mardi 30 décembre 2008

Barack Obama et la tentation proche-orientale, par Daniel Vernet

Barack Obama voulait éviter, dans le conflit israélo-palestinien, les erreurs de ses deux prédécesseurs : attendre, comme Bill Clinton, d'être en fin de mandat pour tenter un coup de poker, et se tenir autant que possible à l'écart, comme George W. Bush. Pendant la campagne électorale, le candidat démocrate avait dit vouloir faire du Proche-Orient une de ses priorités. C'était un exercice obligé. Mais, s'il ne souhaitait pas s'abstenir, il n'avait pas l'intention de se laisser accaparer. Contrairement à M. Bush, il ne niait pas la "centralité" de la question israélo-palestinienne. Toutefois, il pensait la traiter dans une stratégie conçue pour l'ensemble du Moyen-Orient.

L'offensive israélienne à Gaza risque de bouleverser ses plans et de l'obliger à s'impliquer plus directement et plus vite qu'il ne l'avait prévu dans un affrontement où, comme l'écrivait Walter Russel Mead, chercheur au Council on Foreign Relations de New York, dans l'International Herald Tribune du 17 décembre, "le coût de l'engagement est élevé, les chances de solution sont au mieux mitigées et les approches possibles lourdes de gros risques politiques".

Pour autant qu'il soit possible de lire la pensée du président élu sur le Moyen-Orient à travers les déclarations des experts qui lui sont plus ou moins proches, l'idée consisterait à lancer une "nouvelle dynamique". L'expression est moins creuse qu'il n'y paraît, car elle comporte deux implications. D'une part, la volonté de miser d'abord sur la diplomatie, et non sur l'usage de la force. D'autre part, la conviction qu'un cercle vertueux peut être enclenché, un progrès sur un dossier (Irak, Iran, Syrie, Israël-Palestine, etc.) ayant un effet d'entraînement sur les autres.

Il ne s'agit pas non plus de succomber à la naïveté. Comme le dit un expert du Proche-Orient, qui attend un signe de Barack Obama, l'option militaire doit toujours être sur la table, mais à l'inverse du sentiment donné par l'administration Bush, l'option diplomatique ne doit pas être a priori écartée. C'est en particulier vrai pour le différend nucléaire avec Téhéran. Au risque de s'exposer aux critiques de ses adversaires, le futur président américain a répété qu'il était prêt à engager des négociations sans préalable avec l'Iran. Sans illusion sur la nature du régime et sans desserrer l'étau des sanctions. Bien au contraire.

Lancer une nouvelle dynamique, c'est aussi tenter de briser le cercle vicieux typique du Moyen-Orient : si l'on est fort, on n'a pas besoin de faire des compromis. Si l'on est faible, on ne peut pas se permettre d'en faire. En mettant en avant une approche globale, la nouvelle administration américaine cherchera à convaincre ses interlocuteurs que l'échiquier moyen-oriental ne propose pas un jeu à somme nulle. Qu'au contraire, tout le monde peut y gagner.

L'évacuation de l'Irak devrait être le premier signe de cette volonté, car elle suppose que tous les voisins, et en premier lieu les Iraniens, soient disposés à reconnaître leur intérêt commun à un maintien de l'intégrité de ce pays, après le départ des troupes américaines. Ni l'Iran avec la bombe ni l'Iran sous les bombes. Pour échapper à ce dilemme, Barack Obama devrait chercher à replacer la question du nucléaire iranien dans un vaste redécoupage impliquant non seulement les Etats de la région mais la Russie et la Chine. En un mot, définir une nouvelle politique étrangère.

P. S. : Dans la composition qui est sienne semaine après semaine depuis le 25 janvier 2005, cette chronique s'arrête. Elle reprendra ici ou là, sous une plume ou sous une autre. Au théâtre de la vie (internationale), le spectacle continue.

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