Analyse
Le double discours tenu par Téhéran rend incertaine l’issue des négociations de Vienne.Par JEAN-PIERRE PERRIN
C’est à l’aune de son opacité que l’on peut en général mesurer la faiblesse du régime iranien. Force alors est de constater que, depuis le bras de fer qu’il a engagé avec l’opposition au lendemain de l’élection présidentielle du 12 juin, le pouvoir islamique a rarement été aussi peu transparent. On ne sait même pas qui gouverne à Téhéran : le président Mahmoud Ahmadinejad ou le bureau du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. Ou encore, du moins sur les questions stratégiques, l’état-major des Pasdaran (Gardiens de la révolution), qui ne cessent de monter en puissance : ils ont ainsi commencé à mettre en coupe réglée l’économie iranienne et à subordonner à son commandement l’armée régulière du pays.
Uranium. Dans ces conditions, il est difficile d’appréhender la position iranienne dans les négociations de Vienne. Réunis sous l’égide de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), l’Iran et le trio Etats-Unis, Russie, France doivent aujourd’hui donner leur réponse au projet élaboré par l’Agence. Le mécanisme envisagé prévoit que Téhéran livre la plus grande partie de son stock d’uranium faiblement enrichi à la Russie, avec la France dans la position du sous-traitant, pour qu’il y soit réenrichi à 19,75% Derrière cette opération se devine la volonté du trio de tester la sincérité iranienne. D’où la question que se posent les diplomates : affaibli le régime islamique va-t-il être plutôt enclin à une certaine souplesse pour ne pas amplifier encore son isolement et devoir affronter tôt ou tard de nouvelles sanctions ? C’est ce que pense Washington, qui soutient de tout son poids le projet d’accord. Ou, au contraire, Téhéran feint-il de montrer de l’intérêt pour la proposition de l’AIEA afin de gagner du temps et, au bout du compte, la refuser ? Pendant les trois jours de négociations à Vienne, la délégation iranienne a témoigné qu’elle n’était ici que pour de la figuration et que les décisions étaient prises à Téhéran.
«Faiblesse». En fait, le régime joue toujours la carte qu’il maîtrise le mieux : l’ambiguïté. Hier, le chef des négociateurs iraniens a qualifié de «constructives» les discussions, alors que le vice-président, Mohammad Reza Bahonar, s’est prononcé contre le «projet d’accord». «C’est vrai que le régime donne l’impression d’être plus souple, mais est-il sincère ? Si l’on prend en compte leur faiblesse sur le plan intérieur, leur intérêt est de faire se prolonger les négociations, analyse Hassan Makaremi, chercheur à la Sorbonne. Il faut notamment prendre en compte une partie de la population qui ne dit rien mais qui, parce que le régime est engagé dans une phase de discussions dures avec des pays étrangers, se garde de le critiquer. Mais une fois que les négociations s’arrêteront, ces gens-là risquent de rejoindre l’opposition et donc de l’affaiblir encore.»
samedi 24 octobre 2009
Nucléaire : le régime joue l’opacité
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