mardi 15 juillet 2008

Noirs desseins sur le nucléaire iranien

Sur le dossier nucléaire iranien, qui croire ? Washington ou Tel- Aviv, qui crient sans cesse au loup sans jamais l’avoir vu, affirmant pourtant ne pas douter une seconde de la possibilité d’une déclinaison militaire et clandestine de ce programme. Ou Téhéran, qui jure que ses principes religieux lui interdisent de fabriquer une «arme diabolique» mais a cependant travaillé - on le sait aujourd’hui -, au moins jusqu’en 2003, à son élaboration. Ou encore l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui, à la croisée d’intérêts divergents, ménage les uns et les autres, enrobant d’épais jargon diplomatique ce qu’elle reproche à l’Iran.

Bref, difficile de se faire une opinion tant sur un sujet aussi sensible personne ne peut être présumé de bonne foi. D’autant plus que le régime islamique envoie des messages brouillés, annonçant tantôt qu’il ne cédera jamais sur son «droit légitime» à l’enrichissement, promettant par ailleurs un compromis, comme récemment via les colonnes de Libération (du 2 juillet).

Bouleversement. Le dossier du nucléaire iranien, qui apparaît comme la crise majeure de ce début de XXIe siècle, risque de durer. Aussi les ouvrages sur la question fourmillent-ils. Celui de Bruno Tertrais n’y va pas par quatre chemins. Il esquisse deux scénarios catastrophe auxquels, assure-t-il, on ne peut échapper : «Soit l’Iran sera parvenu au seuil de la fabrication de l’arme nucléaire, forçant les Etats-Unis ou Israël à intervenir militairement ; soit il aura effectivement décidé de se doter de la bombe et les règles de la géopolitique mondiale s’en trouveront bouleversées.» Dans les deux cas, écrit-il dans un livre court et dense, «l’Iran serait au centre de la prochaine guerre». Chercheur, notamment à la Fondation pour la recherche stratégique, il imagine même le déroulement des opérations dans l’un et l’autre cas.

Prolifération. Dans le premier, le bombardement massif des sites iraniens suivi des représailles de Téhéran : attaques sur le détroit d’Ormuz pour couper la route du pétrole - avec le cours du baril qui atteint des sommets -, tirs de missiles Shahab-3 sur Israël, roquettes du Hezbollah, déferlement de violences des milices chiites en Irak… En résumé, un Moyen-Orient où, d’un bout à l’autre, rouleraient les tambours de guerre. Quand ? Demain. Tertrais avance même la date de janvier 2009. Dans le second scénario, le canevas est encore pire : l’Iran est arrivé à la bombe. S’ensuit une prolifération dans le monde arabe, une modification des rapports de force au Moyen-Orient, la chute du régime des Saoud, une guerre entre la Syrie et l’Etat hébreu, et, finalement, l’irréparable, une guerre atomique entre Israël et l’Iran. Bref, l’Apocalypse.

Pour le chercheur, qui ne croit guère à ce que la crise puisse se résoudre par des négociations, il n’y a donc de choix qu’entre un scénario noir - une guerre contre Téhéran - et un scénario très noir - l’Iran doté de la bombe.

Autre expert, François Heisbourg, qui préside l’International Institute for Strategic Studies de Londres, pose les termes de l’équation de façon identique : serait-il plus catastrophique de frapper que ne pas frapper ?La réponse, là aussi, est terrifiante : «Le recours à la force serait marginalement moins calamiteux que l’acceptation du franchissement du seuil nucléaire par l’Iran, suivi par celui d’autres Etats de la région.» «C’est peut-être le visage de notre XXIe siècle, ajoute l’auteur, qui se dessine en ce moment à travers l’avenir nucléaire de l’Iran.» Autrement dit, il n’est pas imaginable, pour ces chercheurs, que ce pays devienne une puissance nucléaire raisonnable.

Hypocrisies. Le journaliste Patrick Anidjar, dans un ouvrage très documenté sur «la menace nucléaire iranienne», ne le pense pas davantage. Seul Yves Bonnet, l’ex-patron de la DST, semble le croire, dans un livre qui pointe les hypocrisies occidentales : «Aussi détestable que soit le régime politique installé à Téhéran, il n’y a pas davantage de raisons de s’opposer à une volonté très largement partagée par le peuple iranien de se donner les moyens de sa défense que naguère à l’encontre de ceux qui sont entrés un par un, subrepticement pour certains, dans le club des huit [puissances nucléaires, ndlr].» Les propos du président iranien contre Israël ? «Ce ne sont pas les menaces verbales d’Ahmadinejad qui menacent la paix au Proche-Orient mais bien davantage les provocations violentes […] ou le sentiment d’impunité de tel ou tel», conclut l’auteur. Sans doute, mais elles n’arrangent rien non plus.


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