samedi 24 octobre 2009

Israël ne baisse pas la garde sur le nucléaire iranien

Le ministère israélien des affaires étrangères et la Commission israélienne de l'énergie atomique (IAEC) ont confirmé, jeudi 22 octobre, que des experts israéliens et iraniens ont participé à une conférence internationale sur la non-prolifération nucléaire organisée au Caire, les 29 et 30 septembre. Au cours des discussions, qui ont notamment porté sur l'éventualité de faire du Proche-Orient une zone exempte d'armes nucléaires, un dialogue sans précédent s'est déroulé entre Meirav Zafary-Odiz, directrice israélienne du contrôle des armements à l'IAEC, et Ali Asghar Soltanieh, représentant iranien à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

C'est la première fois depuis la révolution iranienne de 1979, confirme-t-on de source israélienne, que des "échanges aussi directs" sur les questions nucléaires ont eu lieu entre des représentants iraniens et israéliens de haut niveau. Les experts des deux pays ont cependant de nombreuses occasions de se rencontrer, que ce soit à l'AIEA, à Vienne, mais aussi à Genève et New York, sur les questions de désarmement.

L'Iran a dans un premier temps démenti que la rencontre ait eu lieu, puis Ali Shirzadian, porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), a indiqué que la délégation iranienne au Caire avait affirmé que "les armes nucléaires du régime sioniste sont source d'insécurité au Proche-Orient". L'Australie est à l'origine de cette réunion - dont les débats devaient se dérouler à huis clos -, qui s'est tenue sous les auspices de la Commission internationale sur la non-prolifération et le désarmement nucléaire.

Dès lors que les autorités de Canberra ont décidé d'en révéler certains aspects au journal australien The Age, indique-t-on de source israélienne, "nous n'avions pas de raison de ne pas confirmer ; cette rencontre avec des délégués iraniens dans un forum multilatéral n'a rien de gênant pour nous".

En revanche, explique un diplomate, le démenti iranien n'est pas surprenant : "Pour un pays qui veut rayer Israël de la carte, admettre que des délégués iraniens parlent normalement au "petit Satan" israélien, représenterait une grave contradiction !"

D'après le quotidien Haaretz, dont le compte rendu est qualifié de fiable de source officielle israélienne, si aucune rencontre bilatérale n'a eu lieu, des échanges verbaux parfois vifs se sont produits entre délégués iraniens et israéliens. Selon le récit du Haaretz, le délégué iranien aurait notamment apostrophé son homologue israélien en ces termes : "Avez-vous, oui ou non, des armes nucléaires ?" En guise de réponse, Mme Zafary-Odiz s'est contentée de sourire.

Israël cultive depuis des années une politique dite d'"ambiguïté nucléaire", qui consiste à ne pas admettre et à ne pas démentir qu'il maîtrise l'arme atomique. Les experts sont cependant d'accord pour estimer que l'Etat juif dispose d'un arsenal compris entre 100 et 200 têtes nucléaires. Le délégué israélien a assuré qu'Israël n'est pas hostile au principe d'un Moyen-Orient sans armes nucléaires, dès lors que sa sécurité régionale sera assurée.

Pour exceptionnelle qu'elle ait été, la rencontre du Caire ne traduit pas un rapprochement entre l'Iran et Israël. Les autorités israéliennes font preuve à la fois de scepticisme et d'inquiétude à propos du projet d'accord nucléaire avec l'Iran qui a été mis au point dans le cadre de l'AIEA, et que Téhéran devait ou non entériner vendredi. Une réponse positive constituerait une mauvaise nouvelle pour Israël, dans la mesure où un climat international consensuel avec l'Iran rendrait beaucoup plus difficile l'option de frappes militaires contre les installations nucléaires iraniennes, option qu'Israël n'a pas abandonnée.

Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou souligne particulièrement l'absence de garanties concernant la supervision des capacités d'enrichissement de l'uranium, dont continuerait de bénéficier l'Iran. "Nous espérons que les dirigeants du monde ne vont pas s'enfoncer la tête dans le sable et ignorer les risques encourus", a souligné le ministre israélien de l'intérieur, Elie Yishai.

"Les Iraniens ont suffisamment trompé les inspecteurs de l'AIEA et la communauté internationale pour que l'on reste sceptique", ajoute un diplomate israélien, qui souligne qu'un tel accord reviendrait à reconnaître à l'Iran le droit d'enrichir de l'uranium, contrairement aux décisions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Or Israël n'a aucun doute : l'Iran ne renoncera pas à se doter de l'arme atomique, qui lui conférerait un statut de puissance régionale incontestée au Proche-Orient. On craint aussi, à Jérusalem, que Téhéran monnaye son accord en exigeant que l'arsenal nucléaire israélien soit, lui aussi, supervisé par la communauté internationale...

Laurent Zecchini


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