ANALYSE
L'angoisse rentrée que soulève dans les pays du Golfe la montée en puissance de la République islamique d'Iran n'est pas nouvelle. Mais avec ce qui se passe à Téhéran depuis l'élection présidentielle truquée du 12 juin, l'inquiétude est en train d'atteindre de nouveaux sommets.
La poussée de fièvre est suscitée par la hantise que le guide suprême Ali Khamenei et son allié Mahmoud Ahmadinejad, dont la légitimité est entamée par la contestation de la présidentielle, soient tentés de se lancer dans une escalade régionale afin de créer un réflexe nationaliste en Iran et de ressouder l'opinion autour d'eux.
Cette crainte n'est, à l'heure actuelle, qu'une hypothèse. Mais elle paraît au moins aussi urgente que celle que fait peser l'acquisition éventuelle de l'arme nucléaire par Téhéran.
Le scénario d'une fuite en avant décidée par le tandem Khamenei-Ahmadinejad pour contrer les éléments les plus réformateurs du régime iranien suffit à réveiller le cauchemar d'une République islamique dont le but ultime serait de prendre le contrôle des deux rives du Golfe (« arabique » pour les pays arabes mais « persique » pour les Iraniens) et de se saisir de la majorité de réserves pétrolières de la planète.
Selon un haut responsable de la sécurité d'un pays du Golfe, les « cellules dormantes », qui seraient fortes de 70 000 militants pro-iraniens dans la région, constituent une menace autrement plus grave qu'al-Qaida, qui monopolise pourtant l'attention des pays occidentaux et a trouvé au Yémen une nouvelle base arrière.
L'Iran peut s'appuyer sur la population chiite de la rive occidentale du Golfe. À Bahreïn, une monarchie sunnite règne sur un pays à 70 % chiite, où l'influence iranienne s'est fait sentir à l'occasion de plusieurs attentats. En Arabie saoudite, la minorité chiite, qui représente un dixième la population, est concentrée dans l'est de la péninsule, là où se trouve l'essentiel des réserves en hydrocarbures.
Tous les pays du Golfe ne sont pas aussi mobilisés les uns que les autres. Le Qatar partage un gisement gazier avec l'Iran et tient à conserver de bons rapports avec Téhéran. Doha joue un rôle de médiateur dans la région, notamment avec le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien. Cette neutralité affichée suscite la méfiance dans certains États voisins.
Les Émirats arabes unis, qui viennent d'accueillir une base militaire française, ont un conflit territorial avec l'Iran à propos de trois îlots situés stratégiquement dans le détroit d'Ormuz. Mais chacun des émirats joue sa partition. Dubaï n'a pas de pétrole et subit de plein fouet la crise économique. Financièrement aux abois, la cité du boom bancaire et immobilier de ces dernières années est beaucoup plus réticente qu'Abu Dhabi à compromettre ses relations commerciales avec l'Iran. Quant à l'Arabie saoudite, elle reste handicapée par la pesanteur de la prise de décision au sein de la famille royale et les incertitudes concernant la succession du roi Abdallah (sur la photo en train de recevoir le roi de Bahrein Hamad bin Isa al-Khalifa).
Les tentatives de déstabilisation imputées à l'Iran ne s'arrêtent par au Golfe. On l'a vu au Liban avec le Hezbollah et en Palestine avec le Hamas. L'Égypte n'est pas à l'abri, l'Iran pouvant disposer du relais des Frères musulmans. La santé du président Hosni Moubarak, 81 ans, suscite des inquiétudes croissantes et pose, inévitablement, le problème de sa succession.
L'Irak pourrait bien fournir le premier test de l'attitude iranienne. Téhéran va sans doute être tenté de profiter du retrait américain pour avancer ses pions.
Dans ces conditions, on comprend que le péril iranien occupe les esprits. La réponse n'est pas évidente. Maintenir la communication avec les dirigeants iraniens semble être la voie privilégiée, ne serait-ce que pour favoriser le débat interne. La politique de la main tendue adoptée par l'Administration de Barack Obama soulève toutefois une certaine méfiance. Ce n'est pas tant le président américain qui suscite des réserves, ni sa démarche. Mais l'on attend de voir où se situera le point d'équilibre entre les différents acteurs au sein de l'Administration.
En cette période de test pour Washington et d'effacement britannique, la France a un rôle à jouer dans le Golfe. Dans les Émirats, à Bahreïn et ailleurs, elle marque des points.
jeudi 16 juillet 2009
L'Iran inquiéte les pays du Golfe Par Pierre Rousselin
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