dimanche 13 avril 2008

George W. Bush justifie le maintien de la présence militaire américaine en Irak par la menace iranienne




Dans une allocution prononcée à la Maison Blanche, jeudi 10 avril, le président George Bush a validé les "recommandations" présentées, mardi et mercredi, au Sénat et à la Chambre des représentants par l'ambassadeur américain à Bagdad, Ryan Crocker, et le commandant en chef des forces alliées en Irak, le général David Petraeus.

M. Bush a annoncé une diminution des troupes (de 158 000 hommes à 140 000) d'ici à la fin juillet et la réduction du service qu'y effectuent les soldats américains de quinze mois à un an. Et il a confirmé le gel, au 1er août, de tout retrait militaire supplémentaire.

Fixer un "calendrier" de retrait, a-t-il dit, mènerait les Etats-Unis à "perdre" la guerre, auquel cas Al-Qaida "criera victoire" et l'Iran "remplira le vacuum".

Reçu la veille par M. Bush, William Kristol, éditeur du magazine néoconservateur Weekly Standard, a raconté l'état d'esprit dans lequel il avait trouvé son interlocuteur : "Sommes-nous assez bons pour passer de 20 à 15 brigades en Irak ? Ma réponse est oui. Peut-on aller au-delà ? Non. Mais je ne vais pas le dire. Je vais dire que je suis d'accord avec David (le général Petraeus)", lui a expliqué le président.

Jeudi soir, la plupart des commentateurs jugeaient que celui-ci entend maintenir le niveau des troupes en Irak jusqu'à la fin de son mandat (février 2009), léguant la gestion d'un éventuel retrait à son successeur. Il a menacé d'opposer son veto à toute velléité du Congrès de réduire la rallonge financière qu'il lui a demandée pour maintenir la présence américaine en Irak.

Mais, plus que la bataille contre Al-Qaida, le président américain a insisté sur le rôle en Irak de l'Iran - l'autre "plus grande menace pour l'Amérique dans le nouveau siècle". Il venait de prendre connaissance d'un rapport du Mossad israélien soutenant que Téhéran aurait avancé dans son programme nucléaire militaire et amélioré la capacité de ses missiles.

COÛT CONTRE BÉNÉFICES

Téhéran, a dit M. Bush, peut faire "le bon choix", et Washington "favorisera les relations" avec l'Iran, ou bien "armer, entraîner et financer des milices qui terrorisent le peuple irakien". Auquel cas, l'Amérique "agira pour défendre ses intérêts". Une phrase qui a relancé les spéculations sur son éventuelle volonté d'attaquer l'Iran avant la fin de son mandat.

Plus généralement, l'insistance du président sur l'Iran a été perçue comme le motif premier désormais invoqué pour justifier la poursuite de l'occupation de l'Irak. Auparavant, MM. Crocker et Petraeus s'étaient montrés prudents vis-à-vis des formations chiites irakiennes soutenues par Téhéran. Concernant la plus importante, celle du chef radical Moqtada Al-Sadr, réfugié en Iran, le premier a déclaré : "Je ne le considérerais pas comme un ennemi." Et le second a proposé une approche "très, très sensible" à l'égard de ses partisans.

Enfin, rejetant tout argument financier visant à récuser le maintien des forces en Irak, M. Bush a rappelé que les dépenses militaires américaines restent éloignées de ce qu'elles étaient durant la guerre froide. Aura-t-il convaincu ? Elu républicain du Texas, Mac Thornberry a résumé le débat en ces termes : "C'est coût contre bénéfices."

Le coût de l'occupation de l'Irak - 12 milliards de dollars par mois - est-il supportable pour un pays qui s'enfonce dans la crise économique ? L'est-il politiquement ? L'armée se plaint de ne pas avoir les moyens de faire face aux autres dangers qui pourraient menacer le pays.

"S'il fallait désigner le lieu où la lutte contre Al-Qaida est prioritaire aujourd'hui, choisiriez-vous l'Irak, ou le Pakistan et l'Afghanistan ?" a demandé, mardi, le sénateur démocrate Joseph Biden à M. Crocker. Celui-ci a admis qu'il opterait pour l'Afghanistan. M. Biden lui a fait remarquer que Washington n'y avait dépensé en cinq ans que "l'équivalent de trois semaines de guerre en Irak".

L'opinion américaine a de plus en plus le sentiment que, financièrement, son pays ne peut plus se battre sur tous les fronts à la fois.

Sylvain Cypel


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