jeudi 2 avril 2009

Compte rendu : Premiers contacts entre Américains et Iraniens à la conférence sur l'Afghanistan

Même absent, le président américain, Barack Obama, aura pesé sur les discussions des quatre-vingts délégations présentes à la conférence internationale sur l'Afghanistan, mardi 31 mars, à La Haye. Première réunion de ce genre depuis son entrée à la Maison Blanche, organisée quatre jours après l'annonce de sa nouvelle stratégie en Afghanistan et peu avant le sommet de l'OTAN qui évoquera l'approche militaire de l'Alliance dans ce pays, elle a marqué le début "d'un nouveau commencement", selon la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a salué "le changement qualitatif de la position américaine", mais a néanmoins assuré que le temps était compté et que l'année 2009 serait "cruciale" pour l'Afghanistan. Le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui s'est félicité de voir les Etats-Unis venir sur des positions défendues par la France, a estimé qu'il ne restait "que quelques mois pour réussir".

La mise en place d'une stratégie régionale semble désormais moins relever du voeu pieu. L'Iran, c'est une première, a envoyé à La Haye son vice-ministre des affaires étrangères, Mohammed Mehdi Akhoundzadeh. Selon ce dernier, "la coopération régionale doit être la priorité et le rôle de l'ONU doit être plus grand que jamais". Un discours relevé par Hillary Clinton, pour qui "les déclarations du représentant iranien sont prometteuses". La secrétaire d'Etat américaine a également souligné l'importance d'un "partenariat avec le Pakistan" : "Il est essentiel. Lui seul nous permettra de progresser, notamment pour lutter contre les sanctuaires qui hébergent les insurgés. Mais, pour cela, il faut donner à ce pays les moyens dont il a besoin".

Mme Clinton a enfin insisté sur le principe d'une amnistie pour les insurgés qui renonceraient à la violence et rompraient avec Al-Qaida. Cette proposition, qui avait été faite dès 2005 par le président afghan Hamid Karzaï, est reprise dans le communiqué final de la conférence. Ce texte souligne également la nécessité d'"éliminer les sanctuaires d'Al-Qaida et d'autres réseaux terroristes, où qu'ils soient", une précision qui semble valoir pour les zones tribales pakistanaises.

La secrétaire d'Etat américaine a, d'autre part, invité tous les pays à participer, le 17 avril, à la conférence des "amis du Pakistan", à Tokyo, qui abordera le soutien financier à un pays dont la fragilité économique constitue, selon elle, une menace aussi dangereuse pour l'avenir de la région que le terrorisme.

Le ministre des affaires étrangères du Pakistan, Shah Mehmoud Qureshi, a confirmé le besoin d'un tel soutien et s'est félicité, par ailleurs, d'accueillir, à Islamabad, les 13 et 14 mai, la troisième conférence régionale de coopération économique consacrée à l'Afghanistan. Le président Karzaï a confirmé que "sans coopération" avec son voisin pakistanais "rien ne serait possible dans la région", insistant sur le "rôle clé" joué par la Turquie pour faciliter ce dialogue.

L'autre point de convergence a porté sur la capacité des autorités afghanes à prendre en main leur destin. En premier lieu la lutte contre la corruption : "A long terme, elle est aussi nocive pour l'Afghanistan qu'Al-Qaida, a prévenu Mme Clinton, car elle facilite le recrutement des nouveaux insurgés." Les talibans profitent en effet du ressentiment de la population contre le gouvernement de Kaboul. Pour consolider l'Etat afghan, les Etats-Unis veulent augmenter "dans les prochaines années" les effectifs de l'armée afghane jusqu'à 134 000 soldats et porter ceux de la police à 82 000 unités.

Enfin, l'accent a été mis sur la coordination de l'aide. "Il faut cartographier l'aide internationale, savoir qui fait quoi", a souligné M. Kouchner. "Les Etats eux-mêmes ne savent pas ce qu'ils envoient en Afghanistan", assure Pierre Lellouche, l'émissaire français pour l'Afghanistan et le Pakistan. Selon Kai Eide, le représentant spécial de l'ONU pour l'Afghanistan, "les pays doivent accepter que leur aide soit subordonnée, peu sont prêts à l'accepter".

La volonté générale de voir l'ONU jouer un rôle accru en Afghanistan avait été formulée à Paris en juin 2008, lors de la conférence des donateurs pour l'Afghanistan, sans effet notable. La stratégie, sous tutelle américaine depuis la chute des talibans, étant alors davantage focalisée sur l'angle militaire que sur le développement. L'administration Obama semble désireuse d'inverser cette image. "Notre incapacité à changer de stratégie a permis aux insurgés de reprendre des forces, a expliqué Mme Clinton. L'avenir de l'Afghanistan dépend des Afghans, de l'aide civile et militaire."

Seules les réserves exprimées par le représentant iranien sur l'envoi "inefficace" de renforts en Afghanistan sont venues troubler l'engagement politique fort exprimé par la communauté internationale pour sortir de la spirale de l'échec en Afghanistan.
Jacques Follorou

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