jeudi 23 octobre 2008

Le Qatar, joker diplomatique de Nicolas Sarkozy

Libération des infirmières bulgares détenues en Libye, crise libanaise, relations avec la Syrie : depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en mai 2007, le Qatar fait figure de joker diplomatique du président français.

La France et le Qatar, dont les armées sont dotées à 80% de matériel français, entretiennent depuis longtemps des relations étroites et sont liés depuis 1994 par un accord de défense.

Un choix stratégique pour cet émirat soucieux de ne pas mettre tous ses oeufs dans le panier américain et coincé entre Irak, Iran (avec lequel il partage un gisement gazier colossal) et Arabie Saoudite (avec laquelle il partage l'islam wahabite).

"Ce qui est nouveau, c'est la volonté du Qatar de jouer un rôle politique et diplomatique en s'appuyant sur sa puissance financière", explique un diplomate français.

Nicolas Sarkozy a trouvé dans les dirigeants qataris, avec lesquels il avait noué des relations dès avant son élection, des partenaires pour sa "diplomatie de la réconciliation", désireux, comme lui, de "parler à tout le monde".

Le Qatar héberge à la fois la principale base américaine de la région, Al-Oudeïd, et la télévision al-Djazira, qui a maintes fois été utilisé comme un relais médiatique par la nébuleuse islamiste Al-Qaïda et son chef Oussama Ben Laden.

Cet Etat de moins de 12.000 km² et d'à peine plus d'un million d'habitants, dont un cinquième de Qataris, est le premier producteur mondial de gaz naturel liquéfié (31 millions de tonnes en 2007) et possède près de 16% des réserves mondiales de gaz naturel, au troisième rang après la Russie et l'Iran.

Il produit aussi plus de 800.000 barils de pétrole par jour, puisés dans des réserves estimées à 15 milliards de barils.

De quoi "fluidifier" les situations diplomatiques les plus rugueuses. Mais réduire la politique étrangère qatarie à une diplomatie du chéquier serait réducteur, fait-on valoir à Paris.

UN RÔLE "PUREMENT HUMANITAIRE" EN LIBYE?


En juillet 2007, un appel téléphonique de l'émir du Qatar, cheikh Hamad bin Khalifa al-Thani, au numéro un libyen Mouammar Kadhafi permet de débloquer les tractations franco-libyennes sur la libération de cinq infirmières bulgares et d'un médecin palestinien, accusés par la Libye d'avoir inoculé le virus du sida à plusieurs centaines d'enfants.

La thèse selon laquelle l'émirat a accepté de prendre en charge les 460 millions de dollars d'indemnités demandées par la Libye pour les familles des enfants contaminés court alors.

Les diplomates familiers de ce dossier estiment aujourd'hui qu'il s'agissait seulement d'aider Mouammar Kadhafi à sauver la face et doutent que ce montant ait jamais été versé. "La Libye n'a pas besoin de 460 millions de dollars", souligne l'un d'eux.

"La Libye a accepté que le Qatar intervienne pour faciliter un accord mais notre rôle a été purement humanitaire", dit pour sa part l'ambassadeur du Qatar à Paris, Mohammed al Kuwari.

L'intervention du Qatar a également été déterminante dans la conclusion d'un accord interlibanais - l'accord de Doha - en mai, pour débloquer l'élection du président Michel Souleïmane.

De même, les dirigeants qataris ont encouragé Nicolas Sarkozy à renouer en 2007 le dialogue avec le président syrien Bachar al Assad, rompu par le président Jacques Chirac.

"La Syrie est un pays important pour la région. On ne peut pas l'isoler", explique Mohammed al Kuwari. "Nous avons dit aux Français: 'c'est le moment de parler aux Syriens'. Au début, ils étaient un peu hésitants."

L'émir du Qatar participe à la conférence de presse Sarkozy-Assad-Souleïmane, le 12 juillet à Paris, puis au lancement de l'Union pour la Méditerranée, le 13 juillet.

Lors de la visite de Nicolas Sarkozy à Damas, en septembre, il participe au sommet à quatre organisé par Bachar al Assad avec le Premier ministre turc, Tayyip Erdogan.

DARFOUR

C'est alors par le truchement du dirigeant du Qatar que Nicolas Sarkozy fait transmettre au mouvement islamiste palestinien Hamas un message du père du soldat franco-israélien Gilad Shalit à son fils, détenu dans la bande de Gaza.

La France compte aussi sur Doha pour convaincre Bachar al Assad d'améliorer la situation des droits de l'homme dans son pays et de libérer des prisonniers politiques. "L'émir du Qatar aura un rôle à jouer", confie l'entourage de Nicolas Sarkozy, en marge de la visite du président français à Damas.

Les messages destinés aux dirigeants politiques arabes ont parfois plus de chances de passer quand ils sont transmis par des pays frères, fait valoir l'Elysée.

Paris compte également sur Doha, parmi d'autres canaux, pour faire passer des messages à l'Iran, en conflit avec les pays occidentaux sur son programme nucléaire.

Cette coopération entre les deux pays dépasse aujourd'hui les frontières du Moyen-Orient.

Le Qatar s'efforce ainsi de promouvoir des négociations de paix entre les rebelles du Darfour et les dirigeants soudanais, dans un conflit qui mobilise également la diplomatie française.

Le président français a dépêché en septembre un de ses conseillers auprès des dirigeants qataris pour s'informer de leurs intentions et apporter un appui à leur démarche.

Selon des diplomates français, le Qatar serait prêt à mettre dans la balance 500 millions de dollars pour la reconstruction et le développement de cette province soudanaise.

Edité par Yves Clarisse

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