dimanche 8 février 2009

Iran et Russie soufflent le chaud et le froid face à l'administration Obama

La Russie et l'Iran ont semblé adresser un message presque commun à l'administration Obama, vendredi 6 février, à l'ouverture de la conférence de Munich sur les questions de sécurité, grand forum transatlantique où la venue, samedi, du vice-président américain, Joe Biden, était très attendue. Un message qui pourrait se résumer par la formule employée par le président du Parlement iranien, Ali Larijani, ancien négociateur sur le dossier nucléaire : "Les Etats-Unis doivent accepter que les pays de la région réclament un jeu d'échecs, et non une partie de boxe."

Si jeu d'échecs il y a, la partie s'annonce serrée. Devant les dignitaires et analystes assemblés dans un hôtel de luxe de la capitale bavaroise, le premier vice-premier ministre russe, Sergueï Ivanov, a souligné que Moscou ne renoncerait au déploiement de missiles Iskander dans l'enclave de Kaliningrad qu'à la condition que Washington oublie son projet de bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque.

Le dignitaire iranien a, de son côté, mis en garde contre une poursuite par les Etats-Unis de "la politique de la carotte et du bâton" à propos des activités nucléaires de Téhéran. Cette politique, mélange de sanctions et d'offres de coopération, "a été et demeure un concept irrationnel", a-t-il dit. M.Larijani s'est livré à une diatribe contre la politique des Etats-Unis envers l'Iran depuis des décennies, remontant au coup d'Etat de 1953 contre le premier ministre de l'époque Mohammad Mossadegh. Il a aussi choqué l'assistance lorsque, interrogé sur les propos négationnistes tenus par des responsables iraniens sur la Shoah, il a répondu : "Je ne suis pas historien."

DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

Mais de part et d'autre, des signes d'ouverture filtraient. Alors que le traité Start de 1991 arrive à échéance le 5 décembre 2009, le ministre russe a appelé à une reprise des discussions avec Washington sur une nouvelle réduction des arsenaux nucléaires. "Il est temps d'aller plus loin", a-t-il estimé. Ce qui correspond aux intentions américaines, telles que les a exprimées, en janvier, la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton.

Ali Larijani a de son côté salué "le signal positif" que constitue l'envoi récent au Proche-Orient de l'émissaire américain George Mitchell, "pour écouter et non dicter". "La nouvelle Maison Blanche peut reconstruire des ponts qui ont été détruits" avec l'Iran par l'équipe Bush, a commenté M. Larijani.

La Russie et l'Iran soufflent le chaud et le froid, dans l'attente de grands marchandages encore hypothétiques. Moscou vient d'obtenir du Kirghizstan, en Asie centrale, qu'il évince une base militaire américaine. Téhéran a procédé, le 3 février, au tir d'une puissante fusée mettant en orbite un satellite, signalant un bond en avant dans ses capacités balistiques.

Vendredi, pour répondre, il y avait Henry Kissinger à la tribune. Le vieux stratège a longuement plaidé pour le désarmement nucléaire, seule solution, selon lui, pour remettre en selle le traité de non-prolifération (TNP). Evoquant le bouclier antimissile américain, censé être une protection contre les missiles iraniens, il a dit que le dispositif devrait être partagé avec Moscou, en utilisant des équipements "dans le sud de la Russie".

M. Ivanov a répondu avec prudence. "Si nous évaluons conjointement la menace, et si nous concluons ensemble qu'elle existe, nous pourrions la traiter ensemble", a-t-il dit. Moscou mise en réalité sur un abandon du projet américain, depuis que Barack Obama a demandé une évaluation de l'efficacité et du coût du bouclier.

Le discours de Joe Biden prévu samedi à Munich devait être la première intervention d'un haut responsable américain en Europe depuis l'investiture de M. Obama, le 20 janvier. Aucune rencontre n'est prévue avec le représentant iranien. Nicolas Sarkozy, qui fait le déplacement pour la journée, doit s'entretenir avec le vice-président américain, après un déjeuner avec la chancelière Angela Merkel.

Natalie Nougayrède

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