jeudi 6 août 2009

Washington promet à Israël d'infliger des sanctions à l'Iran en cas de refus de dialogue

Robert Gates, le 14 novembre 2008, au Pentagone

Après la carotte, le bâton. C'est peu dire que la politique de la main tendue de Barack Obama envers l'Iran avait été peu appréciée par des dirigeants israéliens persuadés de son inanité. Le gouvernement de Benjamin Nétanyahou a salué le nouveau message, plus ferme, que sont venus lui présenter, il y a quelques jours, les principaux conseillers du président américain.


Robert Gates, secrétaire à la défense, et le général Jim Jones, conseiller pour la sécurité nationale du chef de la Maison Blanche, ont indiqué que si Téhéran ne répond pas à l'offre de dialogue de Washington d'ici à la fin septembre, au moment où se tiendra l'Assemblée générale des Nations unies, et persiste à poursuivre son programme nucléaire soupçonne de contenir un volet militaire, les Etats-Unis prendront l'initiative de réunir une coalition internationale pour imposer des sanctions beaucoup plus drastiques à l'Iran.

Au premier rang de celles-ci figure un dispositif pour empêcher Téhéran d'importer de l'essence. S'il peut paraître paradoxal de tabler sur la dépendance pétrolière d'un pays qui détient les deuxièmes réserves mondiales de pétrole, la réalité est plus complexe : l'Iran consomme un demi-million de barils de produits pétroliers par jour, dont 40 % sont importés, en raison de la vétusté des installations de raffinage.

Le prix à la pompe est l'un des plus bas du monde, mais un blocus sur l'essence importée par Téhéran pourrait avoir des conséquences sociales et politiques. Dans un pays en proie à un climat post-électoral délétère, le pouvoir peut d'autant moins se risquer à infliger à la population un possible renchérissement du coût de la vie. Si personne, à Washington, ne s'est exprimé officiellement à ce sujet, certains experts proches du Parti républicain tablent sur une révolte de la "rue iranienne" que ne manquerait pas, selon eux, de provoquer une pénurie d'essence.

Ce n'est pas la seule mesure envisagée. Selon le quotidien Haaretz, les représentants de M. Obama ont indiqué qu'ils réfléchissaient à une interdiction d'assurer les contrats commerciaux conclus avec l'Iran.

CONSULTATIONS

Ultérieurement, une interdiction pour les avions iraniens d'atterrir sur les aéroports occidentaux, et pour les navires de faire escale dans les ports occidentaux, pourraient être appliquées. Haaretz indique que les Etats-Unis étudient enfin la possibilité de confier à l'un de leurs sous-marins nucléaires la mission de "cibler" en permanence l'Iran si Téhéran annonce son intention de franchir le pas de l'armement nucléaire.

L'ensemble de ce dispositif va dans le sens de ce que souhaitaient les responsables israéliens. En échange, Washington leur a demandé de mettre une sourdine à leur rhétorique guerrière, c'est-à-dire aux menaces de moins en moins voilées de se livrer à des frappes préventives contre les installations nucléaires iraniennes..

D'un côté comme de l'autre, on rappelle que "toutes les options sont sur la table", une façon de confirmer que les frappes militaires ne sont pas exclues, notamment de la part d'Israël. Les avions de combat israéliens ont récemment participé à l'exercice allié "Red flag" (Drapeau rouge) organisé à partir de la base de Nellis, au Nevada. Au programme, il y avait un exercice de ravitaillement en vol des F-16 de Tsahal, l'armée israélienne, une facilité qui serait bien utile pour une opération de bombardement des sites nucléaires iraniens.

Reste que cette escalade rhétorique de Washington est largement théorique. La possibilité de réunir une coalition internationale sur un catalogue de sanctions qui entraînerait inéluctablement une riposte de l'Iran (la perspective d'un blocage du détroit d'Hormuz par où transitent beaucoup de navires pétroliers, a de quoi inquiéter les pays occidentaux), est aléatoire, comme l'a montré le récent sommet du G-8 à L'Aquila (Italie).

Il est peu probable que la Russie et la Chine emboîtent le pas aux États-Unis, ce qui signifie que de nouvelles sanctions devraient intervenir sans le blanc-seing du Conseil de sécurité des Nations unies. Washington poursuit cependant des consultations à ce sujet avec ses principaux partenaires sur le dossier iranien, tels la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.

Tout en prêchant à Israël la modération, les Etats-Unis ne sont pas mécontents de la stratégie de la tension menée par Tel-Aviv, espérant ainsi amener Téhéran à composer. Israël de son côté ne se fait pas d'illusions sur les chances américaines d'aboutir à un compromis. Il y a du bluff de part et d'autre dans cette épreuve de force avec Téhéran. Mais une quasi-certitude : jusqu'à présent, les sanctions ont plutôt fortifié la détermination de l'Iran dans sa fuite en avant nucléaire.

Laurent Zecchini



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