Alors que les premières manifestations de contestation en réaction à l'élection présidentielle du 12 juin avaient rassemblé des centaines de milliers de participants, aucun grand rassemblement n'a eu lieu jeudi 25 juin à Téhéran. Celui de mercredi, qui ne comptait que quelques centaines de manifestants, a été violemment réprimé par les forces de sécurité.
Des Iraniens résidant en France rapportent que leurs proches ont désormais très peur de leur parler de la situation. "Quand je demande à ma sœur comment se déroulent les événements, ce qui se passe dans la rue, elle me demande comment vont mes enfants pour évacuer la question", explique une Iranienne habitant à Paris. Tous imaginent que les communications sont très surveillées, tant par téléphone que par courriel. Amnesty International confirme que nombre de ses informateurs ont reçu des menaces et des interdictions de parler de la situation à des étrangers.
DURCISSEMENT DU RÉGIME
Dans son discours vendredi 19 juin, l'ayatollah Khamenei avait déclaré que les opposants seraient "tenus pour responsables du chaos" s'ils n'arrêtaient pas de manifester. Depuis, le pouvoir iranien a intensifié la répression des opposants. La manifestation du samedi 20 juin a ainsi donné lieu à de sévères affrontements ; même la télévision d'Etat a fini par parler d'une dizaine de morts et de plus de cent blessés. "Il apparaît clairement que tous les outils de la répression sont mis en place", explique Hassiba Hadj Sahraoui, responsable d'Amnesty International pour l'Iran. "Petit à petit, toute possibilité de prise de parole critique est arrêtée", ajoute-t-elle, en estimant à plus de mille le nombre d'arrestations depuis le 12 juin. Autre signe de durcissement du régime : la nomination officielle du procureur de la cour révolutionnaire, désormais chargé des procès des manifestants. Manifestants dont bon nombre sont accusés de "travail avec l'ennemi", et pourraient risquer la peine de mort.
De nombreux témoins expliquent que les rues de Téhéran sont étroitement quadrillées par les forces de sécurité. Selon eux, des hommes des forces de sécurité sont stationnés dans les grandes places de la ville et empêchent tout rassemblement. Une situation qui explique en partie la participation moins importante lors des dernières manifestations. "Les gens se cachent et ne veulent pas sortir de chez eux", explique un Iranien résidant en France. "Nous sommes désespérés parce qu'on sent qu'ils arrivent à faire s'essouffler le mouvement et en même temps nous attendons un miracle ou une surprise venant de l'intérieur du régime", explique S., qui habite dans la capitale iranienne, jointe par mail.
Depuis les premières manifestations les arrestations se sont multipliées. "D'abord dirigées sur les leaders de l'opposition, puis vers les universitaires et les étudiants", explique Hassiba Hadj Sahraoui, d'Amnesty International. Les journalistes iraniens ont aussi été réduits au silence. Selon Reporters sans frontières, trente-cinq d'entre eux seraient actuellement emprisonnés en Iran. Mercredi, vingt-cinq employés du journal de Mir Hussein Musavi, Kalemeh Sabz, ont été arrêtés alors que le journal avait déjà cessé de paraître.
NOUVEAUX MODES DE PROTESTATION
"Ils vont changer de mode de protestation", veut croire un Iranien résidant en France. L'idée d'une grève a été lancée, mais il est difficile de savoir à quelle point elle est suivie. Certains témoins parlent de "nombreux magasins fermés" mais sans plus de précisions. Chaque nouvel appel à manifester est désormais sujet à caution. Des messages circulent sur Internet disant qu'il s'agit de faux appels destinés à emprisonner les manifestants.
Le magazine américain Time a fait valoir que les hommages aux personnes tuées pendant les manifestation "pourraient nourrir l'agenda du combat politique", en fonction du calendrier du deuil dans la tradition chiite. Mais jeudi, une marche de deuil en mémoire de ces personnes – au moins dix-sept selon le décompte officiel –, a dû être annulée par peur de la répression.
Certains habitants de Téhéran veulent encore y croire, qui procèdent symboliquement à des lâchers de ballons verts. "Tous les soirs, autour de 22 heures, les gens montent sur les toits et crient 'Allah o Akbar' ou 'mort au dictateur' pendant 40 minutes", témoigne S., de Téhéran. Un mode de protestation qui avait déjà été utilisé lors de la chute du shah.
Antonin Sabot
samedi 27 juin 2009
Par peur de la répression, la contestation iranienne s'essouffle
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire