lundi 22 juin 2009

Iran, le défi

Tout l'appareil de répression de la République islamique d'Iran avait été mobilisé : police, unité spéciale des Gardiens de la révolution, groupes de nervis armés appartenant aux milices du régime, les bassidji, chargées des plus basses besognes. Rien n'y a fait. Des Iraniens de tous âges et de toutes conditions sont descendus samedi 20 juin dans la rue. Certains l'ont payé de leur vie : au moins dix morts à Téhéran, la capitale. Ils ont défié le "Guide", l'autorité suprême du régime, l'ayatollah Ali Khamenei, qui, la veille, avait interdit toute manifestation.


Ils n'ont pas seulement réclamé ce pourquoi ils manifestent depuis une semaine : un nouveau décompte des suffrages, ou un autre scrutin, après l'élection présidentielle du vendredi 12 juin. Plus grand monde ne conteste que celle-ci a très vraisemblablement été volée par le président sortant, le fondamentaliste Mahmoud Ahmadinejad, avec l'accord et l'appui de l'ayatollah Khamenei. Descendant dans la rue, ces courageux Iraniens ont aussi brisé un tabou : ils se sont opposés à celui qui, dans l'usine à gaz institutionnelle iranienne, est censé incarner la révolution islamique.

Mais, précisément, M. Khamenei est sorti de son rôle d'arbitre des diverses factions qui composent le pouvoir iranien. Il s'est "factionnalisé" : il a pris le parti d'un des camps en présence. Il a mis toute sa légitimité, le poids de l'institution qu'il représente, au service du mouvement amorcé par M. Ahmadinejad au lendemain de son élection, en 2005 : la militarisation d'un régime s'appuyant de plus en plus sur un petit groupe des Gardiens de la révolution, cette deuxième armée nationale qui se veut le bras armé de la République islamique.

Le politologue français Frédéric Tellier a détaillé le détonnant cocktail idéologique qui anime ce groupe : romantisme et prosélytisme révolutionnaires, rationalité technique (l'obsession du nucléaire militaire), fanatisme froid, dévouement inconditionné. Comment nommer ce mélange d'hypernationalisme et de populisme, de quête de "pureté révolutionnaire" et d'anti-intellectualisme, de mépris de la démocratie, de rejet du compromis ? Islamo-fascisme ? Les similitudes avec les partis fascistes européens des années 1930 sont troublantes.

En face, l'opposition s'est résolument située dans le légalisme, dans le jeu institutionnel de la République islamique. Que veut-elle ? Un peu d'Etat de droit, nous disait une Iranienne : "Un peu de loi, une vie normale, la sécurité dans la rue, des droits parmi les plus élémentaires." Pas le règne de l'arbitraire.


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