samedi 4 juillet 2009

Crise iranienne : excès de prudence ou occasion manquée ?, par Nader Mousavizadeh

En matière de diplomatie, les Etats tirent les leçons du passé souvent trop tard. Revenons sur la remarquable "révolution verte" qu'a connue l'Iran ces dernières semaines.

Aucun risque que le gouvernement Obama, arrivé au pouvoir grâce à l'opposition précoce du futur président à la guerre d'Irak, ne tire trop tard les enseignements du bourbier irakien. Les ambitions "libératrices" du gouvernement Bush, mises en oeuvre avec une incompétence crasse, sont abandonnées au profit d'une implication plus nuancée dans un monde complexe. Et aux enseignements de l'Irak, Washington ajoute ceux tirés des relations américano-iraniennes, en particulier du coup d'Etat fomenté par la CIA en 1953 contre le nationaliste Mohammad Mossadegh, qui fut l'une des erreurs stratégiques les plus désastreuses des Etats-Unis.

Il s'agissait dès lors, pour le gouvernement Obama, d'éviter à tout prix de donner l'impression qu'il faisait de l'"ingérence" et de servir de bouc émissaire bien commode aux durs du régime pour les contestations qui grondaient dans la rue iranienne. Or, en raison de cet excès de prudence, il a manqué une occasion d'apporter un soutien légitime à ce mouvement populaire au moment le plus critique. Et a, du même coup, envoyé aux mêmes tenants de la ligne dure en Iran le message que le désir des Etats-Unis de poursuivre les négociations avec Téhéran l'emportait sur leur solidarité avec les manifestants.

Barack Obama a du être traversé de doutes quant au degré de protestation qu'il pouvait se permettre. Après une première et précoce mise en garde assurant que "le monde (avait) les yeux" sur l'Iran, le gouvernement a haussé le ton le jour même où la résistance faiblissait, le 21 juin, en précisant que les Etats-Unis "seraient témoins" des événements. Le 23 juin, M. Obama s'est dit "consterné et indigné", ajoutant que le gouvernement à Téhéran devait "gouverner par le consensus, pas par la coercition".

Si le président américain faisait preuve là d'une capacité rafraîchissante à faire évoluer sa position, sa dernière déclaration de principe, bien que directe, ressemblait fort à un rappel exécuté devant une salle de concert qui se vide. Le vert disparaît des rues de Téhéran, les jeunes manifestants se cachent, et les chefs de l'opposition sont arrêtés. Prisonnier d'une réflexion consensuelle sur l'Iran, le plus populaire des présidents américains depuis vingt-cinq ans s'est laissé convaincre par une coterie de théocrates qu'une ferme déclaration de soutien à la démocratie pouvait être interprétée comme une ingérence impérialiste.

Comment Obama a-t-il pu croire que les Iraniens ne sauraient pas faire la différence entre 1953 et 2009 ? Le mystère demeure. Toutes les "ingérences" ne se valent pas, et ce n'est pas parce qu'un président américain a un jour agi dans le but de contraindre la volonté populaire iranienne que le président actuel ne peut pas s'élever et prendre sa défense. Or ce manque d'audace a de funestes conséquences.

Primo, un mouvement appelant à plus de pluralisme et au respect de l'Etat de droit, à l'avantage des Etats-Unis, a été réduit au silence. Secundo, un régime dur et enhardi ne manquera pas de durcir ses conditions de négociation avec Washington et, lors de ces pourparlers, de se montrer moins enclin à trouver un commun accord. Les choses seraient assez graves si cela ne concernait que l'Iran ou les relations américano-iraniennes. Mais il est une troisième menace, plus inquiétante encore : celle d'une frappe nucléaire israélienne sur les installations nucléaires iraniennes.

Il n'y a désormais guère d'autre choix que d'ouvrir un débat contradictoire avec l'Iran sur tous les grands enjeux entre les deux pays, des questions d'intérêt commun au problème du nucléaire. Mais en laissant le régime lui dicter les leçons de 1953, et en honorant si peu et si tard le mouvement populaire de juin, le président Obama a rendu plus difficile encore une tâche déjà épineuse pour lui. L'"effet Irak" a fait sa première victime de l'ère Obama, et certainement pas sa dernière.

Traduit de l'anglais par Julie Marcot
© The Wylie Agency
Nader Mousavizadeh est consultant à l'International Institute for Strategic Studies.


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