mercredi 8 juillet 2009

Les fantasmes des Iraniennes : récit de prison de Mitra Farahani


Le début de mobilisation médiatique aura peut-être joué en sa faveur. Mitra Farahani, dont Rue89 avait révélé l'histoire, a été libérée sous caution après deux semaines de détention à Téhéran. Elle livre à Rue89 le récit de sa première nuit de captivité.

La réalisatrice de « Tabous », film sur la sexualité en Iran, avait décidé de rejoindre son pays peu après les élections et avait été immédiatement arrêtée et emprisonnée à Téhéran.

Dès sa libération, elle a envoyé un message de remerciement à tous ceux qui s'étaient mobilisés pour elle, les médias (Rue89, les Inrockuptibles, Arte), le ministère des Affaires étrangères, le milieu du cinéma (la Scam, société de gestion des droits des artistes, la société des auteurs et compositeurs dramatiques, SACD), et des anonymes (ses collègues anciens élèves des Arts Décoratifs, et les plus de 900 personnes qui avaient rejoint le groupe Facebook pour sa libération) et « prié pour que tous les gens qui sont en prison aient la même chance ». Elle décrit avec ironie « une expérience divine que j'espère ne plus jamais avoir à revivre ».

En attendant de savoir le sort qui lui sera réservé, Mitra Farahani continue à être interrogée quotidiennement par les services de renseignement et n'a toujours pas pu récupérer son passeport. Si elle est aujourd'hui libre, elle ne sait pas encore si elle pourra continuer à filmer la société iranienne, et le tournage son prochain film, « Le Coq », dont elle venait de terminer le scénario, est compromis. Ne sachant pas ce qu'elle est autorisée à dire sur ses conditions de détention, elle a transmis par mail à Rue89 ce récit de sa première nuit en prison. Où l'on voit que les thèmes qu'elle développe dans ses films sont plus que jamais d'actualité.

« Tu préfères les hommes en Iran ou en France ? »

En arrivant à l'aéroport, je passe la nuit enfermée dans une pièce, je dors sur un tissu posé à même le sol. A 4 heures du matin, une policière de 27 ans vient me chercher et me propose un thé. C'est l'heure de sa pause, elle s'assied pour le boire avec moi. Elle est belle. Quand elle apprend que je rentre de Paris, elle me regarde curieusement puis me demande :

- Tu utilises quelle crème pour le visage ?

- N'importe laquelle.

- Tu fais quoi ?

- Je fais des films.

- Ah… donc tu connais des gens qui savent maquiller pour métamorphoser le visage ?

- Tu veux dire quoi ?

- J'ai envie de prendre une professionnelle pour changer de look.

- Mais tu portes tout le temps un tchador au travail !

- Et alors ! … Tu préfères les hommes en Iran ou en France ?

- ? ? ?

- C'est vrai ? Mais on m'a dit que les hommes étrangers aimaient beaucoup les femmes. Et qu'ils font la vaisselle. C'est comme ça vraiment ?

- Oui peut-être…

J'ai trop sommeil et n'ai pas envie de poursuivre la conversation, mais la policière n'arrête pas de parler. Plus tard, elle dirige la discussion vers ses envies, sa curiosité envers les hommes et bien sûr ses fantasmes, et sur les relations sexuelles… dans les moindres détails. Le simple fait que je revienne de Paris éveille chez elle une curiosité sans fin. Alors que je sombre dans le sommeil, je l'entends dire :

- J'ai envie qu'un homme m'approche comme dans un film indien. Et si ce n'est pas moi qui commence à le toucher, tu crois que c'est mieux ?

Au secours, je rêve ! Je suis emprisonnée à cause d'un film sur la sexualité et là, je me retrouve à devoir résoudre les problèmes de fantasmes sexuels d'une policière, c'est surréaliste !

Elle est belle, mais elle doit l'être encore plus quand elle est excitée comme les actrices des films de Bollywood.

Finalement, à 6 heures du matin, elle finit par comprendre que j'ai sommeil et sort. A 8 heures, l'aventure commence quand huit personnes viennent me chercher… Je me dis que je vis là une formidable scène de théâtre.


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