mardi 21 avril 2009

Sommet de l'ONU - Ahmadinejad attaque Israël, la France quitte la salle

Le dérapage tant redouté a bien eu lieu. Lors de la conférence Durban 2 contre le racisme, qui se tient à Genève, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, dont la venue à ce sommet a provoqué de nombreuses défections dans les délégations internationales, a une nouvelle fois suscité la polémique.

Déjà, à peine arrivé à la tribune, alors que le leader iranien s'apprête à prendre la parole, il doit s'interrompre. Trois manifestants déguisés avec des perruques multicolores et des nez rouges de clown surgissent du fond de la salle et crient "Raciste ! raciste !" à l'adresse de l'orateur. Ils jettent sur lui un objet non identifié avant de se faire expulser par les gardes de l'ONU. "Pardonnez-leur", lance Mahmoud Admadinejad, visiblement amusé par l'incident, à la salle redevenue silencieuse.
Et puis vient son discours. "Au nom clément et miséricordieux. Nous remercions dieu tout puissant..." Une entame de plusieurs minutes aux accents pour moins inhabituels dans des cercles diplomatiques, qui finit par agacer la salle où le brouhaha s'installe. Mais très vite, Mahmoud Ahmadinejad capte l'attention.

Le président iranien critique l'établissement d'un "gouvernement raciste" au Proche-Orient après 1945, faisant clairement allusion à Israël. "Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, [les alliés] ont eu recours à l'agression militaire pour priver de terres une nation entière sous le prétexte de la souffrance juive", explique Mahmoud Ahmadinejad. "Ils ont envoyé des migrants d'Europe, des États-Unis et du monde de l'holocauste pour établir un gouvernement raciste en Palestine occupée", affirme-t-il. Des clameurs s'élèvent alors de l'assistance, et l'ambassadeur de France auprès de l'ONU à Genève, Jean-Baptiste Mattéi, se lève et quitte la salle.

Un geste immédiatement imité par les 22 autres représentants d'États de l'Union européenne présents. Selon plusieurs sources diplomatiques, les Européens s'étaient mis d'accord sur ce coup d'éclat avant le début de la conférence en cas de dérapage iranien.
Plus tôt dans la journée, le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner avait prévenu : "Aucun dérapage, aucune provocation" ne seront tolérés. "Si le président (iranien) Ahmadinejad veut rouvrir le texte qui a été difficilement accepté ou s'il profère des accusations racistes ou antisémites, nous quitterons la salle immédiatement. Nous ne tolérerons aucun dérapage, aucune provocation", avait-il souligné lundi matin sur France Info. "Je souhaite que ce geste de protestation suscite une prise de conscience au sein de la communauté internationale", a estimé Bernard Kouchner après l'incident. "La protection des droits de l'homme et la lutte contre toutes les formes de racisme sont trop importantes pour que les nations ne s'unissent pas contre tous les discours de haine, contre tous les dévoiements", a-t-il estimé.

Même tonalité du côté de l'Élysée. Le discours prononcé par le président iranien constitue un "appel intolérable à la haine raciste" et "il bafoue les idéaux et les valeurs inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme", a déclaré Nicolas Sarkozy. Le chef de l'État, "qui avait déjà rejeté des propos inacceptables tenus en d'autres circonstances par le président iranien, condamne totalement ce discours de haine", dit le communiqué de la présidence française, dans lequel Nicolas Sarkozy "appelle à une réaction d'une extrême fermeté de l'Union européenne".


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lundi 20 avril 2009

La présidence iranienne intervient dans l'affaire Roxana Saberi

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a appelé dimanche à ce que la journaliste américano-iranienne condamnée pour espionnage puisse bénéficier d'une véritable défense lors de la procédure en appel, selon l'agence officielle de presse IRNA.

La journaliste Roxana Saberi, 31 ans, a été condamnée à huit ans de prison pour espionnage au profit des Etats-Unis. Son avocat a annoncé qu'il comptait faire appel.

L'agence cite une lettre des services de la présidence adressée au procureur de la république d'Iran, Saeed Mortazavi.

Dans cette lettre, il est demandé au procureur de s'assurer personnellement de ce que les "suspects bénéficient de tous leurs droits juridiques pour se défendre" des accusations portées contre elles. "Préparez les étape de la procédure (...) pour que la justice soit respectée", continue IRNA, citant des passages de la missive.

L'affaire Saberi intervient à l'heure où la nouvelle administration américaine tente d'inverser la tendance dans les relations avec Téhéran, se disant prête à entamer des discussions, principalement sur la question du nucléaire iranien. Le président Ahmadinejad a lui aussi de son côté envoyé le signal le plus clair à ce jour qu'il est favorable à une reprise de contact.

La présidence évoquait également le cas du blogueur irano-canadien Hossein Derakhshan, en prison depuis novembre pour insulte à l'islam. Il est considéré comme un des artisans de l'explosion du phénomène Internet en Iran, en expliquant sur Internet, très simplement et en farsi, comment créer des sites.

Samedi, le père de la jeune femme, Reza Saberi, avait déclaré sur les ondes de la radio publique américaine NPR que sa fille n'avait pas pu bénéficier d'une défense digne de ce nom au cours de son procès, qui n'a duré qu'une seule journée et s'est déroulé à huis clos, lundi.

"Le procès n'était pas bien sûr un vrai procès", a-t-il déclaré par ailleurs sur CNN, expliquant qu'il n'avait dure que 15 minutes. "Quelques minutes après son ouverture, elle ne savait toujours pas qu'il s'agissait d'un procès".

Il avait précisé sur NPR que sa fille, qu'il a décrite comme étant "assez déprimée", avait été condamnée mercredi, soit deux jours après sa comparution. Et que le tribunal avait attendu samedi pour en informer les avocats. AP


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dimanche 19 avril 2009

L'armée israélienne se tient prête à lancer des frappes aériennes sur l'Iran

D'après le quotidien The Times l'armée israélienne se tient prête à lancer des frappes aériennes de grande ampleur sur les installations nucléaires iraniennes au cas où le gouvernement lui en donnerait l'ordre. Dans son édition du samedi 18 avril, le quotidien britannique indique, citant des sources israéliennes qu' "Israël veut être sûre que si son armée recevait le feu vert, elle pourrait frapper l'Iran en quelques jours, ou même heures". "Elle se prépare sur tous les niveaux à cette éventualité. Le message à l'Iran est que la menace n'est pas seulement verbale", indique un haut responsable de la défense israélienne.

Parmi les mesures de préparation, Israël doit acquérir trois avions radars Awacs et envisage des exercices à l'échelle nationale pour préparer la population à d'éventuelles représailles.

Les responsables israéliens estiment que plus d'une douzaine de cibles devraient être visées en Iran, dont des convois mobiles. Les sites visés incluent Natanz (est), où plusieurs milliers de centrifugeuses enrichissent de l'uranium, Ispahan (centre) où des tunnels abritent 250 tonnes de gaz et Arak (est) où l'Iran construit un réacteur à eau lourde.

"Nous ne proférerions pas de menace (envers l'Iran) sans avoir les moyens de les réaliser. Il y a eu récemment un progrès, plusieurs opérations de préparation, qui indiquent une volonté de la part d'Israël d'agir", a indiqué un responsable lié au renseignement au Times.
Cependant, il est peu probable qu'Israël lance des frappes sans recevoir au moins un accord tacite de l'adminsitration américaine, qui vient d'adopter un ton plus conciliant envers Téhéran, souligne cette source.


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samedi 18 avril 2009

Une journaliste irano-américaine [Roxana Saberi]condamnée à huit ans de prison en Iran

La journaliste irano-américaine Roxana Saberi, jugée cette semaine en Iran pour espionnage au profit des Etats-Unis, a été condamnée à huit ans de prison, a annoncé samedi 18 avril un proche de la famille sous couvert de l'anonymat.

Le procès de la journaliste, âgée de 31 ans et détenue depuis fin janvier à Téhéran, s'était ouvert lundi dernier devant le tribunal révolutionnaire de la capitale, sur l'inculpation d'espionnage pour le compte des Etats-Unis. L'avocat de la journaliste, Abdolsamad Khoramshahi, joint par l'AFP a dit ne pas pouvoir s'exprimer dans l'immédiat. Le procès avait duré une journée seulement. "La journaliste a été autorisée à s'exprimer devant le tribunal pour sa défense", avait déclaré mardi le porte-parole de la Justice, Ali Reza Jamshidi. Selon lui, Melle Saberi était accusée d'"espionnage pour le compte de l'étranger, (...) des Etats Unis". "Il y a toujours un espoir. Mais nous ne savons pas ce qui va se passer", avait dit pour sa part le père de la journaliste.

Cette condamnation est survenue en dépit des ouvertures diplomatiques du président américain, Barack Obama, et de Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat sur la République islamique. Hillary Clinton avait indiqué fin mars qu'une délégation américaine avait remis à une délégation iranienne une lettre demandant la libération de trois Américains détenus en Iran, dont Melle Saberi, en marge d'une conférence sur l'Afghanistan à La Haye. Le porte-parole de la diplomatie iranienne Hassan Ghashghavi avait démenti qu'une telle rencontre ait eu lieu et qu'une lettre ait donc été remise.

Roxana Saberi, 31 ans, détient la double nationalité américaine et iranienne mais l'Iran ne reconnaît pas le principe de la double nationalité. La jeune journaliste, qui collabore notamment à la radio publique américaine NPR, la BBC et la chaîne de télévision américaine Fox News, avait initialement été détenue pour achat d'alcool, interdit dans la République islamique.
En mars, les autorités ont indiqué que sa carte de presse lui avait été retirée en 2006, et que depuis elle travaillait "illégalement" en Iran.


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vendredi 17 avril 2009

Roxana Saberi jugée comme espionne en Iran

Le procès de la journaliste irano-américaine, inculpée d’espionnage au profit des Etats-Unis, a débuté lundi devant un tribunal révolutionnaire. Roxana Saberi est détenue à Téhéran depuis fin janvier, initialement pour avoir acheté de l’alcool, ce qui est interdit dans la République islamique.

La semaine dernière, le vice-procureur de Téhéran, Hassan Hadad, avait annoncé son inculpation pour espionnage: «Elle n’avait pas d’accréditation de presse et menait des activités d’espionnage sous couvert de journalisme.»

Sa carte de presse lui ayant été retirée en 2006, elle travaillait selon eux «illégalement» en Iran, pays qui ne reconnaît pas la double nationalité. Roxana Saberi, qui collabore avec la radio publique américaine NPR, la BBC et Fox News, a reçu le soutien de l’administration Obama, sans succès. Les exhortations à la libération de Robert Wood, porte-parole du département d’Etat, selon lequel ces accusations étaient «sans fondement», n’ont servi à rien.

La décision du juge devrait intervenir dans une semaine, selon les informations dont dispose son père. Le porte-parole de la justice iranienne, Ali Reza Jamshidi, a précisé que la journaliste a été «autorisée à s’exprimer devant le tribunal pour sa défense».


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jeudi 16 avril 2009

Les Occidentaux rouvrent avec prudence des pourparlers avec l'Iran

Les Occidentaux et l'Iran sont dans une phase d'ouverture et d'observation : les premiers ont accueilli avec retenue mais scepticisme les annonces faites, le 9 avril, par le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, sur les nouveaux progrès qu'aurait accomplis Téhéran dans son programme nucléaire. Les dirigeants iraniens, de leur côté, se sont déclarés prêts à répondre favorablement à la proposition américaine d'engager de nouvelles discussions.

"Les conditions ont changé", a expliqué M. Ahmadinejad, tandis que son proche conseiller, Ali Akbar Javanfekr, parlait d'une "proposition constructive et d'un changement d'attitude" de Washington. Javier Solana, haut représentant de l'Union européenne pour la politique de sécurité et de défense, devrait avoir dans les prochains jours un premier contact téléphonique avec Saïd Jalili, le négociateur du dossier nucléaire iranien, avant qu'une première rencontre soit organisée entre les représentants des "Six" (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie), et l'Iran.

La prudence des Américains et des Européens est nourrie par l'ambivalence, habituelle, du discours iranien : à Ispahan, le président Ahmadinejad a souligné que les négociations passées avec les Occidentaux ont échoué parce que ceux-ci "insistaient sur l'arrêt de nos activités pacifiques", une référence indirecte au processus d'enrichissement de l'uranium, dont les Occidentaux exigent l'arrêt. En inaugurant la "première usine de fabrication de combustible nucléaire", il a annoncé que 7 000 centrifugeuses (contre 6 000 fin février) ont été installées à l'usine d'enrichissement de Natanz, et indiqué que deux nouveaux types de centrifugeuses, "d'une capacité plusieurs fois supérieure à celles existantes", ont été testées. Il s'agit vraisemblablement des centrifugeuses de nouvelle génération IR-2 et IR-3, évoquées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dans son rapport du 19 février.



"CONJONCTION FAVORABLE"



Tournant à vitesse élevée, ces appareils ont pour fonction d'enrichir l'uranium : faiblement enrichi, celui-ci sert de combustible pour une centrale nucléaire civile ; fortement enrichi, il concourt à la fabrication d'une arme nucléaire. Ces trois "avancées" sont a priori contradictoires avec l'état d'esprit d'ouverture professé par M. Ahmadinejad, mais les experts occidentaux restent prudents. "L'Iran, a rappelé, à Washington, un porte-parole du département d'Etat, a déjà, dans le passé, annoncé qu'il faisait fonctionner des quantités de centrifugeuses ne correspondant pas aux estimations de l'AIEA."

Ce qui préoccupe les diplomates qui suivent ce dossier, c'est moins les rodomontades iraniennes que le risque de voir l'Iran réamorcer un processus de négociations, qui s'est révélé stérile dans le passé. "Pendant des mois il ne s'est rien passé, résume un expert, si ce n'est le même jeu iranien pour gagner du temps, avec la même menace de sanctions, et les mêmes réponses iraniennes dilatoires." "Il est normal, ajoute-t-il, que les Américains se réengagent : ils ont un nouveau président, la période électorale en Iran est une occasion qu'il faut utiliser, et la crise économique, qui oblige les Iraniens à pomper dans leurs réserves financières, incite Téhéran à réagir. C'est donc une conjonction favorable."

Les Européens ont le sentiment d'avoir déjà offert à l'Iran toutes les compensations financières pour l'inciter à renoncer à son programme d'enrichissement. Tout en accompagnant la volonté de l'administration Obama de rouvrir des négociations avec Téhéran, ils préparent donc de nouvelles sanctions : dans un premier temps, il pourrait s'agir de soumettre à autorisation toute transaction commerciale avec l'Iran, avant de passer, si nécessaire, à l'interdiction totale des opérations bancaires.

De telles mesures sont cependant considérées comme l'"arme ultime" en matière économique. Pour une raison simple : les entreprises européennes qui exportent vers l'Iran, devront, elles aussi, faire des sacrifices.

Laurent Zecchini



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mercredi 8 avril 2009

Iran-Etats-Unis : les discussions secrètes de Genève

Depuis six ans, des chercheurs américains, européens et iraniens se rencontrent en secret. Les réunions, sauf deux, ont eu lieu à Genève. Objectif: établir des ponts informels pour éviter le pire. Ce processus, baptisé "Track II", révélé aujourd'hui[Le sept Avril 2009] par le quotidien suisse Le Temps, s'inspire des accords d'Oslo.

La diplomatie informelle va-t-elle permettre aux Iraniens et aux Américains de se réconcilier, 30 ans après la rupture des relations diplomatiques entre Washington et Téhéran ? Depuis six ans, des universitaires de la République islamique d'Iran et des Etats-Unis, mais aussi d'Europe, de Suisse, d'Etats arabes voire même d'Israël font fi des blocages et se réunissent régulièrement en Europe. Plusieurs réunions, qui comptent en moyenne une trentaine de participants, ont eu lieu à Genève. Les deux dernières se sont tenues en toute discrétion dans un autre pays européen. La plus récente a été organisée du 6 au 8 mars.

Soutien de Washington et de Téhéran

Les participants à ces rencontres appellent ce processus "Track II" (Piste II), un terme pour évoquer une diplomatie informelle et secrète. Un professeur, qui participe à ces réunions, mais qui souhaite conserver l'anonymat de peur de perdre son travail, témoigne: "Le processus d'Oslo a commencé à ce niveau. Entre Iraniens et Occidentaux, il est essentiel de se parler, car les perceptions qu'on peut avoir des uns et des autres sont parfois très éloignées de la réalité. Le pire, c'est de se déshumaniser réciproquement." Et le professeur d'ajouter: "Quand il n'y a pas de caméras, les peurs de parler librement disparaissent. Les participants ne se sentent pas contraints de jouer un jeu."

La diplomatie informelle de Track II n'est pas déconnectée de la politique officielle de Washington et de Téhéran. Elle s'effectue avec un soutien en haut lieu. Lors de la dernière réunion, qui s'est déroulée au début mars, un proche du gouvernement iranien était présent, de même qu'un ambassadeur d'un autre Etat. Ce dialogue semble avoir l'aval du Conseil du discernement iranien et de l'ex-président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani. Les fuites dont Le Temps se fait l'écho apparaissent dès lors comme une volonté d'influer sur la campagne qui mènera à l'élection présidentielle iranienne du 12 juin. Cette transparence semble aussi révéler l'urgence de la situation : Téhéran serait sur le point d'atteindre le seuil nucléaire.

Profil pointu

Le profil des professeurs d'université est en lien avec les problématiques régionales du Proche-Orient et les relations américano-iraniennes. Certains sont des spécialistes de stratégie, d'autres des relations internationales. D'autres encore sont des experts nucléaires ou travaillent pour des organisations internationales. Quelques-uns d'entre eux conseillent des responsables politiques. Un participant qui souhaite également garder l'anonymat le concède: "Certains professeurs iraniens croient dur comme fer au processus en cours. En participant à Track II, ils risquent néanmoins de mettre leur vie en jeu." Apparemment, quelques professeurs dont le nom est apparu dans des journaux grecs voici quelques années ont fini en prison.

Le professeur pense que le processus de Track II comporte un autre avantage. "En Iran, les décisions se prennent par consensus. Il est difficile de l'extérieur d'identifier qui sont les vraies personnes de pouvoir. Par nos discussions entre universitaires, nous sommes plus à même de savoir qui sont les vrais décideurs. Parfois, une personne n'a peut-être aucun titre, mais elle a un accès privilégié à ceux qui décident vraiment."

Les préoccupations sur le programme nucléaire iranien


Si les universitaires qui se réunissent ne traitent pas directement du problème nucléaire iranien, ils n'éludent pas la question pour autant. Lors de la rencontre du 6-8 mars, deux points de vue se sont fait jour. Les uns défendaient l'idée qu'il valait mieux traiter de la controverse nucléaire séparément et ne pas l'associer à d'autres problématiques. D'autres en revanche ont plaidé pour négocier un "paquet global", comme ce fut le cas avec la proposition de l'Union européenne et de son représentant Javier Solana de "gel des sanctions contre gel du programme d'enrichissement d'uranium". D'autres questions ont été soulevées: que faire d'un Etat comme l'Iran qui est sur le point de franchir le seuil nucléaire? Selon nos sources, Téhéran dispose aujourd'hui de 4000 centrifugeuses et de 800 kilos d'uranium légèrement enrichi (LEU). Il faut 10 kilos d'uranium hautement enrichi pour faire une bombe. Le régime est-il en train de se militariser? Quel impact aurait un changement de président lors de l'élection du 12 juin prochain?

Les incertitudes américaines

Lors de la réunion de Track II de mars 2009, les Iraniens étaient moins présents que lors des précédents rendez-vous. Raison: ils semblent attendre les effets concrets du changement promis par l'administration américaine de Barack Obama. Selon nos informations, Washington devait achever la révision de sa politique iranienne à la fin mars. Les Américains s'interrogent. Faut-il continuer avec l'approche multilatérale du P 5+1 puissances négociatrices (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Chine, Russie et Allemagne) ou faut-il au contraire privilégier la voie bilatérale avec les Iraniens? Au sein de l'administration américaine, les rivalités internes font traîner les choses. Directeur politique des Etats-Unis au sein du P 5+1, William Burns, qui était aux pourparlers de Genève en juillet 2008 (diplomatie formelle, Track I) avec les Iraniens, est confronté à la concurrence de Richard Holbrooke et surtout de Denis Ross, un ancien de l'administration Clinton, qui a été nommé envoyé spécial pour le Proche-Orient. "Mais qui est en charge du dossier ? se demande un expert, qui rappelle qu'à Téhéran, Denis Ross est perçu comme un dur. C'est un peu comme si on envoyait un gardien de la Révolution négocier à Washington."

Complicité organisée

Pour l'heure, les réunions de Track II ne se tiennent plus à Genève. Motif ? Avec l'intense activité diplomatique qui caractérise la Cité de Calvin, la discrétion n'est plus assurée. Mais il n'est pas exclu qu'en fonction de l'évolution des relations américano-iraniennes et du succès relatif de Track II, ce type de rencontres informelles puisse devenir plus médiatique et revenir à Genève. Cette hypothèse serait encore plus vraisemblable si la diplomatie d'ouverture de l'administration Obama envers l'Iran commençait à produire des résultats.

Jusqu'ici, quelque 400 universitaires ont pris part à ces réunions. Le contexte dans lequel elles se déroulent rappelle le cadre des négociations secrètes d'Oslo relatives au conflit israélo-arabe. Les participants choisissent un lieu discret, de préférence en pleine campagne, où les distractions sont peu nombreuses. Des petits groupes se forment et discutent de problèmes pointus. Souvent, les universitaires continuent leur discussion lors de balades dans la nature. Les participants aux réunions, qui durent en général trois jours, passent tout leur temps ensemble : du petit déjeuner au dîner afin de créer une quasi-complicité plus propice à la quête de solutions.

Les limites de la realpolitik

Difficile à ce jour de savoir si ce processus de diplomatie informelle va déboucher sur un accord entre les Etats-Unis et la République islamique. Un expert pense toutefois que le soutien des autorités iraniennes est relativement mou: "L'Etat, en Iran, est omniprésent. On peut douter qu'elles accordent trop d'importance au processus. Mais ce qui leur plaît, c'est qu'on parle du pays." "Cela prouve que nous sommes pris au sérieux", aurait avancé un haut responsable iranien.

Le processus de Track II a cependant le mérite de rompre avec les canaux officiels et la realpolitik qui n'offrent qu'une faible marge de manœuvre. D'autant que les Etats-Unis n'ont plus de contact direct avec l'Iran depuis trente ans et que leur président George W. Bush inscrivit la République islamique sur l'"Axe du mal" dans son discours sur l'état de l'Union en janvier 2002. Les premières discussions de Track II paraissent coïncider avec le début de la guerre en Irak en mars 2003 quand Mohammad Khatami était encore président.
Aujourd'hui, bien que la présidence iranienne soit occupée depuis 2005 par l'ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad, Track II continue…

Stéphane Bussard (Le Temps.ch)


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