lundi 1 juin 2009

Le conflit baloutche déborde sur l'Iran

Après l'attentat meurtrier contre une mosquée dans le sud-est de l'Iran, Téhéran accuse les États-Unis et Israël de chercher à semer la zizanie à ses frontières, qui abritent d'importantes minorités ethniques.

L'attentat survenu jeudi soir à Zahedan, au sud-est de l'Iran, contient tous les ingrédients du scénario catastrophe : celui d'un débordement de l'instabilité pakistanaise sur le territoire iranien et d'un renforcement des tensions régionales entre chiites et sunnites.

Pour l'heure, les autorités iraniennes se sont empressées de pointer du doigt l'Amérique et Israël, en les accusant de soutenir des éléments extrémistes. «L'Amérique et Israël sont, sans aucun doute, impliquées dans cet incident», a déclaré, vendredi, l'ayatollah Ahmad Khatami, lors du grand sermon de la prière du vendredi.

Zahedan, située près de la frontière avec le Pakistan, est le chef-lieu de la province iranienne du Sistan-Baloutchistan. Elle abrite une importante communauté sunnite, dans un pays à majorité chiite.

L'attaque, qui n'a pas encore été revendiquée, a fait plus de 20 morts et au moins 80 blessés selon un bilan provisoire. Elle s'est produite à 19h45, heure locale, à la mosquée Amir al-Momenin, le second lieu de culte chiite de la ville. Les nombreux fidèles qui y étaient rassemblés étaient venus participer à la cérémonie religieuse marquant l'anniversaire de la mort de Fatima Zahra, fille du prophète Mahomet et épouse d'Ali, premier imam chiite.

D'après le gouverneur de la province, Ali Mohammad Azad, cité par la radio-télévision iranienne, le groupe qui a posé la bombe «comptait tirer profit de la situation trouble en Afghanistan et au Pakistan, au moment où notre pays s'achemine vers l'élection présidentielle». Il s'agit, dit-il d'un projet fomenté par des «bandits et des terroristes», dont certains ont été arrêtés «alors qu'ils voulaient fuir Zahedan». Un représentant local de l'ayatollah Ali Khamenei, cité par l'agence de presse Isna, dénonce, lui, directement «des terroristes criminels, ceux qui sont nourris par l'arrogance mondiale».

«L'arrogance mondiale»

Ce n'est pas la première fois que Téhéran accuse «l'arrogance mondiale» - un terme généralement utilisé pour désigner l'Amérique et Israël - de chercher à semer la zizanie à ses frontières, qui abritent d'importantes minorités ethniques. Il y a deux semaines, le guide suprême a ouvertement reproché aux États-Unis de «former des terroristes» au Kurdistan irakien frontalier pour lutter contre l'Iran, en faisant allusion aux combattants du groupe séparatiste kurde Pejak.

Ces déclarations pourraient remettre en cause le fragile processus de rapprochement entre Téhéran et Washington, amorcé par le président américain Barack Obama.

Mais d'après les spécialistes du Baloutchistan, une région tribale à cheval entre l'Iran, l'Afghanistan et le Pakistan, la violence qui prévaut au sud-est de l'Iran est avant tout liée à une multitude d'autres problèmes locaux, qui n'ont pas besoin d'un appui extérieur pour s'enflammer.

Le Baloutchistan iranien est, en effet, le théâtre régulier d'affrontements entre policiers iraniens et trafiquants de drogue. En février 2007, un attentat revendiqué par Jundollah, une organisation insurgée qui dit lutter pour les droits de la minorité sunnite iranienne, causa également, à Zahedan, la mort de 18 gardiens de la révolution.

De l'autre côté de la frontière, la province baloutche pakistanaise - où un touriste français a récemment été kidnappé - est également connue pour être une zone instable où opèrent séparatistes baloutches qui luttent contre le pouvoir central et bandits de grands chemins, et où se sont infiltrés des combattants islamistes sunnites liés aux talibans.

Coïncidence ou signal donné par ces derniers, l'attentat de Zahedan survient une semaine après une rencontre à Téhéran entre les chefs d'État iranien, pakistanais et afghan. Le sommet avait pour objectif principal, hormis la lutte contre le trafic de drogue, d'éradiquer la menace terroriste.

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