dimanche 25 octobre 2009

L'Iran cherche à modifier les termes de l'offre des grandes puissances sur l'uranium enrichi

L'Iran ne semble guère disposé à évacuer vers l'étranger, avant la fin de l'année, la majeure partie de son stock d'uranium enrichi. Téhéran a laissé passer, vendredi 23 octobre, le délai que lui avait fixé deux jours auparavant l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour fournir une réponse claire.

Le projet porte sur la transformation en Russie, puis en France, de 1 200 kilogrammes d'uranium iranien faiblement enrichi. Mis en avant par l'administration Obama, qui en a fait un test de l'attitude iranienne, il a donné lieu à trois jours de discussioins difficiles à Vienne, du 19 au 21 octobre, sans parvenir à un accord avec les Iraniens.

A quelques heures de l'expiration du délai, la République islamique a réclamé, vendredi, plus de temps pour se prononcer. Jusqu'à "la semaine prochaine", selon son ambassadeur auprès de l'AIEA, Ali Ashgar Soltanieh, cité par la télévision d'Etat. "Jusqu'au milieu de la semaine prochaine ", a précisé de son côté l'AIEA, qui n'a pas publiquement objecté au glissement du calendrier.

L'évacuation de l'uranium priverait l'Iran de la capacité de détourner son stock pour fabriquer la matière fissile utilisable dans la fabrication d'une bombe nucléaire.

Pour Téhéran, le schéma présente l'avantage de légitimer les activités d'enrichissement d'uranium qui lui ont permis de constituer ce stock, en dépit des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.

Toutefois, comme l'a indiqué le positionnement de sa délégation à Vienne, l'Iran semble chercher à modifier les termes de la proposition, dont le texte exact n'a pas été rendu public. Téhéran voudrait voir ses interlocuteurs renoncer à certaines conditions, sur lesquelles la France, en particulier, à insisté.

Téhéran refuse de livrer les 1 200 kg en bloc, et veut obtenir que le processus soit étalé dans le temps. C'est un détail crucial : en effet si la livraison a lieu par petits lots, l'Iran pourrait reconstituer son stock au fil des mois, car il n'a pas l'intention d'interrompre les activités d'enrichissement d'uranium menées dans l'usine de Natanz, au sud de Téhéran.

Du point de vue occidental, si l'uranium devait sortir d'Iran par petites parcelles, les gains de l'opération seraient annulés, puisque les capacités nucléaires iraniennes ne diminueraient en rien. L'Iran produit environ 80 kg d'uranium faiblement enrichi par mois. Les Etats-Unis se sont dit prêts à attendre quelques jours pour la réponse. Le projet "est une vraie opportunité pour l'Iran de lever certaines des vraies préoccupations de la communauté internationale sur son programme nucléaire", a dit le porte-parole du Département d'Etat, Ian Kelly. "Nous espérons que l'Iran apportera la semaine prochaine une réponse positive, a-t-il ajouté. Nous aurions préféré une réponse aujourd'hui."

Un refus iranien constituerait un revers pour l'administration Obama qui mise sur ce projet pour enclencher, ou accompagner, un processus de négociations plus larges. Washington ne veut visiblement pas renoncer. M. Kelly a semblé s'accrocher au moindre espoir en soulignant vendredi que, selon l'AIEA, l'Iran examinait la propostion "en profondeur et dans un esprit positif".

Pourtant les déclarations émanant directement de Téhéran étaient beaucoup plus circonspectes. Ainsi au moment même où l'Iran demandait plus de temps, sa télévision d'Etat citait un officiel anonyme selon lequel le pays n'envisageait qu'une chose : l'achat à l'étranger d'uranium enrichi à près de 20 %, sans aucune livraison préalable d'uranium iranien. Jeudi, au lendemain des discussions de Vienne, le numéro deux du Parlement iranien avait fait des déclarations dans le même sens.

Ce qui ouvre la voie à différentes hypothèses : le régime iranien est-il bloqué par des luttes internes, ou bien ne fait-il que jouer la montre sans jamais avoir véritablement eu l'intention de se déssaisir de son uranium ?

En visite à Beyrouth vendredi, le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, a commenté : "Je ne peux pas dire que la situation concernant l'Iran soit très positive." Une équipe de l'AIEA devait se rendre dimanche sur le site nucléaire de Qom.

Natalie Nougayrède


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