mardi 26 mai 2009

L'Iran, facteur central de la politique Obama au Proche-Orient

Le facteur Iran pèse lourd et complexifie la mise au point de la politique proche-orientale de la nouvelle administration américaine: l'équipe Obama cherche à capitaliser sur ce qu'elle considère comme une conjonction sans précédent d'opinions négatives sur l'Iran, qui a mis d'accord, sur son dos, l'Etat hébreu et ses voisins arabes.

Washington envisage d'utiliser cette convergence comme levier pour faire avancer le dossier israélo-palestinien tout comme un accord de paix global dans la région. D'après des responsables, l'administration considère qu'un accord de paix israélo-palestinien isolerait Téhéran, en modifiant la donne régionale en matière de sécurité.

C'est ce que le président Barack Obama a expliqué la semaine dernière à son visiteur israélien, le nouveau Premier ministre Benyamin Nétanyahou. Et ce qu'il devrait également dire jeudi à son prochain visiteur proche-oriental, le président de l'Autorité palestinien Mahmoud Abbas, puis répéter début juin au Caire, lors d'un très attendu discours au monde arabo-musulman.

L'équipe Obama a pris le contrepied de la politique d'exclusion de l'équipe Bush envers Téhéran. Sa stratégie implique aussi de diminuer l'influence de l'Iran en Syrie et auprès de ses affidés libanais du Hezbollah. Pour ce faire, il faut passer par l'amélioration des relations avec Damas, où l'émissaire spécial pour le Proche-Orient George Mitchell pourrait se rendre prochainement.

Mais l'évolution est lente, car début juin, la région connaîtra deux élections cruciales susceptibles de bousculer la donne, d'abord les législatives au Pays du Cèdre le 7 juin, puis la présidentielle iranienne le 12 juin.

Selon les experts, il existe actuellement un véritable consensus israélo-arabe sur la nocivité de l'Iran, mais il est basé sur des peurs différentes, et risque donc de ne pas tenir. Reste que ce nouveau consensus offre des opportunités sans précédent.

Pour l'instant, les ouvertures vers l'Iran n'ont pas reçu de réponse. Et Israël résistera sans doute si Washington utilise la menace iranienne pour pousser l'Etat hébreu à faire des concessions dans le processus de paix.

Israël est très réservé sur un approche américaine trop conciliante à son goût. Pour apaiser les craintes de Nétanyahou, qui exclut d'avancer sur le chemin de la paix avec les arabes avant d'avoir réglé la menace iranienne, Obama a accepté la mise sur pied de groupes de travail conjoints sur trois dossiers: Iran, volet israélo-palestinien, volet israélo-arabe.

La patience d'Israël est à bout, surtout après un tir de missile la semaine dernière. L'Etat hébreu, qui voit en l'Iran une "menace existentielle", n'exclut pas une frappe militaire unilatérale, faute de succès diplomatique rapide empêchant Téhéran de se doter de l'arme nucléaire.

Ce tir iranien inquiète également Washington, mais "nous voulons garder la main tendue", a expliqué un responsable de l'administration sous couvert d'anonymat.

L'attitude de l'équipe Obama est susceptible d'évolution. Les prochaines étapes dépendront de la réaction de Téhéran, précise-t-on à la Maison Blanche.

Il est en outre irréaliste d'attendre des réponses avant la présidentielle iranienne: Mahmoud Ahmadinejad, dont la réthorique provocatrice a grandement aggravé la tension, brigue un deuxième mandat.

Mais après, plus question de temporiser: Obama veut un "processus sérieux d'engagement" après le scrutin du 12 juin, avec un premier bilan d'ici la fin de l'année.

Pour les responsables américains, il faudra sans doute plus de temps pour que Téhéran prouve sa bonne volonté, par exemple en acceptant de suspendre ses activités d'enrichissement d'uranium.

Dennis Ross, chargé du dossier iranien au sein de l'administation Obama, estime que l'assemblée générale de l'ONU, fin septembre, sera un moment crucial dans ce dossier.

Et si Washington dit ne pas avoir de date-butoir concrète et définitive, "la stratégie que nous mettons au point est limitée dans le temps", a noté la secrétaire d'Etat Hillary Rodham Clinton devant les parlementaires: pendant cette période, "soit nous voyons des ouvertures et une certaine volonté d'avancer sur ce dossier très important, soit nous n'en voyons pas".

Les Etats-Unis "peuvent se permettre d'attendre, mais pas indéfiniment, et ce à cause des Israéliens", explique Aaron David Miller, ancien négociateur au Proche-Orient aujourd'hui analyste au Woodrow Wilson Center for Public Policy.

Dans le même temps, Washington prépare la suite, ce qui se passera si Téhéran refuse ou ignore cette politique de la main tendue. Mme Clinton évoque des "sanctions paralysantes", de préférence internationales. Ces dernières semaines, l'administration a également discrètement poussé le Congrès à adopter des textes qui permettraient au président d'imposer des sanctions économiques et financières à l'Iran et aux entreprises y faisant des affaires. AP

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