vendredi 9 janvier 2009

Après l'année de la crise, l'année de la guerre ?, par Gérard Chaliand

La crise financière puis économique de la seconde moitié de l'année 2008 ont fait oublier la gravité croissante de la situation au Moyen-Orient. L'intervention israélienne à Gaza n'est que le premier signal du recours à la force armée pour chercher à résoudre une situation qui depuis quatre ans n'a cessé de se détériorer.

La guerre du Liban de l'été 2006 n'avait apporté aucune solution. On constate au contraire un effet de dominos qui affecte l'ensemble du Grand Moyen-Orient, celui-là même que les néoconservateurs américains prétendaient remodeler de Beyrouth à Islamabad.

La perspective de la création d'un Etat palestinien paraît plus lointaine que jamais. Depuis quatre ans (seconde présidence Bush, élection de Mahmoud Ahmadinejad en Iran), les théâtres de conflits ont plutôt pris de l'ampleur : Liban, Afghanistan, Gaza.

En Irak, le fragile équilibre militaire instauré par le général Petraeus n'a déterminé aucune avancée politique. La lutte pour le pouvoir est ouverte et personne ne peut prévoir à quoi le pays ressemblera d'ici à 2012. Les pays frontaliers, l'Iran en premier chef et la Turquie pèsent de toute façon. Sans l'agrément de ces voisins, l'Irak ne connaîtra pas de paix durable.

L'Afghanistan, hier considéré comme un théâtre secondaire dont seule la capitale était sécurisée, se révèle depuis peu comme le centre d'une crise locale et régionale d'envergure. Le prochain renforcement militaire américain, même épaulé par l'OTAN, est nécessaire mais non suffisant. La solution est surtout politique. La victoire, pour les Occidentaux, est hors de question. Il s'agit plutôt de rétablir un équilibre permettant de négocier dans un rapport de force plus favorable. Cela implique une coopération régionale, en premier lieu avec le Pakistan, l'Iran et l'Inde.

Or nulle part nous ne voyons se dessiner une solution prochaine ou durable. L'OTAN aujourd'hui joue sa crédibilité, ballotté par des objectifs incertains, des missions trop disparates, des décisions peu cohérentes, des engagements trop divers : la défense antimissile en Pologne et en République tchèque, les prétentions d'élargissement à la Géorgie et à l'Ukraine. L'Alliance est perçue comme l'instrument de la volonté de puissance des Etats-Unis.

Si, en février, M. Nétanyahou l'emportait, ce qui est probable, si début juin M. Ahmadinejad est réélu, ce qui est moins assuré, toute perspective de résolution pacifique serait sans doute écartée. La guerre pourrait devenir inévitable et concerner toutes les zones où chacune des puissances concernées pourrait pousser ses pions. Les Etats membres du Conseil de coopération du Golfe ne seraient probablement pas épargnés. Imagine-t-on les effets économiques de l'embrasement de cette zone ?

ASSUMER LE FARDEAU


M. Obama risque alors de se voir entraîné dans un processus dont il ne porte pas la responsabilité mais dont il devra assumer le fardeau. Cette mécanique guerrière est désormais enclenchée et son centre de gravité politique est l'Iran, car, pour Israël, l'acquisition éventuelle du feu nucléaire par ce pays constitue, à tort ou à raison, un fait inacceptable et un facteur essentiel, beaucoup plus important que le Hamas ou le Hezbollah. L'Iran peut aussi contribuer, s'il le juge productif, à dissiper les tensions au Liban, en Irak et partiellement en Afghanistan ou, à l'inverse, les exacerber. C'est pourquoi le dialogue américano-iranien est devenu vital. L'importance de la situation exige une coopération très large dont ne sauraient être exclus ni les Russes ni les Chinois.

M. Obama dispose encore de la puissance nécessaire pour créer cette ouverture. L'UE peut renforcer l'action de ce dernier en donnant une meilleure cohérence dès lors qu'il s'agit de la Russie.

L'heure des petits et des grands trocs, tous intimement liés, est venue mais le temps presse. Sinon, c'est sur une situation dégradée que se recomposera un nouvel équilibre géostratégique qui risque fort d'être défavorable aux puissances occidentales.
Gérard Chaliand est géostratège.


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