vendredi 20 mars 2009

La main tendue d'Obama aux Iraniens

S'il est d'usage pour les présidents américains de publier un message de paix à l'occasion de Nowrouz, le Nouvel An iranien, celui qui émanait chaque année de l'administration Bush n'était jamais très long, et il était essentiellement dirigé vers la communauté iranienne des Etats-Unis. Le message de Barack Obama, diffusé, jeudi 19 mars, alors qu'il était dans l'avion de retour de Los Angeles, tranche singulièrement : le président américain s'adresse directement aux dirigeants de l'Iran, un pays avec lequel les Etats-Unis n'entretiennent pas de relations diplomatiques depuis près de trente ans.


Depuis son entrée en fonctions, Barack Obama réfléchissait à un signe en direction de Téhéran. Un projet de lettre avait été évoqué dans la presse, en réponse au message de félicitations que le président Mahmoud Ahmadinejad lui avait adressé après l'élection du 4 novembre. Mais, à quelques mois de l'élection présidentielle en Iran, la nouvelle administration n'avait pas envie d'avoir l'air de choisir un interlocuteur. Pour le Nouvel An persan, Barack Obama a opté pour un message vidéo de trois minutes trente-cinq posté sur le site de la Maison Blanche et sur YouTube. Il est adressé à tous les Iraniens, et à aucun leader en particulier.



"Je voudrais parler directement au peuple et aux dirigeants de la République islamique d'Iran", dit-il, en rendant hommage à la culture et à la civilisation iraniennes, qui, de la musique aux arts, ont "fait du monde un endroit plus beau et meilleur".

Loin des appels à "changer de comportement" lancés par son prédécesseur, M. Obama prend soin de souligner le "respect" que les Etats-Unis ont pour l'histoire iranienne. Il fait miroiter des perspectives de partenariat et de commerce, insiste sur "l'humanité" commune plutôt que sur les divergences, et cite même un poète persan de l'époque médiévale, Saadi : "Les enfants d'Adam sont des membres d'un même corps, créés d'une même essence." Avant de terminer par la formule rituelle en persan : "Eid-e shoma mobarak." ("Joyeuses fêtes".)
M. Obama reconnaît que, depuis trente ans, les relations entre les deux pays sont tendues. Mais "en cette saison de nouveaux commencements, ajoute-t-il, je voudrais parler clairement aux dirigeants de l'Iran : nous avons de graves différends qui ont grandi avec le temps. Mon administration s'est maintenant engagée dans une diplomatie qui entend traiter l'ensemble des questions qui sont devant nous, et dans la recherche de liens constructifs entre les Etats-Unis, l'Iran et la communauté internationale. Ce processus ne progressera pas par les menaces. Nous recherchons au contraire une relation qui soit honnête et fondée sur le respect mutuel."
RÉACTION FAVORABLE DE L'IRAN
L'Iran a "le droit" de prendre la place qui lui revient dans la communauté des nations, poursuit le président. "Vous avez ce droit, mais il s'accompagne de vraies responsabilités. Cette place ne peut être obtenue par la terreur et les armes, mais par des actions pacifiques qui démontrent la véritable grandeur du peuple et de la civilisation iraniens." Comme il l'avait fait dans son discours d'investiture, il oppose ceux qui "détruisent" à ceux qui ont "le talent de construire et créer".
L'Iran a réagi, vendredi matin, en accueillant "favorablement" ces propos.

M. Obama avait fait de sa volonté d'engager le dialogue avec l'Iran l'un des axes de sa campagne. Depuis qu'il a pris ses fonctions, il a engagé une "révision" de la politique à l'égard de l'Iran qui a déjà fait bouger les lignes. Tout en affirmant que rien n'a changé dans l'objectif qui est d'empêcher Téhéran de se doter d'une capacité nucléaire, et tout en répétant que le processus de sanctions, négociées par les Européens, la Chine et la Russie, reste à l'ordre du jour, les responsables américains ont engagé une diplomatie, d'apparence anodine, de petits gestes.

La secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, a annoncé une conférence internationale sur l'Afghanistan le 31 mars à La Haye, à laquelle Téhéran a été invité. Quelques jours après sa rencontre à Genève avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, le département d'Etat a indiqué que le diplomate Patrick Moon, du bureau de l'Asie du Sud et centrale, allait se rendre à Moscou, le 27 mars, pour une réunion du groupe de Shanghaï (Russie, Chine, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan et Ouzbékistan), et qu'il y rencontrerait probablement les délégués iraniens. Les Etats-Unis n'en sont pas membres mais puisqu'il doit être question de l'Afghanistan, Moscou les a invités. Selon la presse, les Russes auraient fait un geste en suspendant la livraison de missiles S-300 à l'Iran.

L'administration américaine semble avoir décidé d'explorer toutes les possibilités de dégel des relations, sans attendre le résultat de l'élection présidentielle iranienne du 12 juin. Lors de son voyage en Europe début avril, M. Obama doit se rendre en Turquie, pays qui s'est proposé comme intermédiaire entre Washington et Téhéran. Selon la presse, qui cite le quotidien israélien Haaretz, les Israéliens auraient remis à MmeClinton une liste de demandes concernant d'éventuels pourparlers. Notamment qu'une date butoir soit fixée, pour en limiter la durée.


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