mercredi 14 janvier 2009

Le legs délicat du dossier iranien de Bush à Obama

Barack Obama promet une "nouvelle approche" à l'égard de l'Iran... Mais comment son arrivée à la Maison-Blanche peut-elle modifier les relations irano-américaines?

"Une nouvelle approche". C'est la politique préconisée par Barack Obama, à l'égard de l'Iran. Evasif mais optimiste, le président élu, qui entrera en fonction mardi prochain, a reconnu le 11 janvier sur la chaîne ABC, que le dossier iranien sera "l'un des plus gros défis" de son début de mandat.

"Nous avons une situation dans laquelle l'Iran n'exporte pas seulement le terrorisme à travers le Hezbollah et le Hamas, mais poursuit également un programme nucléaire qui pourrait potentiellement déclencher une course à l'arme atomique au Moyen-Orient", a ainsi expliqué le futur résident de la Maison-Blanche.

La question iranienne est l'un de ces nombreux legs de l'administration républicaine sur lesquels un changement de cap est attendu. Mais en sera-t-il ainsi? Pour l'ex-ambassadeur Denis Bauchard, conseiller pour le Maghreb et le Moyen-Orient à l'Institut français des relations internationales (Ifri), et ancien président de l'Institut du Monde arabe, le fait de présenter l'Iran comme un interlocuteur désormais valable, est déjà un signe positif.

"L'Iran est une puissance régionale, un acteur-clé dans la résolution de nombreux conflits dans la région. Il faut le prendre au sérieux, et surtout lui donner la garantie que les Occidentaux n'essayeront pas de renverser le régime". Les 65 millions de dollars investis par les Etats-Unis en 2009, pour la "promotion de la démocratie" en Iran, sont, à ce titre, très mal perçus.

Il reste qu'un dialogue ne peut s'ouvrir que sur la base d'intérêts communs. L'Afghanistan et la lutte contre les taliban rassemblent les deux pays. En 2001, la République islamique avait déjà proposé ses services dans ce domaine, proposition à laquelle Washington n'avait finalement pas donné suite. L'Irak, dont l'Iran ne souhaite pas le démantèlement, peut être un autre de ces sujets soumis à négociations.

Il s'agirait là, en tout cas, d'une première étape avant d'aborder les problèmes de fond, dont le dossier nucléaire. Un sujet capital aux yeux des Etats-Unis et de la communauté internationale, mais difficile à traiter. Le New York Times révèle ainsi que l'administration Bush avait refusé, l'année dernière, une demande israélienne de missiles anti-bunker suffisamment performants pour détruire le complexe nucléaire iranien de Natanz, seul site officiellement identifié d'enrichissement de l'uranium. Le quotidien précise qu'en revanche, Washington avait autorisé des actions clandestines de sabotage afin d'entraver les appétits nucléaires de la République islamique.
Le 12 juin prochain, lors des élections présidentielles en Iran, Mahmoud Ahmadinejad pourrait ne pas être reconduit au pouvoir.

Ces révélations ne faciliteront pas la tâche de Barack Obama, qui semble néanmoins décidé à empêcher Téhéran de se doter de l'arme atomique. Selon le rapport de la mission française d'information parlementaire sur l'Iran, remis en décembre dernier, la première bombe nucléaire iranienne serait en état de fonctionnement dès 2010. Une démarche "à la japonaise" tient d'ailleurs à préciser Denis Bauchard, l'essentiel étant "d'être capable" de produire la bombe, et d'adopter une posture dissuasive.

Enfin, l'autre question-clé en suspens est celle de l'interlocuteur. Les relations irano-américaines sont, en effet, à l'aube d'un double changement. A l'investiture américaine de ce mois-ci répondra l'élection présidentielle en Iran, le 12 juin prochain, avec la possibilité que Mahmoud Ahmadinejad ne soit pas reconduit au pouvoir.

La perspective d'un début de normalisation des relations avec Washington s'invitera dans la campagne, selon Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS sur les Mondes iranien et indien, même si le partenaire privilégié d'Obama serait plutôt l'ayatollah Ali Khamenei, Guide suprême de la Révolution.

Le prochain président américain toucherait ainsi "l'Iran millénaire" plus que le gouvernement en place. Une initiative plus à même, selon le spécialiste, d'engager un dialogue constructif, à l'image de celui amorcé entre la Russie et l'Iran lors de la visite de Vladimir Poutine au maître de Téhéran en octobre 2007.

Par Marc Etcheverry


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