mardi 20 janvier 2009

Paris et Londres veulent accroître les sanctions européennes contre l'Iran

Aider le président américain Barack Obama à traiter avec l'Iran en position de force ? C'est la motivation d'un groupe de pays européens, France et Royaume-Uni en tête, qui ont multiplié les démarches, ces dernières semaines, pour tenter de parvenir à de nouvelles sanctions de l'Union européenne (UE) contre la République islamique. L'Italie et, de façon plus nuancée, l'Allemagne, les ont rejoints. Mais les discussions entre Européens n'ont pas abouti à ce stade car les Vingt-Sept sont divisés.

L'Iran est aux prises avec la communauté internationale en raison de la poursuite de son programme d'enrichissement d'uranium, soupçonné d'avoir pour but la fabrication de l'arme nucléaire.

Les partisans de sanctions accrues estiment qu'il faut que l'UE se dote des moyens d'accompagner l'équipe Obama dans ce qui se profile comme une nouvelle stratégie américaine d'ouverture en direction de l'Iran (engagement) avec un "plus grand bâton", c'est-à-dire des pressions économiques accrues, indique-t-on de source diplomatique occidentale.

La France a été sur ce plan particulièrement active, notamment lors de sa présidence du Conseil européen, dans la continuité de ce que Nicolas Sarkozy avait décidé en 2007. Paris et Londres ont plaidé auprès des partenaires européens en faveur de nouvelles mesures, visant notamment le secteur énergétique de l'Iran et les activités bancaires du pays.

Il s'agirait d'empêcher l'Iran de se procurer certains équipements et technologies pour son industrie pétrolière, qui fournit une grande partie des revenus du pays. L'Iran connaît d'importants problèmes d'investissements et de modernisation de son infrastructure énergétique, rendus plus aigus encore par la chute des prix mondiaux du brut.

Ayant pour l'heure échoué dans leur tentative faute de consensus européen, les responsables français et britanniques semblent se concentrer sur un autre objectif : faire interdire sur le territoire de l'UE les activités des banques iraniennes Saderat et Mellat. Ces institutions sont déjà frappées de sanctions unilatérales américaines, la première en raison de son soutien à des "organisations terroristes", la seconde parce qu'elle aide le secteur nucléaire iranien.

Un autre axe de travail consiste à rallonger la liste des entités iraniennes déjà visées par des mesures européennes autonomes, afin de traquer les sociétés qui servent de "faux nez" aux activités de l'Iran dans sa stratégie de contournement des sanctions internationales.

Depuis des années, les Etats-Unis et Israël incitent les Européens à resserrer l'étau économique et financier sur l'Iran, pour contraindre son régime à satisfaire les demandes du Conseil de sécurité de l'ONU. On anticipe, à Paris et à Londres, que l'administration Obama poursuivra sur cette voie tout en ouvrant, sans doute, de nouveaux canaux de discussions avec l'Iran.

L'effort des Français et des Britanniques se heurte aux réticences de plusieurs pays européens soucieux de protéger leurs intérêts économiques. C'est le cas de l'Autriche, dont la firme OMV a conclu en 2007 un accord avec l'Iran dans le domaine pétrolier, et du Luxembourg, qui pense à son secteur bancaire. En Allemagne, pays dont de nombreuses PME sont actives en Iran, de forts tiraillements politiques existent entre la chancelière Angela Merkel (favorable à de nouvelles sanctions) et son ministre des affaires étrangère, Frank-Walter Steinmeier (qui y est opposé). La Suède a fait valoir que le processus des sanctions serait plus légitime s'il restait dans le cadre du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a voté trois résolutions de ce type depuis 2006. L'Espagne, la Grèce et Chypre veulent mettre l'accent sur le dialogue avec Téhéran.

Le flou entourant les intentions de l'équipe Obama ainsi que la perspective de l'élection présidentielle iranienne en juin pèsent sur le débat. "L'augmentation des sanctions ne ferait-elle pas le jeu des radicaux iraniens ?", s'interrogent certains. "Les Français poussent très fort, commente une source européenne, mais on ne voit pas très bien comment on peut faire alors que les Américains n'ont pas encore bougé."

Les Européens s'inquiètent de leur marginalisation sur le dossier nucléaire iranien, où ils ont joué depuis 2003 un rôle de premier plan. Les responsables français ont incité M. Obama à ne pas casser le canevas des efforts diplomatiques menés jusqu'à présent, estimant dangereux que Washington renonce à certaines exigences.

Alors que l'UE est sur une position d'attente, Paris, Londres et Rome ont discrètement décidé, en décembre 2008, d'aller de l'avant. En conseillant fortement aux banques, aux assurances, aux compagnies de navigation et à toute firme liée au secteur énergétique de se passer de transactions ou de contrats avec l'Iran.

Natalie Nougayrède


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