jeudi 16 avril 2009

Les Occidentaux rouvrent avec prudence des pourparlers avec l'Iran

Les Occidentaux et l'Iran sont dans une phase d'ouverture et d'observation : les premiers ont accueilli avec retenue mais scepticisme les annonces faites, le 9 avril, par le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, sur les nouveaux progrès qu'aurait accomplis Téhéran dans son programme nucléaire. Les dirigeants iraniens, de leur côté, se sont déclarés prêts à répondre favorablement à la proposition américaine d'engager de nouvelles discussions.

"Les conditions ont changé", a expliqué M. Ahmadinejad, tandis que son proche conseiller, Ali Akbar Javanfekr, parlait d'une "proposition constructive et d'un changement d'attitude" de Washington. Javier Solana, haut représentant de l'Union européenne pour la politique de sécurité et de défense, devrait avoir dans les prochains jours un premier contact téléphonique avec Saïd Jalili, le négociateur du dossier nucléaire iranien, avant qu'une première rencontre soit organisée entre les représentants des "Six" (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie), et l'Iran.

La prudence des Américains et des Européens est nourrie par l'ambivalence, habituelle, du discours iranien : à Ispahan, le président Ahmadinejad a souligné que les négociations passées avec les Occidentaux ont échoué parce que ceux-ci "insistaient sur l'arrêt de nos activités pacifiques", une référence indirecte au processus d'enrichissement de l'uranium, dont les Occidentaux exigent l'arrêt. En inaugurant la "première usine de fabrication de combustible nucléaire", il a annoncé que 7 000 centrifugeuses (contre 6 000 fin février) ont été installées à l'usine d'enrichissement de Natanz, et indiqué que deux nouveaux types de centrifugeuses, "d'une capacité plusieurs fois supérieure à celles existantes", ont été testées. Il s'agit vraisemblablement des centrifugeuses de nouvelle génération IR-2 et IR-3, évoquées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dans son rapport du 19 février.



"CONJONCTION FAVORABLE"



Tournant à vitesse élevée, ces appareils ont pour fonction d'enrichir l'uranium : faiblement enrichi, celui-ci sert de combustible pour une centrale nucléaire civile ; fortement enrichi, il concourt à la fabrication d'une arme nucléaire. Ces trois "avancées" sont a priori contradictoires avec l'état d'esprit d'ouverture professé par M. Ahmadinejad, mais les experts occidentaux restent prudents. "L'Iran, a rappelé, à Washington, un porte-parole du département d'Etat, a déjà, dans le passé, annoncé qu'il faisait fonctionner des quantités de centrifugeuses ne correspondant pas aux estimations de l'AIEA."

Ce qui préoccupe les diplomates qui suivent ce dossier, c'est moins les rodomontades iraniennes que le risque de voir l'Iran réamorcer un processus de négociations, qui s'est révélé stérile dans le passé. "Pendant des mois il ne s'est rien passé, résume un expert, si ce n'est le même jeu iranien pour gagner du temps, avec la même menace de sanctions, et les mêmes réponses iraniennes dilatoires." "Il est normal, ajoute-t-il, que les Américains se réengagent : ils ont un nouveau président, la période électorale en Iran est une occasion qu'il faut utiliser, et la crise économique, qui oblige les Iraniens à pomper dans leurs réserves financières, incite Téhéran à réagir. C'est donc une conjonction favorable."

Les Européens ont le sentiment d'avoir déjà offert à l'Iran toutes les compensations financières pour l'inciter à renoncer à son programme d'enrichissement. Tout en accompagnant la volonté de l'administration Obama de rouvrir des négociations avec Téhéran, ils préparent donc de nouvelles sanctions : dans un premier temps, il pourrait s'agir de soumettre à autorisation toute transaction commerciale avec l'Iran, avant de passer, si nécessaire, à l'interdiction totale des opérations bancaires.

De telles mesures sont cependant considérées comme l'"arme ultime" en matière économique. Pour une raison simple : les entreprises européennes qui exportent vers l'Iran, devront, elles aussi, faire des sacrifices.

Laurent Zecchini


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