Téhéran accentue sa pression sur Londres. Le premier ministre, Gordon Brown, a annoncé, mardi 23 juin, l'expulsion de deux diplomates iraniens, en réponse à une décision de Téhéran d'expulser deux diplomates britanniques d'Iran. "Je dois informer la Chambre [des communes] que l'Iran a pris hier la décision injustifiée d'expulser deux diplomates britanniques en s'appuyant sur des accusations qui sont totalement infondées", a déclaré M. Brown devant les députés britanniques. "En réponse à cette action, nous avons informé l'ambassadeur iranien plus tôt dans la journée que nous allons expulser deux diplomates iraniens de leur ambassade de Londres", a poursuivi M. Brown.
Plus tôt dans la journée, quatre associations d'étudiants iraniens proches des conservateurs de Mahmoud Ahmadinejad, dont celle du bassidj (milice islamique), avaient menacé de manifester devant l'ambassade de Grande-Bretagne à Téhéran. Selon l'agence Fars, elles voulaient protester contre "le gouvernement pervers de Grande-Bretagne pour son ingérence dans les affaires intérieures de l'Iran, son rôle dans les troubles à Téhéran et son soutien aux émeutes". Menaçants, les organisateurs de l'événement avaient insisté : l'ambassade britannique pourrait connaître le même sort que celle des Etats-Unis occupée en 1979. Finalement, le mot d'ordre a été annulé.
Lundi, la Commission des affaires étrangères du Parlement iranien a, pour sa part, demandé à son ministère des affaires étrangères de "rabaisser le niveau de ses relations avec la Grande-Bretagne". Et le Foreign Office organise actuellement le rapatriement des familles de ses employés, alors que les manifestations et les violences se multiplient.
Depuis un peu moins d'une semaine, Téhéran accuse Londres de tous les maux. L'ayatollah Khamenei a lancé la charge vendredi, au cours d'un prêche dans lequel il appelait à la fin des manifestations contre la réélection, le 12 juin, du président. Il avait violemment attaqué les pays occidentaux, "en premier lieu le gouvernement britannique", qui mettaient en doute la légitimité des résultats du scrutin.
Dimanche, Mahmoud Ahmadinejad a demandé à Londres, comme à Washington, de cesser ses "ingérences" dans les affaires intérieures de Téhéran. Le même jour, son ministre des affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, a accusé le Royaume-Uni d'avoir "comploté contre l'élection présidentielle depuis plus de deux ans". "Nous avons observé un afflux (de Britanniques) avant les élections", a-t-il poursuivi, évoquant la présence d'"éléments plus ou moins liés aux services secrets britanniques". Pour M. Mottaki, cela ne fait aucun doute : Londres "voulait que personne n'aille voter" et les médias britanniques sont sur la même position.
Dans ce contexte, Jon Leyne, le correspondant permanent de la BBC à Téhéran, accusé d'avoir "soutenu" les émeutiers, a reçu l'ordre, dimanche, de quitter le pays dans les 24 heures. "Si les différents réseaux radios et télévisions britanniques continuent d'interférer dans les affaires intérieures de notre pays en diffusant des informations mensongères ou inexactes sur l'Iran, ou d'ignorer l'éthique internationale en matière de journalisme, il y aura d'autres mesures de rétorsion", a prévenu le ministre de la culture et de la guidance islamique, Mohammad Hossein Safar Harandi. Seuls le Financial Times et l'agence Reuters ont encore des correspondants.
David Miliband, le ministre des affaires étrangères britanniques, n'a cessé de répéter qu'il revenait au peuple iranien de "choisir son gouvernement" et que les accusations d'ingérence et de complot qui étaient faites à la Grande-Bretagne étaient dénuées de tout fondement. Mais il n'est pas parvenu à calmer la hargne iranienne.
Londres et Téhéran entretiennent des relations houleuses depuis longtemps. Les élites iraniennes voient la main britannique derrière les secousses politiques qui agitent leur pays. Depuis le XIXe siècle. L'influence du Royaume-Uni a grandi avec la première guerre mondiale et son intérêt pour le pétrole de la région. L'occupation russo-britannique en 1941, alors que l'Iran s'est rapproché de l'Allemagne nazie, a forcé le souverain de l'époque, Reza Chah Pahlavi, à abdiquer en faveur de son fils. En 1953, Londres, qui n'a pas digéré la nationalisation deux ans auparavant de l'Anglo-Iranian Oil Company, soutient, avec les Etats-Unis, le putsch qui coûtera son poste au premier ministre Mohammad Mossadegh.
Dans ce contexte, les crises diplomatiques entre les deux pays se sont succédé à intervalle régulier depuis près de trente ans. Entre 1979 et 1988, l'ambassade britannique à Téhéran est fermée. Elle reprend du service quelques mois avant l'affaire Salman Rushdie en 1989, à la suite de laquelle les deux pays rompent de nouveau toute relation diplomatique pendant près de dix ans. Depuis le début de la guerre en Irak en 2003 et l'intensification du programme nucléaire iranien, les tensions entre Londres et Téhéran se sont ravivées. Les événements des derniers jours en attestent.
Virginie Malingre
mercredi 24 juin 2009
Le pouvoir iranien fait planer des menaces d'occupation de l'ambassade britannique
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire