mercredi 10 décembre 2008

Le pouvoir iranien divisé par l'ouverture américaine

Un mois après l'élection de Barack Obama, l'espoir d'une normalisation des relations entre l'Iran et les États-Unis semble retombé. «Traditionnellement, il y a une grande différence entre les promesses électorales et la politique de celui qui occupe la Maison-Blanche», déclare au Figaro Manouchehr Mottaki, le ministre des Affaires étrangères iranien.

Pendant la campagne présidentielle, le candidat démocrate s'était dit prêt à ouvrir un dialogue «sans préconditions» avec l'Iran, pays avec lequel Washington n'a plus de relations diplomatiques depuis l'avènement de la République islamique en 1979. Mais sitôt élu, Obama a douché ces espoirs, en affirmant que l'enrichissement d'uranium par l'Iran était «inacceptable». Téhéran est soupçonné par les États-Unis et l'Union européenne de poursuivre des activités nucléaires à des fins militaires et, à ce titre, est frappé par un régime de sanctions internationales.

Les relations avec le «Grand Satan» constituent l'un des sujets de contentieux les plus profonds entre les multiples centres du pouvoir. Comment répondre au geste que les États-Unis devraient faire après le 20 janvier, date de l'investiture du président Obama ?

Optimistes, ultras et réalistes

Autour de ce dilemme, trois écoles de pensée s'affrontent, selon un expert du système iranien. «Les optimistes estiment qu'il faut saisir cette occasion en or, maintenant que Bush est parti. Les ultraradicaux, au contraire, pensent que, quel que soit leur président, les États-Unis ne reconnaîtront jamais la République islamique. Le président Ahmadinejad n'est pas loin de cette thèse, même si, pour des raisons électorales, il aimerait que Washington fasse des gestes envers l'Iran avant la présidentielle de juin 2009. Ainsi pourrait-il dire à son peuple : regardez, ma fermeté a payé. Et enfin, il y a les réalistes pour qui tout dépendra de l'offre américaine.» Le guide de la révolution et réel détenteur du pouvoir, Ali Khamenei, partagerait cette dernière position.

«Si les Américains reconnaissent le rôle stabilisateur de l'Iran en Irak et en Afghanistan, et se déclarent prêts à réduire les sanctions américaines contre nous, alors le Guide pourrait donner son feu vert au processus de normalisation», ajoute un de ses récents visiteurs. Mais ce dont Ali Khamenei ne veut pas, selon cette source, c'est d'«une approche sélective» des différends qui opposent Téhéran aux Américains. «Les Iraniens veulent tout mettre sur la table», estime Saddegh Kharrazi.

Or, à court terme, un premier geste pourrait être l'ouverture à Téhéran d'une section d'intérêts américains. L'Iran redoute le piège. «Voir des centaines d'Iraniens faire la queue pour obtenir un visa américain, en termes d'image, c'est une catastrophe que le régime ne peut accepter», reconnaît un officiel sous le couvert de l'anonymat. Dans ces conditions, à court terme, de réelles avancées sont peu probables. D'autant que Washington pourrait être tenté d'attendre l'élection du prochain président iranien, en prenant le risque de voir Ahmadinejad réélu…

Entre Américains et Iraniens, les contentieux sont lourds. L'Iran réclame, entre autres, le dégel de ses avoirs aux États-Unis, un compromis sur l'Irak, tout en s'opposant à un dialogue entre Washington et les talibans en Afghanistan. Et puis il y a le nucléaire, priorité de la communauté internationale. Grâce à la bombe, Téhéran veut sanctuariser son régime. La première de ses exigences sera que les États-Unis s'engagent à ne pas renverser la République islamique. Washington est-il prêt à lâcher cet atout d'entrée de jeu ?

«Messages positifs»

L'histoire récente a montré qu'Américains et Iraniens savaient coopérer lorsque leurs intérêts convergeaient, comme en Afghanistan, après la chute des talibans en 2001.

Les contacts officiels n'ont jamais été totalement rompus. Un proche du Guide révèle au Figaro avoir été «approché» par plusieurs responsables américains «avant et après» l'élection d'Obama. Parmi ceux-ci, le vice-président, Joe Biden, John Kerry et Anthony Lakes, l'ancien patron du Conseil national de sécurité. «Ces messages positifs ont été transmis au Guide», assure ce proche d'Ali Khamenei. Mais au final, le régime des mollahs peut-il survivre à une normalisation avec son ennemi ? «Si la société en rêve, le régime, lui, redoute d'être emporté avec cette ouverture», conclut un diplomate.


Lisez ici l'article de Delphine Minoui sur le blog du Figaro

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