mercredi 21 octobre 2009

Ali Larijani : "Nous n'avons aucune animosité envers les Français"

Président du parlement iranien, Ali Larijani était à Genève dans le cadre de la 121e Assemblée de l'Union interparlementaire.

Vienne, au siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), les discussions sur le programme nucléaire iranien piétinent. Au même moment, 88 % des Américains pensent que l'Iran est en train de fabriquer des armes nucléaires, 78 % sont favorables à des négociations directes entre Washington et Téhéran et 54 % ne seraient pas hostiles à des frappes militaires si nécessaire.

Ali Larijani, qui fut il y a peu le chef négociateur iranien dans le dossier nucléaire, est aujourd'hui le président du parlement iranien, le Majlis. Présent à Genève dans le cadre de la 121e Assemblée de l'Union interparlementaire, ce conservateur proche du Guide suprême, livre au Temps son analyse.

La première journée de négociations à Vienne sur la question d'enrichir de l'uranium hors d'Iran s'est mal passée. Pourquoi une telle hostilité iranienne envers la France ?

Ali Larijani : Ce qui se passe à Vienne, ce sont des discussions d'experts souhaitées par l'Iran pour qu'il puisse utiliser de l'uranium enrichi pour un réacteur de recherche. Et en fonction du Traité de non-prolifération nucléaire, pour qu'un tel combustible nous soit fourni, par la Russie par exemple, il faut que l'AIEA s'empare du dossier. Nous sommes entrés dans ces négociations avec une approche positive. Nous n'avons aucune animosité envers les Français.

Vraiment ?

Il est vrai qu'il y a un certain temps déjà, les Français nous ont confisqué 60 tonnes d'hexafluorure d'uranium. Ils ne nous les ont jamais rendus. Mais pour nous, il n'y a aucune raison que la France soit notre ennemie.

La révélation de l'existence d'un second site d'enrichissement d'uranium, près de Qom, a miné la confiance des Occidentaux. Les Américains et les Français étaient déjà au courant avant que l'Iran l'annonce à l'AIEA…

S'ils connaissaient l'existence de ce site, pourquoi ne nous en ont-ils pas fourni la preuve ? Nous avons agi correctement en informant l'AIEA bien avant le délai de 180 jours prévu par le TNP avant que le matériel fissile arrive sur place.

Il ne faut donc pas s'inquiéter, l'Iran ne construit pas la bombe ?

Il y a deux ans, le rapport de la National Intelligence Estimate, [direction du renseignement américain] a clairement démontré que la République islamique ne cherchait pas à acquérir l'arme nucléaire. Le monde d'aujourd'hui est complexe. Quand on veut nous accuser de créer la bombe, il serait bon d'étayer de telles accusations.

Comment appréciez-vous la politique de Barack Obama ?

Sa politique est encore très ambiguë. Il ne sait pas ce qu'il veut et bon nombre de ses postures sont en conflit. D'un côté, il tend la main à l'Iran, de l'autre, le groupe terroriste Joundallah a tué des responsables iraniens. Nous avons des informations à ce sujet: ce groupe a le soutien des Américains. Obama a tenu un bon discours au Caire en promettant de rétablir les droits de musulmans et de respecter les Palestiniens. Aujourd'hui, qu'a-t-il fait? Le régime sioniste continue de développer les colonies, Gaza et ses 1,5 million d'habitants souffrent toujours d'un terrible blocus. Est-ce qu'Obama a vu cette misère ? Nous, Iraniens, ne sommes pas intéressés par l'étalage de nourriture dans un restaurant. Nous souhaitons voir comment cette nourriture est apprêtée en cuisine…

Quel regard portez-vous sur la "Révolution verte" dont le porte-drapeau fut Mir Hossein Moussavi ?

Je ne comprends pas pourquoi on parle de révolution verte. Toutes les institutions en Iran sont issues de la volonté du peuple. Le Guide suprême est élu par l'Assemblée des experts qui est elle-même élue par le peuple. Le président est élu par le peuple tout comme les membres du parlement. L'Iran n'a pas besoin d'une telle révolution. La révolution de velours, c'est pour les dictatures.

Les Gardiens de la révolution ont été touchés par un attentat dimanche. On dit d'eux toutefois qu'ils prennent le contrôle du pays et qu'ils le militarisent.

C'est inacceptable de prétendre une chose pareille. Les pouvoirs militaires sont bien définis par la Constitution. Et jamais les différentes factions politiques n'autoriseraient une militarisation du système. Cela ne veut pas dire que certains militaires n'entrent pas dans nos institutions. Le parlement par exemple compte désormais sept ou huit ex-militaires.

Stéphane Bussard



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