent Ahmadinejad, et la crise économique qui s'aggrave prive les autorités de ressources, alimentant encore le mécontentement des Iraniens. Ce contexte ouvre une brèche dans laquelle le peuple peut s'engouffrer pour décider de l'issue de la bataille.

Si les Iraniens cessent de résister, la situation se durcira davantage ; s'ils continuent, leur soulèvement deviendra une révolution à part entière. Dans ce dernier cas, l'établissement de la démocratie deviendrait vraiment possible. Tout dépend aujourd'hui de la détermination des Iraniens à aller au bout de ce soulèvement.

Par Abolhassan Bani Sadr


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L’Iran vise l’étranger pour mieux réprimer

"L'ambassade britannique, siège du commandement du coup d'Etat", titre le quotidien Iran qui publie un cliché de l'Iranien Hossein Rassam, principal analyste politique de l'ambassade de Grande-Bretagne, inculpé d'espionnage. (AFP Ali Rafiei)


Avec la comparution surprise de la jeune Française Clotilde Reiss et d’employés iraniens des ambassades française et britannique devant le tribunal révolutionnaire de Téhéran, samedi, la crise postélectorale en Iran a pris une tournure très internationale.

Clotilde Reiss, 24 ans, est apparue samedi matin en jean, tunique sombre et les cheveux recouverts d’un foulard aux motifs géométriques pour une «confession», qui a pris de court jusqu’à sa famille et l’ambassade de France à Téhéran, qui ne s’attendaient pas à un tel développement. La jeune lectrice de l’université d’Ispahan, arrêtée le 1er juillet, s’est livrée à des «aveux» dont tout laisse à penser qu’ils avaient été dictés lors de sa détention dans la prison d’Evin.

«J’ai écrit un rapport d’une page et l’ai remis au patron de l’Institut français de recherche en Iran (Ifri), qui dépend du service culturel de l’ambassade de France», a-t-elle répondu, en farsi, au juge qui lui demandait si elle avait écrit un rapport sur les manifestations contre la fraude ayant permis la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, le 12 juin, dès le premier tour de la présidentielle.

Elle a aussi «avoué» avoir «participé» aux manifestations des 15 et 17 juin à Ispahan. «Je voulais voir ce qui se passait […] mes amis et ma famille étaient inquiets, je leur envoyais des mails pour leur dire que les rassemblements étaient calmes.» La presse et les diplomates étrangers étant interdits d’assister au procès, toutes ces déclarations ont été rapportées par l’agence officielle Irna.

La jeune femme a aussi reconnu avoir rédigé par le passé, dans le cadre d’un stage au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) où travaille son père, un rapport sur «les politiques en Iran en lien avec l’énergie nucléaire», précisant toutefois qu’elle avait utilisé «des articles et des informations qu’on trouve sur Internet». L’étudiante de l’Institut d’études politiques de Lille a terminé sa «confession» devant le tribunal en demandant «pardon» et en espérant «être graciée».

Procès de Moscou. Cette confession, digne des procès de Moscou de sinistre mémoire, a été suivie de celle de Nazak Afshar (lire page suivante), employée franco-iranienne de l’ambassade de France, qui a expliqué que son employeur avait donné consigne d’accueillir les manifestants dans les locaux diplomatiques en cas de besoin.

Puis Hossein Rassam, employé local de l’ambassade britannique, est venu expliquer que ses supérieurs avaient demandé à leurs employés iraniens de participer aux «émeutes». Rassam n’est pas n’importe qui : c’est un des meilleurs analystes politiques de la chancellerie britannique. Le procureur, Abdolreza Mohabati, a assuré que les accusés avaient «élaboré un plan, pour le compte de l’opposition et de pays étrangers, pour renverser le régime».

Cette parodie de procès a suscité un tollé dans les chancelleries concernées, ainsi qu’au niveau de l’Union européenne. Le père de Clotilde Reiss s’est insurgé contre ces accusations : «Ce n’est pas du tout un tempérament politique revendicatif. Bien sûr, elle est innocente, elle n’a rien à se reprocher.» Expliquant qu’elle lui avait dit être en bonne santé lors de son dernier entretien téléphonique, au début du mois, il a expliqué à l’agence Reuters avoir bon espoir «de voir une solution dans les semaines à venir». Au tribunal, la jeune fille a évoqué la «dureté» de sa vie en prison : tout en déclarant qu’il n’y avait pas eu de «mauvais comportement» à son égard, elle a mentionné la «pression psychologique».

D’autres signes témoignent du net durcissement du régime iranien, désireux de mettre fin à la contestation consécutive à la réélection d’Ahmadinejad. Téhéran a officiellement confirmé à Washington l’arrestation de trois jeunes auto-stoppeurs américains, capturés après avoir passé, apparemment par erreur, la frontière avec le Kurdistan irakien la semaine dernière.

Sur le plan intérieur, un haut responsable des pasdarans, la garde prétorienne du régime, a appelé à «juger et punir» Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, les deux candidats réformateurs à la présidentielle et fers de lance de la contestation. Yadwollah Javani, chef du bureau politique des pasdarans, a aussi nommément visé Mohammad Khatami, l’ex-président de la République, qui ne s’est pas privé de critiquer la répression.

Un autre haut gradé de l’armée, le général Massoud Jazayeri, a également demandé le jugement des «chefs du coup d’Etat», plaidant aussi pour «plus de contrôle sur les ambassades». L’arrestation de ces trois figures réformatrices ne manquerait pas de relancer les manifestations de rue et cette mesure ne fait pas encore l’unanimité dans les rangs conservateurs.

Binationaux
. Mais l’avertissement est on ne peut plus clair. Il vise, bien entendu, les leaders réformateurs qui continuent d’alimenter la contestation par leurs déclarations et leurs sites internet. Il vise aussi les binationaux, nombreux en Iran, et désormais tous potentiellement suspects d’espionnage. Il s’adresse enfin aux Iraniens de base, tentés de descendre dans la rue, et ainsi prévenus que la protection ou les protestations des chancelleries occidentales ne leur seront d’aucun secours. En mobilisant contre les étrangers, accusés d’entretenir la sédition, le pouvoir entend aussi faire vibrer la corde nationaliste dans l’opinion.

Tout en menaçant, les leaders du camp conservateur cherchent aussi à faire taire les dissensions dans leurs propres rangs. La parodie de procès des prétendus «émeutiers» de juin a choqué, les allégations de torture aussi. La mort en détention du fils d’un conseiller de Mohsen Rezaï, candidat malheureux à la présidentielle et ancien chef des pasdarans, a indigné jusque chez les pro-Ahmadinejad. Hier, le pouvoir a tenté maladroitement de se dédouaner en faisant expliquer par le chef de la police que les décès au centre de détention de Kahrizak, fermé fin juillet, étaient dus à… un virus. Il a aussi annoncé l’arrestation du directeur du centre et de trois policiers, pour enquête.



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dimanche 9 août 2009

Iran: les Gardiens de la révolution veulent «juger et punir» Moussavi

L'ancien président réformateur iranien Mohammad Khatami (G) au côté du leader de l'opposition Hossein Moussavi, le 31 juillet 2009 à Téhéran. (AFP Ali Mohammadi)

Le chef du bureau politique a dénoncé un complot et appelé à juger l'ancien président réformateur Mohammad Khatami, tous comme les deux candidats de l'opposition Moussavi et Karoubi.

Un haut responsable iranien a exigé dimanche que des poursuites soient engagées contre l'ancien président réformateur Mohammad Khatami et deux candidats à la présidentielle de juin, qui auraient, selon lui, tenté d'orchestrer "une révolution de velours" en Iran.

Yadwollah Javani, chef du bureau politique des Gardiens de la révolution, l'armée idéologique du régime, a appelé à "juger et punir" M. Khatami ainsi que Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, les chefs du mouvement de protestation contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, pour leur rôle dans les troubles.

Selon lui, un complot en vue de mener une "révolution de velours" contre la République islamique avait été fomenté après la présidentielle contestée du 12 juin, remportée par l'ultraconservateur Ahmadinejad.

"Quel est le rôle de Khatami, Moussavi et Karoubi dans ce coup d'Etat? S'ils en sont les instigateurs, et c'est le cas, les responsables de la justice et de la sécurité doivent les arrêter, les juger et les punir", déclare M. Javani dans un article publié dans Sobhe Sadegh, hebdomadaire du bureau politique des Gardiens de la révolution.

Un autre responsable, le général Massoud Jazayeri, adjoint du chef de l'état-major chargé des questions culturelles et de la propagande, a demandé de son côté que des mesures soient prises contre "les chefs du complot", sans citer de noms.

"Les citoyens, mais aussi les éléments vendus (aux étrangers, ndlr) et les instigateurs de ce complot, attendent de voir comment (le pouvoir) agira contre les chefs du coup d'Etat", a-t-il dit, cité par l'agence officielle Irna. "Le jugement des principaux instigateurs des troubles récents aura un rôle déterminant pour neutraliser les éventuels complots à l'avenir".

MM. Khatami, Moussavi (conservateur modéré) et Karoubi (réformateur) ont demandé l'annulation du scrutin présidentiel, en dénonçant des fraudes.

Mercredi, jour de l'investiture de M. Ahmadinejad pour un second mandat de quatre ans, M. Moussavi a affirmé que les arrestations de manifestants n'empêcheraient pas la poursuite de la contestation.

M. Jazayeri a aussi souhaité "davantage de contrôle sur les ambassades", au lendemain du procès de la jeune Française Clotilde Reiss et de deux employés locaux des ambassades britannique et française, qui seraient impliqués dans le mouvement de contestation, selon les médias iraniens.

La presse conservatrice a dénoncé le rôle présumé des pays étrangers dans ce mouvement qui a plongé l'Iran dans sa pire crise politique depuis la révolution islamique de 1979.

"Dans l'acte d'accusation, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne ont été désignés comme les soutiens (de la tentative de) renversement en douceur" du pouvoir, affirme le quotidien Tehran-e-emrouz.

La presse publie des photos de Clotilde Reiss qui a comparu samedi pour la première fois depuis son arrestation le 1er juillet, au côté d'une dizaine de personnes jugées pour leur rôle dans les protestations.

La jeune lectrice de français à l'Université d'Ispahan a dit, selon l'agence Irna, avoir rédigé un rapport sur des manifestations pour un institut dépendant de l'ambassade de France et demandé pardon lors du procès réservé à des journalistes iraniens.

"L'ambassade britannique, siège du commandement du coup d'Etat" contre le régime islamique, titrait le quotidien Iran. "Les diplomates britanniques ont participé à des rassemblements et affrontements", accuse le journal qui publie en Une un cliché de l'Iranien Hossein Rassam, principal analyste politique de l'ambassade de Grande-Bretagne, inculpé d'espionnage.

(AFP)



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samedi 8 août 2009

Jugée à Téhéran, Clotilde Reiss demande "pardon"

La Française Clotilde Reiss, sur le banc des accusés, le 8 août à Téhéran.

Samedi 8 août a commencé devant le Tribunal révolutionnaire de Téhéran le procès de l'universitaire française Clotilde Reiss, d'une employée iranienne du service culturel de l'ambassade de France, et de deux employés de l'ambassade de Grande-Bretagne.

Comme lors des précédents procès de manifestants contestant la réélection de Mahmoud Ahmadinejed, Clotilde Reiss s'est livrée à un mea culpa devant ses juges. Elle a reconnu que sa participation aux manifestations, "pour des raisons personnelles", était une "erreur", avant de demander "pardon" et d'implorer la grâce du tribunal, comme son avocat en a fait la demande. La jeune femme, âgée de 24 ans, risque jusqu'à cinq ans de prison.

L'Union européenne a aussitôt réagi, estimant que ce procès était est un acte contre l'ensemble de l'Union européenne et qu'il "sera traité en conséquence", selon la présidence suédoise de l'UE. Le ministre britannique des affaires étrangères David Miliband a lui parlé de "provocation". La France a également condamné le procès, exigeant la libération immédiate de Clotilde Reiss et de l'employée de l'ambassade.

UN RAPPORT D'UNE PAGE

La Française, accusée d'avoir "rassemblé des informations et encouragé les émeutiers" a également admis avoir remis un rapport à l'ambassade de France à Téhéran sur les manifestations à Ispahan, où elle a passé cinq mois comme lectrice à l'université. "J'ai écrit un rapport d'une page et je l'ai remis au patron de l'Institut français de recherche en Iran qui appartient au service culturel de l'ambassade de France", a-t-elle déclaré.

Interrogée sur un rapport qu'elle aurait préparé sur le programme nucléaire iranien il y a deux ans dans le cadre d'un stage au Commissariat français de l'énergie atomique, elle a affirmé que ce travail n'était pas technique : "J'ai rédigé un rapport sur les politiques en Iran en lien avec l'énergie nucléaire", a-t-elle reconnu, mais "j'ai utilisé des articles et des informations qu'on trouve sur internet et il n'y avait rien de secret."

AVEUX "FORCÉS"

Clotilde Reiss avait été arrêtée à l'aéroport de Téhéran le 1er juillet alors qu'elle rentrait en France. Paris et l'Union européenne ont exigé sa libération, estimant que les accusations étaient infondées. Elle est détenue depuis plus d'un mois à la prison d'Evin et l'ambassadeur de France n'a pu lui rendre visite qu'une fois. La jeune femme avait, selon le ministre français des affaires étrangères Bernard Kouchner, envoyé par internet des photos des manifestations. "Ces accusations d'espionnage sont hautement fantaisistes", avait dit Nicolas Sarkozy début juillet.

Le rôle de l'ambassade de France était également sur la selette lors de l'audition d'une autre accusée, Nazak Afshar, employée locale au service culturel. Cette dernière aurait avoué avoir reçu comme consigne de son employeur de donner asile si nécessaire à des manifestants. "Si des affrontements se déroulaient devant le service culturel et si une personne voulait se réfugier à l'intérieur de l'ambassade, nous devions lui donner refuge", a-t-elle déclaré. Son fils, qui se trouve à Paris, a immédiatement dénoncé des "aveux" forcés. Nazak Afshar "n'est pas une activiste, ce n'est pas du tout une personne politique", a-t-il ajouté.

"COMPLÈTEMENT INACCEPTABLE"

Depuis une semaine, une centaine de modérés ont commencé à être jugés à Téhéran, pour des faits passibles de cinq ans de prison ou de la peine de mort. La procédure a été dénoncée par l'ancien président Mohammad Khatami et par l'opposant Mirhossein Moussavi. Les audiences étaient interdites à tous les organes de presse hormis aux médias officiels.

Un autre employé d'une ambassade occidentale a pour sa part été inculpé pour espionnage par le même tribunal. Hossein Rassam, employé iranien de l'ambassade de Grande-Bretagne, est accusé d'avoir rédigé des rapports sur les manifestations pour le compte du gouvernement britannique. M. Rassam a reconnu samedi que l'ambassade avait donné pour consigne à ses employés locaux d'être présents lors des manifestations. Londres a qualifié ce procès de "complètement inacceptable".

L'élection du 12 juin dernier a plongé l'Iran dans sa plus grande crise politique depuis la Révolution islamique en 1979. Réélu dans le trouble, Madmoud Ahmadinejad a inauguré formellement mercredi son deuxième mandat de président de l'Iran. Les violences post-électorales ont fait au moins 20 morts et des centaines de personnes, hommes politiques, journalistes, avocats ou activistes, ont été détenus dans les prisons iraniennes, selon les associations de défense des droits de l'homme.



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Iran: Londres juge «complètement inacceptable» le procès d'un de ses employés

Le ministère britannique des Affaires Etrangères a protesté samedi contre la présence d'un employé de son ambassade à Téhéran au procès des personnes accusées d'avoir pris part aux manifestations contre Mahmoud Ahmadinejad.

Londres a jugé "complètement inacceptable" la présence d'un employé de son ambassade à Téhéran sur le banc des accusés au procès, samedi en Iran, d'une dizaine de personnes accusées d'avoir pris aux manifestations contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad.

"Nous pouvons confirmer qu'Hossein Rassam figure parmi les accusés au procès qui a commencé ce matin à Téhéran", a annoncé un porte-parole du ministère britannique des Affaires étrangères dans un communiqué.

"Ceci est complètement inacceptable et est en contradiction directe avec les assurances qui nous ont été plusieurs fois données par de hauts responsables iraniens", a ajouté ce porte-parole.

Selon l'agence iranienne Fars, Hossein Rassam a été accusé samedi d'espionnage au profit d'Etats étrangers.

Il faisait partie des neuf employés locaux de l'ambassade britannique à Téhéran qui avaient été placés en détention le 27 juin par les autorités iraniennes pour leur rôle présumé dans les violences post-électorales, avant d'être libérés.



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Ahmad Salamatian: "Les Iraniens aspirent à un islam du possible"

Ahmad Salamatian, proche de l'ancien président Bani Sadr et observateur privilégié de la République islamique, juge sévèrement la répression du récent mouvement de contestation en Iran.

Par Dominique Lagarde, Delphine Saubaber, publié le 06/08/2009

Après la fraude massive lors de l'élection du 12 juin, le monde a braqué des yeux ébahis sur l'Iran. Une bouffée de rébellion au coeur de la dictature, prenant pour symbole le visage ensanglanté de la jeune Neda... Puis le rideau est tombé. Que se passe-t-il depuis que le pouvoir a bâillonné les mécontents? De son exil en France, Ahmad Salamatian, ancien compagnon de route du premier président de la République islamique, Abolhassan Bani Sadr, qui fut destitué par l'ayatollah Khomeini dès 1981, remonte le fil d'une révolte annoncée. Observateur attentif ayant regagné son pays, ces dernières années, pour de brefs séjours, il adosse, voix douce et mots à la pointe sèche, les événements d'aujourd'hui à ceux d'hier. Non, la protestation n'est pas défaite. Elle a délégitimé le régime, pris à son propre piège, la contestation politique devenant nécessairement religieuse. Elle a révélé une aspiration profonde, visant à concilier islam et liberté.

Face à la force de la répression, le mouvement né au lendemain de l'élection du 12 juin est-il mort?

Les manifestants ont peut-être perdu la première manche, mais ce n'est que le début... Car il ne s'agit ni d'une révolution ni d'un mouvement insurrectionnel, mais bien d'une contestation civique, qui ne s'insère pas dans un rapport de forces et ne peut donc être combattue par les armes. La répression brutale l'a obligée à trouver d'autres formes d'action: elle ne l'a pas anéantie. Désormais, nous assistons à un affrontement à l'intérieur même du régime. La légitimité du pouvoir est en cause et la contestation est en train de s'installer, durablement, au coeur de la vie politique.

Depuis sa création, la République islamique reposait sur une double légitimité, à la fois populaire, à travers le suffrage universel, et religieuse. Cet équilibre est-il rompu?

Avant de vous répondre, un rapide retour historique s'impose. Après la révolution islamique de 1979, qui était une révolution de masse, le premier projet de la Constitution affirmait la primauté du suffrage universel. Mais les religieux ont réussi à imposer leur tutelle, profitant du vide laissé par le chah: la monarchie avait fait table rase de toutes les institutions représentatives de la société, sans permettre à de nouvelles structures, syndicales ou politiques, de prendre le relais. Le turban a donc remplacé la couronne.

Jusqu'à sa mort, en 1989, c'est d'abord l'ayatollah Khomeini qui a exercé cette tutelle religieuse, auréolé d'une légitimité incontestée. Son successeur annoncé était l'ayatollah Hossein Ali Montazeri. Mais, en 1988, celui-ci a été écarté pour avoir protesté contre les exécutions massives de prisonniers. Montazeri était l'un des théoriciens du velayat-e faqih, ou "gouvernement du docte" (NDLR, la tutelle du juriste théologien), qui est le fondement de la théocratie iranienne. Les autres grandes figures religieuses n'étaient pas sur cette ligne.

Privé de son dauphin, le régime n'avait donc pas de Guide vraiment crédible sur le plan religieux pour succéder à Khomeini. Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, à l'époque président du Parlement, dont l'influence était grande, a convaincu l'Assemblée des experts de désigner Ali Khamenei, un hodjatoleslam - l'équivalent d'un curé de paroisse.

Et la nomination de Khamenei a mis à nu la contradiction inhérente au système...

En greffant la souveraineté divine sur la souveraineté populaire, les "constituants" de 1980 avaient déjà créé une chimère. Avec Khamenei, le rôle du Guide a, en effet, changé: il a, peu à peu, délaissé la primauté du terrain religieux, pour laquelle il se savait contesté, afin de se consacrer au commandement des forces armées et des services de sécurité, dont il est devenu le vrai patron. Sous le turban, le képi...

Un coup d'Etat rampant, en somme?

Oui. Mais Khamenei, le Guide suprême de la révolution, n'avait pas, pour autant, les moyens d'empêcher la tenue des nombreuses consultations électorales prévues par la Constitution ou par la loi. Il s'est rapidement demandé comment il pouvait, à défaut de les supprimer, contrôler ces élections et les transformer en plébiscites.

S'il n'y est pas parvenu tout de suite, c'est qu'il y a, en Iran, au sommet du pouvoir, une certaine forme de pluralisme, avec des factions et des clans appuyés sur des réseaux. Il n'a donc pas pu empêcher, en 1997, l'élection du candidat réformateur, Mohammad Khatami. Mais il était bien décidé à faire en sorte que la situation ne se reproduise pas.

En 2005, il a réussi à faire élire son poulain, le très populiste Mahmoud Ahmadinejad, grâce aussi à la division du camp réformateur. Après quatre ans, le bilan d'Ahmadinejad s'est révélé catastrophique. Khamenei n'en a pas moins décidé qu'il devait rempiler pour un deuxième mandat, en dépit des mises en garde répétées de plusieurs de ses conseillers.

Quitte à passer en force?

Oui. Khamenei voulait mettre un terme au pluralisme des factions au sommet de l'Etat, débarquer, cette fois définitivement, Rafsandjani, barrer durablement la route au clan réformateur et parachever l'édification d'un pouvoir personnel assis sur l'appareil sécuritaire. Cela passait par la victoire d'Ahmadinejad... Khamenei a fait en sorte que celui-ci n'ait aucun rival issu de son propre camp.

Le Conseil des gardiens de la Constitution, dont la majorité des membres est désignée par le Guide et qui est chargé de sélectionner les candidats, n'en a avalisé que 4 sur 475. Khatami a renoncé à se présenter, après avoir subi de fortes pressions. Et si, sur quatre candidats sélectionnés, deux réformateurs ont finalement été autorisés à concourir, c'est parce qu'on espérait, comme en 2005, que la division du camp adverse jouerait en faveur d'Ahmadinejad.

Pourquoi avoir laissé se dérouler une campagne aussi animée, avec des débats télévisés qui ont passionné les Iraniens et les ont incités à se mobiliser?

Les organisateurs espéraient que ces débats mettraient en évidence les divisions des réformateurs. Or Ahmadinejad a, d'emblée, affirmé que c'était Rafsandjani qui se cachait derrière la candidature de Mir Hossein Moussavi, attaquant en termes très vifs l'ancien chef de l'Etat. A leur tour, les réformateurs l'ont traité de menteur...

Ce grand déballage a passionné les électeurs, qui ont massivement participé au vote, laissant présager qu'il y aurait non seulement un deuxième tour, mais que celui-ci se jouerait sans Ahmadinejad, entre les deux candidats réformateurs. C'est cette perspective qui a précipité le sommet vers le coup de force.

Lequel a enflammé la rue... Comment analysez-vous cette réaction de la société?

Le dérapage de la campagne a débouché sur une crise systémique, qui repose d'abord sur une revendication civique. Ce qui est en cause, c'est le droit de vote et la sincérité du vote. Et cette question pose forcément, aussi, celle de la légitimité religieuse du pouvoir, parce que celle-ci implique le respect d'une éthique. Un pouvoir qui ment est immoral: il n'est donc plus légitime sur le plan religieux.

C'est pour cela que plusieurs grands ayatollahs, de tendances politiques différentes, ont pris position contre le coup de force de Khamenei. L'ayatollah Montazeri, qui reste l'autorité religieuse la plus prestigieuse en Iran, estime ainsi qu'un pouvoir ne respectant pas le suffrage universel n'est pas un pouvoir islamique. En clair, ce théoricien de la théocratie considère que Khamenei ne peut plus prétendre à la légitimité religieuse. Et son argumentaire, religieux, rejoint celui des manifestants qui, eux, s'appuient sur des valeurs séculières et modernes.

Comment la République islamique a-t-elle pu générer une jeunesse aussi désireuse de démocratie et de modernité?

La transition démographique, très rapide en Iran, a bouleversé la société. Dans les dix années qui ont précédé la chute du chah, plus de la moitié de la population rurale a quitté les campagnes. Aujourd'hui, plus de 66 % des Iraniens vivent en ville. Cette urbanisation à marche forcée s'est accompagnée, au cours des quarante dernières années, d'un effort d'alphabétisation et d'éducation sans équivalent dans le monde musulman.

Il n'y a plus de ville moyenne qui n'ait son université ; le nombre de diplômés ne cesse de croître. L'âge moyen du mariage est passé de 13 ans, du temps du chah, à 27 ans, et la croissance démographique a chuté (3,5% par an avant la révolution, pour 1,6% aujourd'hui). Le rôle des femmes a aussi évolué en profondeur. Elles ont investi la culture, le cinéma...

En l'espace d'une génération, la société a totalement changé. Assoiffée de modernité, elle est, pour la première fois dans l'histoire de l'Iran, en avance sur le système politique. Elle souffre de ses anachronismes, sans avoir encore réussi à se doter d'instances représentatives.

La société iranienne est donc nourrie d'aspirations séculières?

Elle exprime sa souffrance à travers une contestation qui est, à mes yeux, post-islamiste. La société iranienne demeure, sur le plan de ses émotions comme sur celui de sa mémoire collective, une société musulmane. Mais si l'islam fait partie de son identité, elle ne croit plus, contrairement aux sociétés arabo-musulmanes, à l'idéologisation de la religion comme instrument de pouvoir.
Au début du siècle dernier, en Iran, comme dans d'autres pays musulmans, le combat pour les libertés publiques était l'apanage d'une élite intellectuelle. Aujourd'hui, en Iran, ce n'est plus le cas. De ce point de vue, le pays ressemble moins aux pays arabes qu'aux anciennes démocraties populaires d'Europe de l'Est. Et n'oublions pas que ce n'est pas Gorbatchev qui a été le fossoyeur de l'URSS, mais son prédécesseur, Andropov...

La victoire de Barack Obama a-t-elle eu un impact sur le mouvement iranien?

Si George W. Bush était encore au pouvoir, les Iraniens ne seraient pas descendus aussi massivement dans la rue. Avec l'élection d'Obama, le monde extérieur est devenu moins menaçant et agressif aux yeux des Iraniens. Du coup, ils se sont sentis plus libres de livrer ce combat à l'intérieur.

Quels sont les aspirations et les moyens d'action de cette société civile?

Les Iraniens aspirent à un islam du possible, compatible avec leur désir de modernité. Près de deux mois après les élections, ils restent fermes sur leur position. Récemment, les autorités faisaient courir le bruit que tel journaliste emprisonné allait bientôt réapparaître à la télévision, avouant s'être laissé entraîner par des étrangers. Or des membres de sa famille qui lui ont rendu visite en prison l'ont trouvé plus déterminé que jamais...

Cette classe moyenne qui a manifesté n'a pas le culte de la mort, mais celui de la vie, et sa revendication s'inscrit dans la durée. C'est pour cela qu'il s'agit d'une crise majeure pour le régime. Le pouvoir aurait intérêt à ce que le mouvement devienne insurrectionnel, car, militarisé, le rapport des forces basculerait en sa faveur.

En Pologne, au temps de Solidarnosc, Adam Michnik avait coutume de dire que la réussite du syndicat polonais dans son combat contre le régime communiste dépendrait de sa capacité à s'autolimiter, pour ne pas rompre le consensus qu'il avait fait naître au sein de la société. Il avait raison.

Même si cela doit durer des années, il ne faut surtout pas que ce mouvement politique dérape, car il serait perdu. Il faut espérer, aussi, qu'aucune puissance extérieure ne soit tentée de militariser le problème iranien. Ce serait la meilleure façon d'encourager le despotisme.



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