vendredi 11 juillet 2008

La photo retouchée des missiles iraniens

Sur une photographie diffusée par les Gardiens de la révolution en Iran, quatre missiles s'élèvent d'un endroit non précisé du désert iranien, laissant derrière eux une traînée et des nuages de fumée au sol. Publié par Sepah News, page Web d'info et de relations publiques de l'armée d'élite du régime iranien, ce cliché a un objectif : illustrer le lancement d'un total de neuf missiles, dont un missile Shahab 3 qui serait capable d'atteindre Israël, selon la chaîne de télévision iranienne en arabe Al-Alam.

Mais cette photo aurait été retouchée pour ajouter le deuxième missile à partir de la droite. C'est ce que suppose Mark Fitzpatrick, expert à l'Institut international d'études stratégiques (IISS) et ancien responsable au département d'État américain. Selon lui, l'un des quatre missiles présents sur la photo a, "semble-t-il", été ajouté en copiant des éléments pris des autres engins, à savoir les panaches de fumée et les nuages de poussière.

D'après l'expert, les motivations des Gardiens de la révolution sont simples : "On dirait vraiment que l'Iran a retouché la photo pour dissimuler ce qui était apparemment l'échec d'un tir de missile." Et il poursuit : "L'objectif du test était d'envoyer un signal. L'Iran a donc à la fois exagéré les capacités du missile dans ses déclarations et, semble-t-il, également retouché les photos."

Pour Barah Mikhaïl, chercheur à l'Iris joint par lepoint.fr, l'image retouchée "donne une impression de force, car le cadre de la photo est entièrement rempli". "Il s'agit d'une entreprise d'exposition de muscles de la part de l'Iran. Tout moyen est bon pour montrer le potentiel effectif de l'Iran", poursuit ce dernier.

Un trucage "grossier" et "mal fait"

Des professionnels de l'image doutent aussi de l'intégrité du cliché. "C'est une photo truquée. On voit tout de suite que le missile a été dupliqué", a affirmé Gérard Issert, technicien en traitement d'images aux laboratoires Granon, l'un des grands laboratoires photo parisiens. "Les missiles n'ont pas été tirés sur le même plan. Or, ils font la même taille sur la photo." Sur le missile douteux, "la fumée en haut est dense, puis plus bas, elle se disperse et redevient dense en bas". "C'est fabriqué de toutes pièces et en plus, c'est grossier, mal fait", ajoute-t-il.

Grégoire Korganow, photographe à Libération de 1993 à 2002 pour lequel il a couvert notamment les débuts de la guerre en ex-Yougoslavie, est "sûr que l'image a été retravaillée". Évoquant la traînée de fumée laissée par les deuxième et troisième missiles à partir de la droite, il souligne que "les deux fumées sont les mêmes". "Il y a une zone claire [autour du missile controversé] comme si on était réintervenu sur l'image. Le ciel est impeccable, la fumée veloutée. Quand on tire un missile, ça fait de la poussière !", relève-t-il. "C'est un faux, on voit les mêmes détails. Il y a eu peut-être un tir, peut-être deux, mais pas quatre", renchérit de son côté un autre photographe, toujours interrogé à Arles, Thierry Cohen.

Le quotidien iranien Jamejam a pour sa part publié une photographie identique au cliché controversé... mais à une exception près : on y voit trois - et non quatre - missiles en train de décoller, un quatrième demeurant sur sa rampe de lancement mobile.

L'Iran a procédé jeudi à de nouveaux essais de missiles dans le Golfe . "Les évènements les plus importants ont été les tirs de missiles sol-mer et sol-sol ainsi que des missiles mer-sol", a indiqué jeudi le site de la télévision iranienne. Lors des exercices, les forces armées ont également tiré la torpille Hout ("baleine" en persan), testée en avril 2006, et qui avait alors été décrite comme une arme extrêmement rapide, capable de frapper les sous-marins ennemis. Des navires de guerre des Gardiens de la révolution ont participé aux manoeuvres, a rapporté le site iranien.

Selon Barah Mikhaïl, cette dernière démonstration de force n'a rien d'un hasard. Elle est à prendre comme une réponse aux pays du G8 qui se sont réunis au Japon autour notamment de la question du nucléaire iranien. Le régime islamique entend ainsi "prouver qu'il a un arsenal disponible et qu'une réplique est possible", rapporte le chercheur.


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