vendredi 4 juillet 2008

Iran : Velayati en faveur d’un compromis

La lettre d’Ali Akbar Velayati qui vient d’être publiée dans le quotidien Libération d’aujourd’hui mérite d’être lue avec attention.

D’abord, parce qu’en tant que conseiller du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, ses paroles sont celles qui se rapprochent le plus de la pensée du numéro un du régime iranien.

Ensuite, parce que son texte suit de quelques jours, une interview accordée au quotidien iranien pro-gouvernemental Jomhouri Eslami, - déjà révélatrice d’une volonté de « communiquer ».


Le contenu du texte est fort en sens. Face à l’intransigeance du Mahmoud Ahmadinejad, élu il y a trois ans, on peut y lire une volonté de rappeler qu’en République islamique, ce n’est pas le Président mais le guide suprême qui a le dernier mot. Ce dernier, rappelle Velayati, « n’intervient que dans des cas extrêmement importants », mais « s’il s’agit des questions stratégiques essentielles », c’est à lui que « la Constitution confère la décision de dernier ressort» et « c’est en fonction de ce principe qu’on peut prévoir le cours de la diplomatie» iranienne.

Quand il tient à rappeler que « durant toutes ces années, l’action du Guide suprême a été fondée sur la conviction que le maintien de la paix mondiale passait par la reconnaissance de la souveraineté des Etats et par le respect des frontières internationales », il se pose en rupture totale avec les discours belliqueux du Président Ahmadinejad. Dans cette lettre, il n’est ni question de « rayer Israël de la carte », ni de comparer le programme nucléaire à « une locomotive qui a perdu ses freins ».


« La technologie et la maîtrise du nucléaire civil iranien doivent être préservées dans l’avenir. Ils constituent un acquis pour les objectifs pacifiques de l’Iran et un héritage de la génération de la révolution. Cet impératif s’exprime dans la participation au Traité de non-prolifération nucléaire auquel l’Iran a adhéré et qui lui donne des droits en contrepartie de ses engagements. C’est ainsi qu’un compromis pourra être trouvé entre les préoccupations communes à l’Iran et aux autres Etats », précise Velayati, à propos du nucléaire.


Le moment choisi pour envoyer cette lettre à un grand quotidien français n’est pas anodin. Il suit de près la récente offre incitative des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie) et de l'Allemagne. Celle-ci s’accompagne d’une suggestion d’une période de pré négociation de six semaines, dite « freeze for freeze », pendant laquelle l’Iran ne serait pas contraint de suspendre l’enrichissement d’uranium.


Cette lettre coïncide également avec un renforcement des sanctions imposées par les Puissances mondiales, et suit de quelques jours la publication d’un nouvel article du journaliste américain d’investigation Seymour Hersh, faisant état de l’aval du Congrès américain aux demandes du gouvernement américain de financer une intensification des opérations secrètes contre l’Iran.


Il est intéressant de replacer, aussi, cette lettre dans le contexte interne de la République islamique à un an des prochaines présidentielles. On y sent une volonté de contourner Ahmadinejad, de le remettre à sa place, tandis que ses deux principaux adversaires, Ali Larijani, le chef du Parlement, et Ghalibaf, le maire de Téhéran ne ménagent pas, non plus, leurs mots à son encontre.

Manouchehr Mottaki, le Ministre iranien des affaires étrangères, vient également de se distinguer de la dialectique va-t-en guerre d’Ahmadinejad, quand il a laissé entendre, lors de sa visite à New York, qu’il était favorable à une reprise des vols Téhéran-New York, et que son pays réfléchissait au projet américain d’ouvrir un avant-poste diplomatique dans la capitale iranienne.


Reste, pourtant, à préciser qu’en dépit de ces différents signaux envoyés par Téhéran, aucune réponse officielle n’a encore été transmise à la dernière offre occidentale. « Nous avons lu les commentaires de Velayati ainsi que les autres interviews faites à la presse, y compris les déclarations de Mottaki à New York. Mais nous n’avons pas encore reçu de réponse officielle », nous confie Cristina Gallach, la porte-parole de Javier Solana, le diplomate en chef de l’Union Européenne. « Tous ces sons qui nous viennent sont des signes positifs, mais nous devons rester prudents, car rien ne s’est encore formellement concrétisé », ajoute-t-elle.


Que cherche l’Iran ? Sauver la face ? Faire preuve de bonne volonté ? Ou tout simplement gagner du temps ? Certains observateurs y voient même une volonté de Téhéran de préparer le terrain pour l’annonce d’une contre-offre faites par les autorités iraniennes, qui leur permettrait de se positionner en « victime » en cas de rejet américain.


Habitués des retournements de situation de dernière minute, de nombreux diplomates occidentaux en poste à Téhéran privilégient pour l’instant la prudence. « Nous ne nous faisons pas d’illusions », confie l’un d’entre eux.


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