mercredi 7 janvier 2009

L'indignation suscitée en Iran par les événements de Gaza renforce le président Ahmadinejad

Cette semaine, les imposantes cérémonies chiites de l'Achoura ont pris un tour nouveau à Téhéran. Les pénitents qui commémorent en se frappant la poitrine la mort de l'Imam Hussein, tué à la bataille de Kerbala, en l'an 61 de l'Hégire, semblent lui avoir associé les événements sanglants de la bande de Gaza. Le martyre d'Hussein est aussi celui des "frères de Gaza" proclame plus d'un intervenant.

Dans un pays qui ne reconnaît pas Israël, mais accorde un large soutien financier au Hamas, les autorités ont pris dès le début de l'offensive israélienne une position en pointe. A la tribune du Majlis, le président du Parlement, Ali Larijani, a prophétisé que la bande de Gaza deviendra le "cimetière" des Israéliens.

Peu après, le Guide suprême, l'ayatollah Khamenei appelait les musulmans à aider Gaza décrétant que ceux qui donneraient leur vie à cette cause "seraient considérés comme des martyrs". Le ministère des affaires étrangères a proposé d'installer un hôpital en Egypte pour soigner les blessés. Un appel au boycottage des firmes qui ont des liens "sionistes" a été également lancé.

Enfin, pour faire bonne mesure la presse iranienne a fustigé la "trahison" et la "passivité" de certains dirigeants arabes. Le Jombhoui Eslami (conservateur) demandant même de "résister face au mouvement anti-islamiste et de commencer la bataille du sang contre l'épée".

"Gaza-Kerbala : c'est un effet miroir, nous a expliqué au téléphone depuis Téhéran Ahmad Mehram, professeur en sciences sociales. L'émotion indignée de la rue devant les images en boucle à la télévision des morts palestiniens jointe à l'effervescence du deuil de l'Achoura a créé un climat tel que tous ceux qui critiquaient les diatribes outrancières du président Ahmadinejad sur l'urgence de détruire Israël, estimant qu'elles donnaient une image désastreuse du pays, sont obligés de se taire."

DES JEUNES "PRÊTS À MOURIR"

Dans les faits, au-delà des déclarations enflammées, l'Iran laisse évoluer la situation en évitant soigneusement tout aventurisme. Les 70 000 jeunes qui, selon la presse officielle, se disent "prêts à aller mourir à Gaza" n'ont pas reçu le feu vert des autorités. Quant au chef des Gardiens de la révolution, l'armée idéologique du régime, le général Mohammad Ali Jafari, interrogé sur quelle aide militaire l'Iran pourrait apporter au Hamas, il s'est contenté de répondre : "La résistance des habitants de Gaza et le profil de la guerre ne rendent pas nécessaire l'aide militaire d'autres pays. Ils ont les armes requises."

Indéniablement, du moins à ce stade, l'offensive d'Israël vient à point pour le président iranien, malmené ces derniers temps par les critiques.

Les élections législatives du printemps ont montré que les "ultras" sur lesquels il s'appuie ont perdu du terrain au Parlement, dominé par un rival potentiel pour l'élection présidentielle de juin, Ali Larijani, ancien négociateur en chef du dossier nucléaire.

M. Ahmadinejad, qui est aussi critiqué dans le clan conservateur pour sa mauvaise gestion de l'économie - l'inflation flirte avec les 30 % - n'a d'ailleurs pas encore indiqué s'il briguerait un nouveau mandat. Selon certains analystes, le Guide suprême hésiterait encore sur le choix du candidat conservateur à soutenir.

Si les événements de Gaza ont donné un répit au gouvernement iranien, ils lui ont aussi permis, dénoncent les réformateurs qui espèrent que l'ex-président Mohammad Khatami se présentera à la présidentielle, de faire pression sur ses adversaires.

Ainsi, un important journal proche des réformateurs, Kargozaran, a été fermé le 31 décembre. Officiellement pour avoir publié un article "critiquant les militants palestiniens à Gaza" et "justifiant les crimes contre l'humanité du régime sioniste".

C'est aussi sur l'accusation de "soutien aux sionistes", en dépit de ses communiqués dénonçant le sort des Palestiniens, que le Prix Nobel de la paix 2003, Shirin Ebadi, a vu sa maison attaquée à Téhéran il y a quelques jours, après que l'association des juristes en faveur des droits de l'homme qu'elle anime a été fermée.

Marie-Claude Decamps


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