dimanche 1 mars 2009

Washington : comment approcher l'Iran ?

La nouvelle politique américaine envers Téhéran est en train de timidement se dessiner. Mais à tâtons. Pendant sa campagne, Barak Obama avait fait du dialogue avec l'Iran un des éléments de sa candidature. Or, à moins de quatre mois des élections présidentielles iraniennes, c'est la prudence qui prime. ..

La nomination, cette semaine, de Dennis Ross, d'abord pressenti comme envoyé spécial en Iran, au poste - moins prestigieux - de conseiller spécial auprès de Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat pour le Golfe et l'Asie du Sud-Ouest, en est la meilleure illustration. Cet ex-négociateur au Proche-Orient de Bill Clinton, co-fondateur du groupe United Against Nuclear Iran, était perçu, par certains, comme étant trop proche du lobby pro-israëlien.
« C'est une façon mesurée et équilibrée de le garder impliqué sans faire trop de dégâts », note ainsi Steve Clemons, expert à la New America Foundation, un centre de recherche progressiste de Washington, sur son blog « The Washington Note ». D'après lui, si Dennis Ross s'était retrouvé à jouer directement le rôle d'émissaire, « cela aurait servi de prétexte à la campagne populiste du président (iranien Mahmoud) Ahmadinejad qui se représente aux élections en juin, et cela aurait été considéré en Iran comme un signe qu'Obama n'est pas sérieux au sujet d'un changement stratégique des relations avec l'Iran ».
Dans un article paru, mercredi, dans le Los Angeles Times, Paul Richter y voit, lui, le signe d'une volonté délibérée de l'équipe d'Obama de ne pas précipiter la nouvelle politique américaine et de prendre le temps qu'il faudra pour préparer d'éventuelles discussions avec l'Iran - des discussions dont le contenu reste encore vague.

Une analyse qui rejoint l'éditorial de David Ignatius, publié hier dans les colonnes du Washington Post. On y apprend que l'équipe de la Maison Blanche consulterait, sur l'Iran, un certain Lee Hamilton, connu pour ses prises de position modérées, et dont on a pu entendre parler en 2006, à l'époque où il co-dirigeait l'Iraq Study Group qui suggérait un engagement avec le régime iranien. Hamilton, selon Ignatius, fait partie de ceux qui favorisent un processus de rapprochement progressif, sur le même modèle que celui qui avait été privilégié avec l'ex-Union soviétique.

Reste à voir sous quelle forme pourraient avoir lieu les discussions préliminaires, sachant qu'un entretien direct entre Obama et Ahmadinejad, ou encore Ali Khamenei, le guide suprême -numéro un du régime iranien - est bien évidemment inenvisageable. Selon Hamilton, cité par Ignatius, Washington devra, pour lancer des discussions, s'engager à « montrer notre respect envers le peuple iranien, renoncer à la politique de « regime change », trouver des opportunités de dialogue sur différents sujets, et reconnaître les soucis sécuritaires de l'Iran ainsi que son droit à l'énergie nucléaire civile ». Mais l'administration américaine doit également compter avec les réticences de certains membres du Congrès, des Israéliens et des Arabes modérés qui voient d'un mauvais œil la perspective d'un dialogue, voir d'un compromis, entre les Etats-Unis et l'Iran...

De plus, une question majeure reste en suspens : comment amorcer l'éventuel dialogue ? Les sujets d'attaque sont nombreux : L'humanitaire - en évoquant, par exemple, la disparition de l'Américain Robert Levinson en Iran, le diplomatique - en envisageant l'ouverture d'une section des intérêts américains à Téhéran (actuellement représentés par l'Ambassade de Suisse) -, ou encore l'Afghanistan - un dossier bien connu des deux pays, et sur lequel ils ont déjà planché ensemble, en 2003, à travers des négociations menées dans l'ombre... Pour l'heure, diverses idées semblent être proposées. Mais on continue à avancer dans le flou, aussi bien du côté américain que du côté iranien...
Delphine Minoui

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