dimanche 26 octobre 2008

La chute du pétrole fragilise plusieurs pays producteurs

Avec un baril de pétrole qui se rapproche de 60 dollars, la période des vaches grasses s'achève pour les pays producteurs d'or noir. Surtout pour les Etats les plus peuplés, qui ont abondamment puisé dans les revenus pétroliers pour financer leur politique publique - parfois populiste - tout en équilibrant leur budget. Particulièrement sensibles à la baisse, l'Irak, l'Iran, le Nigeria, le Mexique ou le Venezuela vont connaître des lendemains qui déchantent si les cours se maintiennent à ce niveau.

Ces pays sont lourdement dépendants des hydrocarbures, qui peuvent assurer jusqu'à 90 % des recettes budgétaires ou d'exportation. Les Etats pétroliers ont engrangé près de 1 000 milliards de dollars en 2007 et les prix très élevés du brut au premier semestre leur assureront encore de confortables revenus en 2008. L'année 2009 s'annonce plus tendue si le monde plonge dans la récession et entraîne un repli de la consommation et des prix de l'or noir.

Les pays producteurs ne sont pas tous logés à la même enseigne, car ils n'ont pas tous les mêmes coûts de production pétrolière, la même "addiction" à l'or noir ou la même discipline budgétaire. Selon le Fonds monétaire international (FMI), l'Irak reste le plus exposé. Son programme de reconstruction de l'industrie pétrolière nécessite un baril à 110 dollars. Bagdad, qui possède les troisièmes réserves mondiales, souhaite plus que doubler sa production pour la porter de 2,5 à 6 millions de barils par jour dans dix ans avec le concours des compagnies occidentales.

L'Iran, détenteur des deuxièmes réserves, vient juste après : il lui faut un baril à 90 dollars pour équilibrer son budget, suivi par le Venezuela (environ 80 dollars). En Algérie, le vaste programme d'investissements publics dans les infrastructures de base requiert au minimum un baril à 56 dollars. Moins peuplés et bénéficiant d'un pétrole plus facile à extraire, le Qatar, le Koweït, la Libye et l'Arabie saoudite pourraient se contenter respectivement de 24, 33, 47 et 49 dollars.

Le président du Venezuela, Hugo Chavez, a affirmé que son pays "ne sombrera pas" avec un baril à 60 dollars, mais la situation risque de se tendre. Il a bien des pétrodollars en réserve, mais pour combien de temps ? Les importations de matières premières et de produits alimentaires pèsent lourdement, sans oublier de généreux programmes sociaux et l'aide versée aux pays qui le suivent dans sa "révolution bolivarienne". "Avec un baril au-dessous des 70 dollars, les comptes de la balance des paiements ne s'équilibrent pas", confiait récemment à l'AFP l'ancien directeur de la banque centrale, Domingo Maza Zavala.


EN IRAN, "DES DÉGÂTS IMPORTANTS"


Le ministre des finances du Nigeria, Shamsudeen Usman, a déjà annoncé une "révision à la baisse" du budget 2009, établi sur un prix du baril trop élevé. Au moins le Nigeria, le Venezuela et l'Iran disposent-ils encore d'importantes réserves d'hydrocarbures. Le cas du Mexique est plus alarmant : au recul des prix s'ajoutent en effet la déplétion de son champ pétrolifère géant de Cantarell et la faiblesse des investissements de la compagnie nationale Pemex dans l'exploration, la production et le raffinage. Autant de facteurs qui ont amputé les recettes de l'Etat et fragilisé le président conservateur, Felipe Calderon.

Pour les dirigeants de certaines nations pétrolières, la facture politique risque d'être lourde si la baisse (- 55 % en trois mois) s'amplifie. Au Venezuela, un premier test aura lieu lors des élections locales et nationales du 23 novembre. En Iran, l'effondrement des cours a exacerbé les dissensions internes, renforçant le camp des adversaires du président Mahmoud Ahmadinejad, élu en 2005 sur un programme populiste de redistribution de la rente pétrolière, qui l'accusent d'avoir accru la dépendance de l'économie au pétrole.

Son prédécesseur, Akbar Hachemi Rafsandjani, a mis en garde ceux qui voient dans la déroute financière une punition pour l'Occident. Vendredi, dans un sermon radiodiffusé, le rival malheureux de M. Ahmadinejad en 2005 a reconnu que "la baisse du pétrole provoque des dégâts importants chez nous", accusant son successeur d'avoir dilapidé les revenus pétroliers.

Il n'est pas étonnant que l'Iran et le Venezuela aient réclamé une forte baisse de la production, vendredi, à la réunion de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Ils ont obtenu en partie gain de cause, sans que le cartel puisse faire remonter les prix vers les 90-100 dollars, un prix plancher pour Caracas et Téhéran. Il est plus cocasse qu'ils aient demandé à l'Arabie saoudite, le premier producteur mondial, de porter seule le fardeau pour qu'eux-mêmes bénéficient du maintien de leur production et d'une hausse des prix !

Dans l'immédiat, ce début de contre-choc pétrolier va émousser l'"arme énergétique" qui permettait à la Russie d'intimider ses voisins, ou au Venezuela d'acheter des amitiés en Amérique latine.

Il n'est peut-être que l'affaire de mois. De nombreux experts jugent que les prix ne peuvent que remonter en raison d'un effet de ciseaux entre les difficultés d'accès aux ressources pétrolières pour des raisons politiques ou techniques, qui limitent l'offre, et le regain de la demande en fin de récession.

Jean-Michel Bezat

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