samedi 18 juillet 2009
L'heure de Rafsandjani
L'éditorial de Pierre Rousselin du 18 juillet - «L'entrée en scène de Rafsandjani, derrière la candidature de Mir Hussein Moussavi, projette sur la scène publique le clivage qui s'est creusé au sein de la hiérarchie du régime».
L'opposition iranienne n'a pas renoncé à son combat contre le durcissement du régime des mollahs. L'intervention, vendredi, de l'ancien président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, lors de la prière du vendredi à Téhéran, marque un tournant dans la longue et difficile transition, sans doute irréversible, qui s'est amorcée en Iran avec le trucage de la présidentielle du 12 juin.
L'entrée en scène de Rafsandjani, que l'on savait derrière la candidature de Mir Hussein Moussavi, projette sur la scène publique le clivage qui s'est creusé au sein de la hiérarchie du régime.
En appelant à la libération des victimes de la répression, en jugeant légitimes les doutes exprimés sur le résultat de la présidentielle, en préconisant un large débat public à la télévision, Rafsandjani s'est placé en situation de recours, face à un guide suprême de la révolution qui a perdu sa légitimité le jour où il a pris fait et cause pour Mahmoud Ahmadinejad.
Le défi lancé aux deux protagonistes du coup de force du 12 juin n'est pas le fait de n'importe qui. Rafsandjani est un homme riche et puissant. Il est l'un des fondateurs de l'Iran khomeyniste, premier président du Majlis (Parlement) devenu ensuite président de la République islamique. C'est même lui qui a choisi l'ayatollah Ali Khamenei pour succéder à Khomeyni en tant que guide suprême de la révolution. L'idée était, à l'époque, de désigner un homme plutôt effacé et inoffensif, dépourvu d'une autorité religieuse incontestée, pour assurer une transition, avant de se mettre d'accord sur le nom du véritable successeur de Khomeyni. La suite en a été autrement. L'affrontement entre Khamenei et Rafsandjani, personnellement accusé de corruption pendant la campagne pour la présidentielle, s'est petit à petit développé et vient d'atteindre son paroxysme.
D'un côté, le repli nationaliste et autoritaire incarné par le président Mahmoud Ahmadinejad et ses diatribes antioccidentales. De l'autre, un conservatisme réformateur avec un véritable projet politique : introduire en Iran une évolution «à la chinoise», où l'ouverture économique permettrait de légitimer le régime.
En un mois, Khamenei et Ahmadinejad ont pu regagner le contrôle de la rue par une répression brutale et efficace. Mais ils sont incapables de rallier les opposants et de surmonter les divisions internes qui partagent en deux camps la hiérarchie politique et les plus hautes autorités religieuses du pays. Ce sont ces divisions internes qui font courir le plus grand risque au régime.
Toute contagion de la contestation au corps des gardiens de la révolution, État dans l'État et garde prétorienne de la République islamique, serait le signe d'une fragilité fatale.
À 75 ans, Rafsandjani joue le tout pour le tout. Il ne se serait pas lancé à découvert s'il n'avait pas de sérieux appuis. Le combat qu'il vient d'engager n'est pas de ceux que l'on peut abandonner à mi-parcours.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire