Si la fameuse peinture de Mehdi Qadyanloo Down with the USA ("Mort à l'Amérique") dans le centre de Téhéran pouvait être remplacée par une nouvelle fresque symbolisant la paix, ce serait une véritable révolution, estime l'artiste iranien.
L'immense peinture murale, montrée sur les télévisions du monde entier, couvre un pan d'un bâtiment d'une dizaine d'étages dans le centre-ville, avenue Karim-Khan. Elle représente un drapeau américain dont les étoiles sont transformées en crânes et les lignes rouges se terminent en bombes. "Je veux remplacer cette peinture murale par une nouvelle peinture symbolisant la paix", affirme M. Qadyanloo.
Son rêve peut devenir réalité car les autorités municipales ont lancé depuis plusieurs mois une campagne d'embellissement de la ville, notamment par de nouvelles peintures représentant la culture iranienne mais aussi un message de paix et d'espoir. "L'idée est de rendre la capitale, polluée et encombrée, plus vivable avec des peintures ayant des thèmes plus universels", confirme Mohammad Reza Sharif Kazemi, l'homme chargé à la mairie de Téhéran d'embellir la ville.
"Il est normal de montrer à travers les peintures murales l'ancienne dictature [monarchique] ou la guerre (...) mais aujourd'hui la nation est en progrès et nous devons donner un nouveau message pour la nouvelle génération. Nous devons également montrer la profondeur de la culture iranienne", ajoute-t-il. Un débat qui intervient au moment où Iraniens et Américains multiplient les signes d'apaisement. Le rapprochement américano-iranien passera-t-il par les murs de la capitale ?
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mercredi 8 avril 2009
Si Téhéran remplaçait ses peintures murales antiaméricaines...
Prison confirmée pour 2 médecins
La justice iranienne a confirmé les peines de six et trois ans de prison infligées à deux médecins iraniens accusés d'avoir participé à un complot contre le régime islamique soutenu par la CIA américaine, a déclaré mardi à l'AFP leur avocat.
"Lors d'une session extraordinaire le 18 mars, la cour d'appel a malheureusement confirmé le jugement", a déclaré à l'AFP Massoud Shafiie, qui a critiqué la précipitation avec laquelle cette instance avait rendu sa décision.
Arash Alaie a été condamné à six ans de prison et Kamiar Alaie à trois ans de prison.
L'arrestation en juin des médecins, des frères connus à l'étranger pour leur lutte contre le virus du sida, avait été rendue publique en juillet par des ONG américaines.
Le directeur du contre-espionnage du ministère des Renseignements iranien avait affirmé en janvier que les deux médecins faisaient partie d'un groupe de quatre personnes condamnées à des peines de prison pour collaboration avec les renseignements américains dans le but de renverser pacifiquement le régime islamique.
La justice iranienne avait annoncé la semaine dernière que les quatre personnes appartenaient à un réseau "lié à la CIA".
Les autorités iraniennes accusent régulièrement les Etats-Unis et la Grande-Bretagne de chercher à renverser le régime islamique. Elles ont accentué depuis plus d'un an leur répression à l'encontre d'Iraniens accusés de contribuer à ces efforts.
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lundi 6 avril 2009
Une rencontre Obama-Khatami ?
Deux participants très attendus seront présents, ces lundi et mardi, au deuxième Forum de l'Alliance des civilisations de l'ONU, qui se tiendra à Istanbul.
Tous deux défenseurs d'un dialogue entre l'Occident et l'Orient, Barak Obama, le Président américain et Mohammad Khatami, l'ex-Président iranien devraient chacun y présenter un discours.
Aucun entretien officiel n'est prévu, les deux pays ayant rompu leurs relations diplomatiques depuis 1979.
Mais la presse turque commence déjà à spéculer sur la possibilité d'une discrète rencontre entre les deux hommes (voir ici l'article du quotidien turc Hurryiet, repris par la télévision iranienne Press TV ) en marge de ce forum qui réunit des chefs d'Etats et de gouvernement, ainsi que des ministres des Affaires étrangères de 27 pays.
Fin mars, Obama s'est fait remarquer par sa main tendue à Téhéran, à l'occasion d'un message adressé à Téhéran lors du nouvel an iranien, le Nowrouz. Un message qu'il pourra, sans doute, réitérer à Mohammad Khatami.
Mais l'ex-Président iranien, qui dirige aujourd'hui le Centre du dialogue entre les Civilisations - et qui vient de retirer sa candidature aux élections présidentielles du mois de juin prochain - ne pèse plus grand-chose sur l'échiquier politique iranien.
En matière de géopolitique, le dernier mot revient à l'ayatollah Khamenei, le guide suprême, qui, seul, a la possibilité de trancher sur ce sujet (comme le suggère cette caricature croustillante du dessinateur Patrick Chappatte) que je livre à votre réflexion. « Facebook friends » ? Ce n'est pas encore pour demain...
Delphine Minoui
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jeudi 2 avril 2009
Compte rendu : Premiers contacts entre Américains et Iraniens à la conférence sur l'Afghanistan
Même absent, le président américain, Barack Obama, aura pesé sur les discussions des quatre-vingts délégations présentes à la conférence internationale sur l'Afghanistan, mardi 31 mars, à La Haye. Première réunion de ce genre depuis son entrée à la Maison Blanche, organisée quatre jours après l'annonce de sa nouvelle stratégie en Afghanistan et peu avant le sommet de l'OTAN qui évoquera l'approche militaire de l'Alliance dans ce pays, elle a marqué le début "d'un nouveau commencement", selon la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a salué "le changement qualitatif de la position américaine", mais a néanmoins assuré que le temps était compté et que l'année 2009 serait "cruciale" pour l'Afghanistan. Le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui s'est félicité de voir les Etats-Unis venir sur des positions défendues par la France, a estimé qu'il ne restait "que quelques mois pour réussir".
La mise en place d'une stratégie régionale semble désormais moins relever du voeu pieu. L'Iran, c'est une première, a envoyé à La Haye son vice-ministre des affaires étrangères, Mohammed Mehdi Akhoundzadeh. Selon ce dernier, "la coopération régionale doit être la priorité et le rôle de l'ONU doit être plus grand que jamais". Un discours relevé par Hillary Clinton, pour qui "les déclarations du représentant iranien sont prometteuses". La secrétaire d'Etat américaine a également souligné l'importance d'un "partenariat avec le Pakistan" : "Il est essentiel. Lui seul nous permettra de progresser, notamment pour lutter contre les sanctuaires qui hébergent les insurgés. Mais, pour cela, il faut donner à ce pays les moyens dont il a besoin".
Mme Clinton a enfin insisté sur le principe d'une amnistie pour les insurgés qui renonceraient à la violence et rompraient avec Al-Qaida. Cette proposition, qui avait été faite dès 2005 par le président afghan Hamid Karzaï, est reprise dans le communiqué final de la conférence. Ce texte souligne également la nécessité d'"éliminer les sanctuaires d'Al-Qaida et d'autres réseaux terroristes, où qu'ils soient", une précision qui semble valoir pour les zones tribales pakistanaises.
La secrétaire d'Etat américaine a, d'autre part, invité tous les pays à participer, le 17 avril, à la conférence des "amis du Pakistan", à Tokyo, qui abordera le soutien financier à un pays dont la fragilité économique constitue, selon elle, une menace aussi dangereuse pour l'avenir de la région que le terrorisme.
Le ministre des affaires étrangères du Pakistan, Shah Mehmoud Qureshi, a confirmé le besoin d'un tel soutien et s'est félicité, par ailleurs, d'accueillir, à Islamabad, les 13 et 14 mai, la troisième conférence régionale de coopération économique consacrée à l'Afghanistan. Le président Karzaï a confirmé que "sans coopération" avec son voisin pakistanais "rien ne serait possible dans la région", insistant sur le "rôle clé" joué par la Turquie pour faciliter ce dialogue.
L'autre point de convergence a porté sur la capacité des autorités afghanes à prendre en main leur destin. En premier lieu la lutte contre la corruption : "A long terme, elle est aussi nocive pour l'Afghanistan qu'Al-Qaida, a prévenu Mme Clinton, car elle facilite le recrutement des nouveaux insurgés." Les talibans profitent en effet du ressentiment de la population contre le gouvernement de Kaboul. Pour consolider l'Etat afghan, les Etats-Unis veulent augmenter "dans les prochaines années" les effectifs de l'armée afghane jusqu'à 134 000 soldats et porter ceux de la police à 82 000 unités.
Enfin, l'accent a été mis sur la coordination de l'aide. "Il faut cartographier l'aide internationale, savoir qui fait quoi", a souligné M. Kouchner. "Les Etats eux-mêmes ne savent pas ce qu'ils envoient en Afghanistan", assure Pierre Lellouche, l'émissaire français pour l'Afghanistan et le Pakistan. Selon Kai Eide, le représentant spécial de l'ONU pour l'Afghanistan, "les pays doivent accepter que leur aide soit subordonnée, peu sont prêts à l'accepter".
La volonté générale de voir l'ONU jouer un rôle accru en Afghanistan avait été formulée à Paris en juin 2008, lors de la conférence des donateurs pour l'Afghanistan, sans effet notable. La stratégie, sous tutelle américaine depuis la chute des talibans, étant alors davantage focalisée sur l'angle militaire que sur le développement. L'administration Obama semble désireuse d'inverser cette image. "Notre incapacité à changer de stratégie a permis aux insurgés de reprendre des forces, a expliqué Mme Clinton. L'avenir de l'Afghanistan dépend des Afghans, de l'aide civile et militaire."
Seules les réserves exprimées par le représentant iranien sur l'envoi "inefficace" de renforts en Afghanistan sont venues troubler l'engagement politique fort exprimé par la communauté internationale pour sortir de la spirale de l'échec en Afghanistan.
Jacques Follorou
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mercredi 1 avril 2009
Rencontre américano-iranienne en marge de la conférence sur l'Afghanistan
Entre l'Iran et les Etats-Unis, ce n'est pas encore le dégel, mais c'est un premier pas. Après 30 ans de brouille et de tension, deux diplomates de haut rang, l'Américain Richard Holbrooke et l'Iranien Mehdi Akhundzadeh, se sont rencontrés mardi à La Haye en marge d'une conférence internationale sur l'Afghanistan.
Le face-à-face a été bref mais "cordial" entre l'émissaire américain pour l'Afghanistan et le Pakistan et le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, mais c'est un nouveau signe du changement de ton et d'attitude qui caractérise les relations entre ces deux pays depuis l'arrivée à la Maison Blanche de Barack Obama.
Publiquement, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, qui représentait Washington à cette conférence, a minimisé la signification de cette rencontre entre son émissaire et celui de son homologue iranien. La rencontre "n'a porté sur rien de substantiel. Elle était cordiale, non prévue et ils ont décidé de rester en contact", a expliqué aux journalistes la chef de la diplomatie américaine.
Pour autant, ce face-à-face a été observé de près pour savoir si Washington et Téhéran pouvaient à nouveau travailler ensemble sur un sujet d'intérêt commun -en l'occurrence, l'Afghanistan-, trente ans après la Révolution islamique de 1979 et la rupture des relations diplomatiques bilatérales. Les deux pays ont certes coopéré en 2001 et 2002 lors du renversement du régime taliban par une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Mais ce début de dialogue a été à nouveau rompu lorsque l'administration Bush a inclus l'Iran dans son "axe du mal", même si les prédécesseurs de Hillary Clinton, Colin Powell et Condoleezza Rice ont eu des contacts informels avec des ministres iraniens des Affaires étrangères.
Autre signe inhabituel de l'ouverture d'un canal diplomatique direct entre les deux pays, Mme Clinton a révélé que sa délégation avait remis en main propre une lettre à la délégation iranienne lors de cette même conférence. La missive américaine sollicite l'aide de Téhéran pour régler la question de trois ressortissants américains, détenus ou portés disparus en Iran, et souligne que leur retour au pays serait interprété comme un geste humanitaire.
La situation de ces trois citoyens américains -Robert Levinson, Roxana Saberi, Esha Momeni- était déjà connue, tout comme la position de Washington à leur sujet. Ce qui est nouveau, c'est le choix de l'administration Obama d'approcher directement l'Iran, sans passer par un intermédiaire.
Cette conférence se tenait aux Pays-Bas quelques jours après l'annonce par le président Barack Obama de la nouvelle stratégie américaine pour l'Afghanistan et de l'envoi de 17.000 soldats supplémentaires, de 4.000 formateurs militaires pour les forces de sécurité afghanes et de centaines de civils chargés d'aider à la mise en oeuvre de la politique de développement dans ce pays.
Dans leur discours, Mme Clinton et le président afghan Hamid Karzaï ont tendu la main aux talibans "repentis", ceux qui accepteraient de renoncer à la violence et de rompre leurs liens avec al-Qaïda. Les Etats-Unis tentent ainsi de suivre une voie qui s'est révélée fructueuse en Irak où d'anciens insurgés ont rejoint les forces gouvernementales et américaines.
Les talibans "devraient se voir proposer une forme honorable de réconciliation et de réintégration au sein d'une société pacifique s'ils sont prêts à renoncer à la violence, à rompre avec al-Qaïda et à soutenir la Constitution", a déclaré Mme Clinton.
La secrétaire d'Etat américaine a estimé que les combattants talibans s'étaient alliées aux forces anti-gouvernementales davantage "par désespoir" que par engagement véritable dans un pays où peu d'actions sont menées pour lutter contre la pauvreté et encourager le développement.
Dans leur déclaration finale, les participants de la conférence promettent de promouvoir la bonne gouvernance et d'institutions plus solides en Afghanistan, tout en favorisant la croissance économique et renforçant la sécurité.
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A Herat, dans l'ouest afghan, Iraniens et Américains rivalisent d'influence
Reportage:
Piles de cartons de friandises, aux couleurs fruitées, bureau acajou surmonté d'un ordinateur : le magasin de Shah Massoud Hakimi est un endroit un brin baroque. "Les sucreries vont bientôt être envoyées en Iran", sourit l'homme d'affaires à la barbe poivre et sel. Dehors, la rue grouille de véhicules pétaradants.
Dans ce quartier commerçant de Herat, la principale ville de l'Ouest afghan, non loin de la frontière avec l'Iran, l'économie tourne, indifférente à une "guerre" plutôt lointaine qui concerne au premier chef les provinces de l'est et du sud du pays.
A côté des stocks de bonbons de Shah Massoud Hakimi, Mohamad Rafi vend des motos. Il importe les pièces détachées (moteurs de Chine, selles et roues) d'Iran et les assemble à Herat.
Mèche gominée et veste de jean, Mohamad Rafi est un jeune homme pressé. Il se partage entre la faculté d'économie et le monde des affaires où il excelle déjà. "Mes profits augmentent de 10 % à 20 % par an", se réjouit-il.
Friandises made in Afghanistan exportées en Iran, pièces détachées made in Iran importées en Afghanistan : la promenade au coeur du bazar d'Herat dit mieux qu'un catalogue de statistiques l'étroitesse des liens entre cette région occidentale de l'Afghanistan et l'Iran. L'histoire pèse ici de tout son poids. Herat fut jadis intégrée à intervalles réguliers dans les empires perses.
Téhéran a longtemps revendiqué cette cité stratégique, sur les routes commerciales reliant Moyen-Orient et sous-continent indien, jusqu'à ce que Londres fasse barrage à ses ambitions quand les impératifs du "Grand Jeu" imposèrent au XIXe siècle d'ériger l'Afghanistan en Etat tampon face à la Russie. L'annexion politique a échoué, mais l'influence culturelle reste déterminante, surtout par le biais de la langue - le farsi - parlé par la population locale. Entre 1981 et 2001, les trois millions de réfugiés afghans en Iran, fuyant l'occupation soviétique, la guerre civile puis le règne des talibans, ont ravivé cette intimité ancestrale. Le vendeur de bonbons Shah Massoud Hakimi en parle avec nostalgie. "L'argent des réfugiés en Iran était une source financière importante pour Herat." Paradoxe de la paix revenue : le retour au pays des exilés a tari la manne.
Mais un autre flux est en train de se dessiner. Plus politique, davantage chargé d'arrière-pensées. Téhéran, soucieux d'enraciner son influence dans cette région frontalière, participe activement à la "reconstruction" de l'Afghanistan post-taliban. La route reliant le poste-frontière d'Islam Qala et Herat a été construite avec des fonds iraniens. De même, Téhéran finance une ligne de chemin de fer (125 km) qui assurera la liaison entre la ville iranienne de Khaf et Herat. Tout aussi stratégique, environ un tiers de l'électricité consommée par Herat est livré par les Iraniens.
"Les Iraniens s'activent beaucoup à Herat, ils considèrent que cette région représente pour eux un enjeu de sécurité nationale", décode Rafiq Shahih, professeur à l'université d'Herat. Selon des sources locales, le consulat iranien d'Herat est fort d'un contingent d'une quarantaine de diplomates, pas seulement mobilisés sur les projets de développement.
La minorité chiite fait l'objet de toute leur sollicitude. Lors des fêtes religieuses, le consul s'affiche à la mosquée Sadiqiya, restaurée grâce à des fonds iraniens. La revue de la mosquée, Payamsadiq ("Message de Sadiq"), ainsi qu'un magazine pour enfants, Shogofaha ("Fleurs de l'enfance"), sont notoirement financés par le consulat. Librairies et madrasas sont également choyées. "Les Iraniens sont là pour contrer l'influence américaine", explique Rafiq Shahih. Américains et forces de l'OTAN ont établi trois bases dans la province d'Herat. "Les Iraniens s'en inquiètent, précise M. Shahih. Ils peuvent craindre qu'elles ne soient utilisées en cas de crise ou de conflit avec Washington."
La suspicion est réciproque. Les Américains surveillent aussi l'activisme iranien dans la région. Selon les observateurs locaux, cette obsession d'endiguer le jeu de Téhéran est la clé du raidissement centralisateur de Kaboul ces dernières années vis-à-vis de Herat.
Un minipsychodrame avait éclaté en 2004 quand l'homme fort du cru, Ismaël Khan, a été rappelé à Kaboul. Issu de la communauté tadjike - majoritaire dans la province - Ismaël Khan était l'archétype du seigneur de la guerre, fer de lance des combats contre les talibans avant d'être nommé, après 2001, gouverneur local. Féodal à poigne, mû par un conservatisme religieux qui avait froissé des Heratis de culture plutôt libérale, il s'était néanmoins taillé une solide popularité en développant l'économie locale.
Alors que la reconstruction s'enlisait partout ailleurs en Afghanistan, Herat brillait avec insolence. Fort de son "modèle", Ismaël Khan cultivait un autonomisme qui a fini par exaspérer Kaboul. Sous l'évidente pression américaine, le président Hamid Karzaï a fini par le déloger de son fief. "Les Américains ont pu penser qu'Ismaël Khan était tombé sous l'influence de l'Iran", analyse M. Shahih. La coupable connexion n'a jamais été franchement établie, mais il ne fallait prendre aucun risque : Herat ne doit pas basculer de l'autre côté de la frontière.
Frédéric Bobin
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Afghanistan : l'Iran donne des gages à Obama
A l'occasion de la conférence internationale sur la situation afghane à La Haye, Téhéran a promis d'appuyer le virage américain dans la région, et Washington renoué le contact diplomatique avec l'Iran.
Il reste timide, mais entre Washington et Téhéran c'est un vrai dégel : l'Iran a apporté mardi un soutien politique mesuré à la stratégie afghane du président Obama et promis d'appuyer le virage des États-Unis vers des plans moins exclusivement militaires.
«L'envoi de troupes étrangères n'a rien amélioré en Afghanistan et il paraît probable qu'un engagement militaire accru sera lui aussi inefficace», a prévenu Medhi Akhundzadeh, chef adjoint de la diplomatie iranienne lors d'une conférence internationale à La Haye. Mais sous le regard de la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, il s'est empressé d'ajouter : «L'Iran est tout à fait prêt à participer à des projets visant (…) à développer et à reconstruire le pays.»
Points de convergence
Sous l'égide de l'ONU, la conférence de La Haye voulait mobiliser l'assistance internationale en faveur d'un pays plongé dans le chaos au bout de sept ans d'occupation occidentale. Quatre jours après que la Maison-Blanche eut décidé de corriger le tir en Afghanistan et dans la région, c'était surtout un test de crédibilité pour Barack Obama. Téhéran, invité avec l'accord express de Washington, a posé mardi ses cartes sur la table et permis l'ouverture.
L'Iran partage une frontière de près de 1 000 km avec l'Afghanistan. Il ne peut se réjouir de voir le contingent militaire américain déployé chez son voisin passer brutalement de 38 000 à 60 000 hommes, comme l'a décidé Washington. Mais sur beaucoup d'autres points, les prescriptions afghanes de Medhi Akhundzadeh semblaient tirées tout droit du catalogue Obama.
Le diplomate iranien, expert de l'Asie centrale, a insisté sur la nécessité d'associer les voisins de l'Afghanistan à la recherche d'une solution politique. La République islamique bien sûr, mais aussi le Pakistan. Comme Washington et ses alliés, Téhéran veut «afghaniser» la police et l'armée, combattre efficacement le trafic de drogue, relancer l'agriculture traditionnelle et reconstruire les infrastructures.
Hillary Clinton a jugé «prometteuse» l'intervention du diplomate iranien. Sans citer Téhéran, elle a aussi affirmé que la conférence de La Haye a atteint tous les objectifs recherchés par les États-Unis et du même coup garanti «la coopération de chacun des pays représentés». Dans l'après-midi, Richard Holbrooke, émissaire de la Maison-Blanche pour l'Afghanistan et le Pakistan, a brièvement rencontré le chef de la délégation iranienne et promis de «garder le contact» avec Medhi Akhundzadeh.
L'Iran, majoritairement chiite, s'était déjà rapproché des États-Unis en 2001 après que les troupes américaines et occidentales eurent chassé les talibans, sunnites, du pouvoir à Kaboul. Mais cette éclaircie avait tourné court. Quelques semaines plus tard, le président George W. Bush avait inscrit la République islamique sur son «axe du mal», aux côtés de l'Irak et de la Corée du Nord. Il avait du coup refermé la ligne que Barack Obama veut aujourd'hui rouvrir.
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