mardi 28 juillet 2009

Les raisons du durcissement américain envers l'Iran


ANALYSE - Grand reporter au Figaro, Renaud Girard donne son regard sur les relations entre Washington et Téhéran.

À Washington, l'humeur à l'égard de l'Iran est en train de changer à vive allure. Le temps semble loin où, de la Maison-Blanche, dans un message télévisé du 20 mars 2009, le président Obama souhaitait aimablement le nouvel an perse aux dirigeants du régime théocratique de Téhéran. Lors du sommet des pays de l'Asean mercredi, la secrétaire d'État, Hillary Clinton, a déclaré que les États-Unis pourraient étendre leur protection («defense umbrella», en anglais) aux pays arabes du Golfe au cas où l'Iran ne renoncerait pas à son programme nucléaire militaire. Cette expression était jusque-là réservée aux membres européens de l'Otan ou au Japon, pays ayant conclu des accords stratégiques avec l'Amérique.

Le 6 juillet dernier, le vice-président Joe Biden avait déjà dit que les États-Unis ne pouvaient pas prétendre empêcher Israël, État souverain, de bombarder les installations atomiques iraniennes, le jour où le gouvernement de Jérusalem jugerait imminente la menace de destruction de l'État hébreu, maintes fois proférée par le président Mahmoud Ahmadinejad.

Cinq raisons expliquent l'actuel durcissement américain envers l'Iran. Les deux premières tiennent au régime islamiste de Téhéran lui-même. Ce dernier n'a rien fait pour saisir la main tendue de Barack Obama, qui proposait la réintégration de l'Iran dans le concert des nations (avec, à la clé, la levée de toutes les sanctions imposées par l'ONU, l'abandon de la doctrine Bush du «changement de régime», et le rétablissement de relations diplomatiques et commerciales normales avec l'Amérique), en échange de garanties iraniennes quant au caractère strictement civil de son programme de recherche atomique. Dès avant les élections présiden­tielles du 12 juin, Ahmadinejad avait déclaré «clos» le dossier nucléaire de son pays, montrant ainsi qu'il n'était pas question d'en négocier les tenants et les aboutissants avec Washington. Sans l'avouer au monde, l'Iran veut la bombe atomique. Pour des raisons de prestige, mais aussi parce qu'il se sent mal à l'aise face à quatre voisins, tous dotés de l'arme nucléaire : la Russie au nord, le Pakistan à l'est, la Ve flotte américaine au sud, Israël un peu plus loin à l'ouest.

Deuxièmement, le régime des mollahs a perdu beaucoup de sa crédibilité dans le monde arabo-musulman (auquel Obama avait consacré un discours spécial, au Caire, le 4 juin), depuis sa triche grossière au scrutin du 12 juin et la répression sanglante des manifestations populaires qui s'ensuivirent. La prétention de Téhéran à incarner une démocratie exemplaire quoique différente du modèle occidental ne tient plus. La triche n'est pas plus permise en Islam qu'ailleurs. Décrédibilisé internationalement et divisé intérieurement, le «gouvernement des clercs» est incontestablement affaibli. Il est toujours plus facile de durcir le ton à l'égard d'un régime affaibli par ses propres erreurs.

Troisième raison, l'Administration américaine ne peut pas à la fois exiger du gouvernement israélien le gel de sa politique de colonisation en Cisjordanie occupée et interdire à l'État juif de se préparer à répondre à la menace existentielle contenue dans les propos du président iranien.

La quatrième raison est d'ordre plus général. L'arrêt de la prolifération nucléaire est redevenu une priorité de la politique étrangère américaine. Clinton vient d'obtenir le soutien de ses homologues russe et chinois dans sa stratégie de fermeté à l'égard de la Corée du Nord. Il n'est plus question de carottes pour obtenir le retour des dirigeants fantasques de Pyongyang à la table de négociation. Ces derniers n'obtiendront d'aide économique pour leur population affamée qu'en l'échange d'une « dénucléarisation complète et irréversible ».

Cinquièmement, le président Obama subit chez lui des attaques de plus en plus concentrées, venues d'un Parti républicain prompt à lui reprocher sa « faiblesse » et sa « naïveté » dans le domaine international. «L'ouverture, c'est bien beau, mais il faudrait qu'elle commence à produire des résultats», lui assènent ses opposants.

Cependant, comme l'a rappelé Clinton elle-même, jeudi à la BBC, les offres de dialogue à Téhéran tiennent toujours. Mais les mollahs savent désormais à quoi s'en tenir : qu'ils n'espèrent pas la moindre faiblesse en provenance de Washington.

* Renaud Girard est grand reporter au service Étranger du Figaro


Aucun commentaire: