dimanche 20 septembre 2009

Des nuances entre Paris et Washington à propos de l'Iran

Que se sont dit Nicolas Sarkozy et Barack Obama, mardi 15 septembre, par téléphone, à propos du nucléaire iranien ? Le laconique communiqué de l'Elysée, suivi d'aucun complément d'information pour les médias, faute d'un porte-parole permanent, n'a guère permis de le clarifier. On ne sut pas, par exemple, si les deux présidents avaient constaté une pleine convergence de vues sur la façon de traiter ce dossier de prolifération, au moment où une rencontre multilatérale est annoncée pour le 1er octobre avec un représentant iranien.

Dans le langage public, en tout cas, depuis l'été, le décalage est manifeste entre le vocabulaire employé par Nicolas Sarkozy à propos de la République islamique, et celui de Barack Obama. Face à la répression politique en Iran, le président français a été, dès le mois de juin, plus rapide et plus loquace dans ses condamnations que l'occupant de la Maison Blanche.

N'hésitant pas à verser dans le thème du "changement de régime", M. Sarkozy a déclaré à plusieurs reprises que le peuple iranien "méritait mieux" que ses dirigeants actuels. M. Obama, tout en condamnant les violences, n'a pas franchi ce pas, comme pour éviter de fermer la porte à un dialogue marqué par un "respect mutuel", l'expression utilisée au début de sa politique de la main tendue.

M. Sarkozy a aussi exprimé tout haut, à différentes occasions, sa conviction que le programme nucléaire iranien est de nature militaire. "C'est une certitude pour tous nos services secrets", a-t-il commenté cette semaine. Barack Obama a, lui, évité d'exprimer publiquement cette idée. C'est au représentant américain auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qu'est revenue la tâche de dire que l'Iran était désormais en mesure de basculer dans une capacité nucléaire militaire s'il le souhaite.

UNE DEMANDE D'ÉCHÉANCIER

A Paris, la politique de Barack Obama sur l'Iran est officiellement applaudie, mais en coulisses elle suscite des interrogations. Cela n'est pas nouveau. En juillet 2008, alors qu'il effectuait une tournée en Europe dans le cadre de sa campagne électorale, Barack Obama avait été incité par Nicolas Sarkozy à préciser que la pression ne se relâcherait pas pour autant sur l'Iran, du fait du changement de président américain. Au printemps 2009, après la série de messages adressés par M. Obama à l'Iran, la diplomatie française, ainsi que l'a fait Israël, a insisté pour qu'un délai plus précis soit fixé à l'Iran.

C'est ainsi qu'au sommet du G8 en Italie, en juillet, l'échéance auparavant donnée à Téhéran pour répondre à l'offre des grandes puissances (jusqu'à la fin de l'année) a été raccourcie, par une déclaration de M. Obama en conférence de presse : pour jauger des intentions iraniennes, il était désormais question de fin septembre, date de l'Assemblée générale de l'ONU.

Depuis que l'Iran a remis, le 9 septembre, sa réponse - un texte d'une grande confusion passant sous silence le programme nucléaire -, la diplomatie française a été aux aguets. Les déclarations du Quai d'Orsay ont aussitôt minimisé les chances de percée lors des discussions prévues le 1er octobre.

Le 2 septembre, au sein du groupe des six pays traitant depuis trois ans le dossier nucléaire iranien (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne), la France avait demandé qu'un échéancier précis soit fixé à l'Iran. Sans rallier ses partenaires. La réunion des Six avec l'Iran le 1er octobre a fait voler en éclat le délai de la fin septembre, au grand regret des Français, mais sans que cela ne chagrine outre mesure les Américains.

La variété des commentaires officiels faits côté américain a aussi semblé déconcerter quelque peu les responsables français. C'était le cas notamment lorsque l'ambassadeur américain auprès de l'ONU, Susan Rice, a déclaré qu'"aucune date-butoir artificielle" ne serait imposée à Téhéran.

Depuis son élection en 2007, Nicolas Sarkozy a durci la position française face au programme nucléaire iranien, et il a cherché à entraîner (avec un certain succès) les autres pays européens vers une politique plus ferme de sanctions. Face aux incertitudes et hésitations qui semblent caractériser la ligne de Barack Obama sur ce dossier nucléaire, la diplomatie française se conçoit comme gardienne des "fondamentaux" du canevas diplomatique tel qu'il a été mis en place par les Européens dès 2003 (avant que les Etats-Unis le rejoignent en 2005-2006). L'essentiel étant l'exigence de la suspension de l'enrichissement d'uranium. Un point sur lequel l'administration Obama entretien le flou.

Natalie Nougayrède



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