samedi 8 août 2009

Les opposants iraniens maîtres de la désobéissance civile


Pour que la vague verte ne meure pas, les opposants rivalisent d'ingéniosité et de courage afin de défier Ahmadinejad et témoigner.

Sur la petite circulaire, distribuée via Internet, les consignes avaient été données noir sur blanc. « L'important, c'est d'éviter la violence», insistait le document assorti de l'itinéraire à emprunter pour manifester, mercredi matin, devant le Parlement, contre le «président illégitime de l'Iran». Au final : un petit millier de personnes, rapidement éparpillées par les forces de l'ordre. «C'est rien, mais c'est beaucoup à la fois car ce qui compte, c'est de rester en vie, pour pouvoir se mobiliser à nouveau le lendemain», remarque Amir Ali, un habitant de Téhéran, en faisant référence aux autres formes alternatives de désobéissance civile qui se multiplient, en parallèle, en Iran : concerts de klaxons, sit-in dans les universités, petits rassemblements pour commémorer les «martyrs» de la répression, en s'affichant, parfois à la nuit tombée, avec un ruban vert (la couleur de l'opposition) autour du poignet…

Depuis le début de la contestation du scrutin du 12 juin, cet ingénieur ne rate aucun rassemblement anti-Ahmadinejad. Il s'est pris des coups de matraques. Le fils de son voisin est mort, tué par balle. Un de ses meilleurs amis a reçu des menaces téléphoniques. Et pourtant, il fait partie de ceux qui continuent, aussi, tous les soirs, à crier «Mort au dictateur !», en montant sur le toit de son immeuble.

Vue de l'étranger, la contestation semble morte. Elle est devenue invisible, voire impalpable, à cause de la censure qui pèse sur les photographes iraniens - deux d'entre eux sont actuellement derrière les barreaux pour avoir vendu leurs images à des agences de presse étrangères. Les derniers rares correspondants de médias occidentaux sur place n'ont, officiellement, pas le droit de couvrir ces divers rassemblements. Mais, sur Internet, le tableau qu'offrent les manifestants eux-mêmes est beaucoup plus parlant. Chaque jour, des dizaines de vidéos prises sur le vif, lors de petits rassemblements sporadiques - y compris en province - donnent à entendre et à voir un mouvement que les autorités s'efforcent d'étouffer.

Reporters en herbe

Soucieux d'éthique, et pour éviter le bidonnage, ce nouveau journalisme citoyen s'impose d'ailleurs des règles bien précises : l'image démarre souvent avec un plan serré sur la plaque d'une avenue - pour identifier le lieu - ou sur la couverture d'un journal iranien - pour préciser la date. Par peur d'être arrêtés, les reporters en herbe ont également appris à camoufler leurs téléphones portables - équipés de caméras - dans de petites bouteilles d'eau ou dans leurs manches de chemise. La blogosphère iranienne recèle, aussi, des consignes en tout genre pour «défier» les autorités : éviter de toujours dormir sous le même toit, changer régulièrement d'adresse e-mail en utilisant des pseudonymes, éteindre son téléphone portable durant les manifestations - Nokia étant soupçonné d'avoir vendu un système de surveillance aux autorités iraniennes. Un petit film dernièrement posté sur Facebook offrait même à ses spectateurs quelques cours rudimentaires de karaté, histoire de se préparer aux coups de bâtons des policiers…

Comparée aux émeutes étudiantes de 1999, rapidement réprimées au bout de quelques jours, cette «vague verte» surprend aujourd'hui les observateurs par sa durée. «C'est un mouvement inédit que le régime aura du mal à faire taire. Cette fois-ci, on y trouve de tout : féministes, étudiants, ouvriers, clercs de la ville sainte de Qom», remarque Ali Reza Nader, chercheur à la Rand Corporation. Selon lui, l'incarcération de figures charismatiques de cette contestation, telle que Mir Hossein Moussavi, ne ferait, d'ailleurs, que renforcer la grogne. «Certains ont pensé qu'en arrêtant des gens qu'ils pensent être les meneurs de la protestation, la question serait réglée. Mais le fait est que le mouvement a continué dans le pays et a démontré que les arrestations seront sans effet», prévient Moussavi, en personne, dans un nouveau communiqué posté, mercredi, sur son site Internet.


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