mercredi 3 septembre 2008

Deux «K» à part

Mostra de Venise. La 65e édition sort les monstres sacrés : Kiarostami et Kitano.
Après une ouverture décontractée (et accueillie avec décontraction) avec Burn After Reading des frères Cohen, la Mostra a balancé dès les premiers jours deux poids lourds : Kiarostami et Kitano. L’un ne doutant de rien, l’autre doutant de tout. Etre un artiste contemporain est en passe de devenir le grave problème de Kiarostami. A l’époque de Et la vie continue, il suffisait à l’Iranien de filmer une voiture dans une montagne pour tenir tête aux meilleurs artistes land art. La critique lui ayant répété (à raison) qu’il était un maître, Abbas signe depuis des plans qui visent l’art. Ten mis à part, qui était tout en radicalité, il a passé ces six dernières années à s’éparpiller entre vidéos loupées, photos plates, expos prétextes et mise en scène de pièces du répertoire traditionnel iranien. Shirin est le contrechamp d’une de ces pièces. La caméra est dans la salle, et dans la salle seulement, examinant en gros plan un public féminin composé de 114 actrices iraniennes et d’une star française, Juliette Binoche (Kiarostami tournera avec elle en 2009). On ne verra que ça, des visages. Qui rient quand il faut rire, qui pleurent quand il faut pleurer. Tout est prévisible, démonstratif.

Kitano, c’est autre chose : Achille et la Tortue vient clore une trilogie sur la création. Les deux premiers volets alliaient l’exercice d’autoflagellation réussi au grand n’importe quoi. Kitano avait promis de revenir à quelque chose de plus cadré. C’est fait, c’est beau, il ne va pas mieux pour autant. Débutant sur un manga racontant la parabole d’Achille qui talonne une tortue sans pouvoir jamais la rattraper, le film prend la tournure impeccable d’un film en costumes : l’histoire d’un enfant de 8 ans, fils de marchand d’art, dans le Japon agreste des années 50, qui ne sait que dessiner, doué comme pas permis. Mais la banqueroute familiale le pousse sur les routes. On le retrouve ouvrier et étudiant des beaux-arts, tout juste bon à courir après des mouvements déjà entrés dans l’histoire. Quand ses amis font de l’action painting, il imite les fauves, les cubistes. A 50 piges (et joué par Kitano), il devient fou pour n’avoir jamais su que singer.

L’imposture et l’imitation étaient déjà les grandes peurs de Gloire au cinéaste, le précédent Kitano, hanté par la perte d’inspiration. Pourtant elle est là, l’inspiration, dans cet équilibre entre tristesse, beauté, cruauté, moquerie, masochisme. Puis, quand on le voit barbouiller de rouge à lèvres le visage de sa fille sur son lit de morgue, on se dit qu’on est face à un des films sur la mort les plus bizarres qui soit. Kitano fait, par ailleurs, une apparition dans Monster X Strikes Back : Attack The G 8 Summit !, de Minoru Kawasaki, connerie bien foutue dans laquelle un Godzilla kitschissime attaque le sommet du G 8 alors que le président français, un certain Solkozi, n’y fait rien que draguer les traductrices nipponnes. Devant l’adversité, Super Solko saura-t-il défendre les valeurs tricolores ?


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