vendredi 21 mars 2008

Le futur Majlis iranien sera dominé par des conservateurs divisés




Le second tour des élections législatives en Iran n'aura lieu que fin avril ou début mai. Mais l'attribution de la soixantaine de sièges qui reste à pourvoir ne devrait pas modifier la physionomie du futur Majlis (parlement), tel qu'il se présente d'ores et déjà, après les résultats du premier tour, le 14 mars[...]

Les conservateurs, toutes listes confondues, sont arrivés largement en tête, enlevant 139 sièges sur 290 (dont 19 sièges sur les 30 que compte la capitale, Téhéran). Une victoire quasi "programmée", puisque près de 2 000 candidats, en grande majorité des réformateurs, avaient été rayés des listes par le Conseil des gardiens, organisme chargé du contrôle des élections et composé de juristes et de religieux sous influence conservatrice.
Au final, dans ce premier tour des législatives, seuls une centaine de sièges ont fait l'objet d'une véritable compétition entre forces politiques. Les réformateurs, surtout ceux de la mouvance de l'ancien président Mohammad Khatami, ont emporté 34 sièges dès le premier tour. En outre, une quarantaine de candidats indépendants ont été élus.

Des chiffres qui auraient dû même être révisés à la hausse, selon certains stratèges réformateurs qui se plaignent "d'irrégularités" dans le comptage des voix à Téhéran. En Iran, un candidat doit recueillir 25 % des suffrages exprimés pour être élu au premier tour. Or à Téhéran, 170 000 bulletins nuls ou blancs n'auraient pas été pris en compte, permettant à 19 candidats conservateurs de passer la barre, au lieu de onze en appliquant strictement la loi.

Le futur Parlement, largement dominé par les conservateurs, sera-t-il pour autant aligné sur les positions ultraconservatrices du président Mahmoud Ahmadinejad ? Rien n'est moins sûr, estiment la plupart des analystes. Laminée mais toujours présente, la "minorité" réformatrice s'apprête à mener une dure opposition parlementaire à un an de l'élection présidentielle de 2009.

De plus, la grande coalition conservatrice des "défenseurs des principes" est loin d'être uniforme. La liste proche de M. Ahmadinejad ("La bonne odeur de servir"), qui en fait partie, n'a obtenu qu'environ 15 % des suffrages. Et le succès d'Ali Larijani, l'ex-négociateur du dossier nucléaire élu triomphalement à Qom, la ville sainte, dominée par un clergé chiite qui n'a jamais vraiment adoubé le "laïc" Ahmadinejad et ses amis Gardiens de la révolution, laisse présager de futures batailles à la présidentielle.

LE GUIDE SOUTIENT M. AHMADINEJAD

D'autant qu'il faudra aussi compter avec d'autres personnalités conservatrices comme le maire de Téhéran, Mohammad Bagher Qalibaf, ou l'ancien chef des Gardiens de la révolution, Mohsen Rezai. Tous deux sont, comme M. Larijani, plutôt critiques envers la politique économique inflationniste de M. Ahmadinejad et l'effet négatif de ses diatribes enflammées en politique étrangère. Ce qui pourrait les amener à conclure des alliances "tactiques" au coup par coup avec l'opposition réformatrice pour tenter de contrôler certaines dérives gouvernementales. "Si le gouvernement continue à appliquer ses choix controversés, alors la majorité du Parlement sera contre lui", a prévenu Amir Amiri, porte-parole d'un courant conservateur critique, selon l'agence ISNA.

M. Ahmadinejad n'aura sans doute pas les mains libres, mais il n'est pas pour autant sans ressource. En effet, sortant de façon inattendue de sa réserve et surtout de son rôle d'arbitre, le Guide suprême, l'ayatollah Khamenei, a pris directement parti pour lui dans cette élection, allant jusqu'à le féliciter publiquement pour sa "gestion exemplaire" du dossier nucléaire. "Le sort du président est désormais lié au bon vouloir du Guide, commentait par téléphone un député indépendant. Si la situation économique s'aggrave et le mécontentement aussi, le Guide s'en séparera et trouvera un autre fusible."

Marie-Claude Decamps (avec AFP)

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