samedi 4 juillet 2009

La crise politique en Iran réduit l'espoir d'un règlement négocié sur le nucléaire

Après deux semaines de turbulences politiques en Iran, les Occidentaux tentent d'évaluer l'impact de ce tournant sur la perspective de négociations avec la République islamique à propos du dossier nucléaire. Le constat fait à ce stade par la diplomatie française est pessimiste. A la lumière du raidissement interne du pouvoir à Téhéran, les chances de voir aboutir les ouvertures faites à l'Iran par Barack Obama, depuis le début de son mandat, se sont amenuisées.

Avant l'élection présidentielle iranienne du 12 juin, "le régime était déjà réticent" à s'engager dans des pourparlers avec les Occidentaux sur ses activités nucléaires, et "aujourd'hui il semble incapable de le faire", commente un diplomate français de haut rang.

La raison : le Guide suprême, Ali Khamenei, "sort affaibli" de la crise politique. "Sa capacité à trancher en s'appuyant sur les pragmatiques est réduite". En se rangeant du côté du président Mahmoud Ahmadinejad, dont la réélection a été contestée par la rue et une partie de l'élite iranienne, le Guide a "choisi les durs contre les pragmatiques. Il a fait le choix d'une double fermeté à l'intérieur et à l'extérieur, par crainte de voir la main tendue par Obama et la "vague verte" se combiner pour entraîner une glissade comparable à ce qui s'était produit du temps de Gorbatchev" en URSS, analyse ce haut responsable.

Autrement dit, la pérennité du système étant en jeu, tout infléchissement sur la question nucléaire serait vécu comme un signe supplémentaire de faiblesse, un risque que le Guide ne pourrait se permettre d'encourir.

Aussi s'attend-on à Paris à ce que l'offre de négociation faite à l'Iran par les grandes puissances - qui a été réitérée en avril - ne débouche que sur une réédition d'épisodes passés, c'est-à-dire des tergiversations iraniennes qui ne permettraient en rien de sortir de l'impasse. Ce sera "un mouvement brownien dans le vide", prédit cet officiel, "la répétition des positions" déjà adoptées, depuis 2006, par Téhéran.

Formellement, même si M. Obama s'est dit "accablé et scandalisé" par la répression politique en Iran, l'administration américaine maintient sa proposition de dialogue. Mais les Occidentaux ne semblent plus y croire. Ils préparent l'étape suivante : la mobilisation internationale vers de nouvelles sanctions. L'Iran va donc figurer "très haut" dans les discussions que M. Obama s'apprête à avoir à Moscou, du 6 au 8 juillet, avec son homologue russe, Dmitri Medvedev, observe cet officiel français. Le sommet du G8 en Italie sera une autre étape importante.

"Car pendant tout ce tohu-bohu (politique à Téhéran), les centrifugeuses (appareils permettant d'enrichir l'uranium) continuent de tourner", s'inquiète notre interlocuteur. "S'il n'y a pas d'espoir de sortir de la crise par des négociations, la solution repose sur des sanctions suffisamment fortes pour amener le régime iranien à changer de cap".

La Russie sera-t-elle sur la même ligne ? On décèle, à Paris, une tendance quelque peu nouvelle : "des interrogations, une inquiétude, à Moscou" sur le danger de voir le dossier nucléaire déraper, "une analyse qui rejoint notre pessimisme", commente l'officiel français. Le fait que la Russie ait fini par s'associer à une déclaration sévère, à l'encontre de l'Iran, lors de la réunion ministérielle du G8 à Trieste, le 26 juin, est perçu comme encourageant.

La question du bouclier anti-missile américain en Europe, un projet censé protéger des missiles iraniens mais qui heurte fortement Moscou, pèsera dans la balance. Washington est disposé à renoncer "provisoirement" à ces installations, "en attendant de voir ce que les Russes vont faire sur l'Iran, et ce que l'Iran va faire au plan balistique", nous dit cette source.

Pendant ce temps, les pays de l'Union européenne divergent sur la façon d'obtenir la libération des deux employés de l'ambassade britannique à Téhéran encore détenus par le régime. Le Royaume-Uni a suggéré de rappeler temporairement tous les ambassadeurs européens. Mais plusieurs pays, dont la présidence suédoise et l'Allemagne, refusent un tel geste, soucieux de ne pas rompre le contact diplomatique avec l'Iran.

Natalie Nougayrède (avec Philippe Ricard à Bruxelles)


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